Les avocats de la défense et leur mandant ont mis en avant, durant les débats, le fait que c'est la parole politique qui est visée à travers ce procès. Dans ses réponses aux questions de la juge, concentrées essentiellement sur ses déclarations tenues en mai 2019 à Kherrata et des interventions sur des plateaux de télévision, Karim Tabbou, soutenu dans sa démarche par ses avocats, a placé la parole politique au centre des débats. Face à la juge qui insistait pour le confondre sur ses déclarations portant sur l'ancien chef de l'armée, le militant politique a mis en avant sa qualité de militant politique. "Je ne fais que de la politique et lorsque je parle en public, j'utilise les mots de militant politique", a-t-il mis en avant face aux accusations d'atteinte à l'armée pour laquelle, il est poursuivi depuis plusieurs mois par deux juridictions différentes. Intervenus après leur mandant, les avocats de la défense ont également mis en avant le fait que c'est la parole politique qui est visée à travers ce procès. "Si nous continuons à juger et à condamner tous ceux qui osent porter la parole en public, plus personne ne fera de politique dans ce pays", s'est indigné Mostefa Bouchachi, très éloquent comme à ses habitudes. Le ténor du barreau a rappelé à la juge et au procureur de la République, qui a requis 3 ans de prison ferme contre le porte-parole de l'UDS, que Karim Tabbou est un homme "politique" et la conférence dans laquelle il lui est reproché de tenir des paroles contre l'armée "était publique" et a "reçu l'assentiment de l'administration locale". Le même discours a été soutenu par Zoubida Assoul, Abdellah Heboul et surtout Amar Zaïdi qui a rappelé que le prévenu est "victime d'un procès politique". "M. Tabbou, qui est là, vous a dit publiquement que son seul métier est la politique : il est donc face à un procès politique", a, de son côté, dénoncé Salem Khatri, bâtonnier de Béjaïa. "Les accusations portées contre M. Tabbou ne sont justifiées par aucun article de loi. Nous sommes donc forcément face à un procès politique", a relevé Hakim Saheb dans sa plaidoirie. "On a jugé Karim Tabbou sur la base de déclarations politiques. Cela est contraire à la Constitution qui garantit le droit à l'activité et à l'expression politiques", a, pour sa part, insisté Zoubida Assoul, elle-même femme politique. L'autre point soulevé par ce procès est lié au rôle de l'armée dans l'arène politique. Dès le début du procès, Karim Tabbou a rappelé, sans le citer dans un premier temps, que le chef de l'armée de l'époque, Ahmed Gaïd Salah, s'était jeté dans l'arène politique. Le critiquer ne pouvait donc être assimilé à une attaque contre l'institution militaire. "Lorsqu'un gendarme ou un militaire est recruté, on lui rappelle que l'exercice politique lui est interdit. Cela est en principe la règle. Mais le chef de l'armée de l'époque se mêlait de la politique, parlait de la rentrée scolaire et avait fixé la date des élections", rappelle Karim Tabbou qui revient au contexte politique de l'année 2019. Plus que cela, Ahmed Gaïd Salah "avait traité les opposants de ‘chardhama' et de ‘vendus'. Il était donc de mon devoir comme militant politique de défendre la liberté", a-t-il indiqué tout en appelant à "casser des tabous". "Madame la juge, je vous défie de me citer un article de loi qui permet au chef de l'armée de s'adresser aux Algériens", ont relevé plusieurs avocats. "Nous avons vu des Algériens traiter le Parlement, qui est une institution constituante, d'‘assemblée de coiffeuses'". "Quelqu'un parmi les procureurs de la République a décidé de poursuivre les auteurs de ces déclarations en justice ? Non, parce qu'il s'agit de discours politique. Cela doit être la même chose avec l'institution militaire qui est une institution républicaine au même titre que toutes les autres", a insisté Mostefa Bouchachi. Puis, "le représentant de l'armée est en principe le ministre de la Défense et en aucun cas le chef d'état-major de l'armée", a rappelé de son côté Hakim Saheb. À préciser que le verdict est mis en délibéré pour le 7 décembre prochain.