C'est l'Algérie profonde qui a voté massivement pour ce projet dont elle attend un retour d'écoute du Président. Après quarante-quatre jours de campagne intense, le rideau est tombé sur un scrutin pas comme les autres. Jamais le pouvoir et ses relais ne se sont investis autant que cette fois-ci et avec autant de force et parfois d'opportunisme pour certains. Les chiffres annoncés hier par le ministre de l'intérieur appellent à des lectures beaucoup plus politiques qu'arithmétiques. Le taux de participation, qui était au centre des enjeux, voire l'enjeu principal, lors de cette consultation, a été affecté par le boycott des urnes dans les deux wilayas de la Kabylie. Déçues et irritées par la déclaration du président à Constantine, les populations de cette région ont sanctionné le promoteur de la charte. Le taux élevé d'abstention à Tizi Ouzou et à Béjaïa a ramené la moyenne nationale de participation a près de 80%. La Kabylie a brouillé quelque peu les jeux et les calculs du pouvoir. la Kabylie a tourné le dos, comme a son accoutumée, à la démarche du régime. Le gouvernement, qui a encaissé le coup, doit compter désormais avec cette région et revoir sa copie sur la gestion de la crise. L'autre enseignement à tirer de cette consultation reste le taux de participation qui avoisine les 80%. Jamais depuis l'indépendance tel score n'a été réalisé. Un record dans les annales algériennes. À travers ce référendum, c'est le deuxième tour de l'élection d'avril 2004 qui s'est joué ce jeudi, confortant et investissant le chef de l'Etat de nouveaux pouvoirs, bien plus larges et plus importants que ceux dont ils disposent jusque-là. Les wilayas du grand-sud se maintiennent dans le classement national du taux de participation même si la première place dans le “hit-parade” revient cette fois à la wilaya de Khenchela qui détrône ainsi Tamanrasset, longtemps leader dans cette “discipline”. Toujours à propos du grand-sud, Béchar, qui a souffert de terrorisme bien plus que les autres régions de cette partie de l'Algérie, a surpris par son score en deçà des attentes et des traditions. C'est dans cette wilaya, qui a connu il y a quelques mois des émeutes et des manifestations populaires qu'a été enregistré le taux le plus faible dans le grand-sud avec 67,34% seulement. La surprise de la consultation est venue cette fois-ci de la capitale. Traditionnellement, les algérois ne votent pas en masse pour des raisons extrapolitiques, mais ce n'est pas le cas pour ce jeudi au cours duquel les habitants ont décidé d'envahir les urnes et de faire monter le taux de participation à près de 72%. Un record, encore un record, à inscrire dans l'histoire des élections en Algérie. C'est la première fois, en effet, que le taux de participation dépasse la barre des 60% dans la capitale. Ce score a valeur de baromètre, mais il faut attendre les prochaines consultations pour vérifier s'il s'agit de l'amorce de nouvelles mœurs électorales des populations algéroises ou d'une simple parenthèse qui sera vite fermée. Sur un autre registre, les chiffres livrés hier par le ministre de l'intérieur montrent que les habitants des wilayas qui ont souffert le plus du terrorisme, durant la décennie passée, ont massivement et positivement voté pour le projet de charte présidentielle. Le vœu et l'aspiration à une paix durable ont certainement été les éléments qui expliquent cet engouement sans précédent des populations des wilayas de Chlef, de Blida, de Relizane, de Tiaret, de Jijel, de Médéa, de Boumerdès et bien d'autres localités où un taux de plus de 90% a été réalisé. Ce sont dans les régions les plus touchées et ébranlées par l'hydre terroriste qu'un taux des plus élevés a été enregistré durant cette consultation. Un chèque en blanc et lourde responsabilité pour le chef de l'Etat qui a pris des engagements publics durant ses différentes sorties et meetings depuis le 14 août dernier. Parmi les points et aspects particuliers à relever à la lecture des statistiques livrées hier par le département dirigé par Zerhouni, à noter cette tendance de la faible participation des wilayas du Centre et les grandes villes du pays aux scrutins organisés ces dernières années. Les taux de participation enregistrés à Bouira, à Constantine, à Tipasa, à Oran, à Mostaganem sont en léger recul avec les scores de la quasi totalité des autres wilayas. Ce sont pratiquement les seules régions où le taux de participation a été au-dessous de 80%. Ce qui signifie, toutes proportions gardées, que le vote rural a marqué ce scrutin. Ce sont les coins reculés et les villages oubliés de l'Algérie profonde qui ont voté massivement. Un cri et un message lancés en direction du pouvoir qui doit les décoder politiquement. La grande énigme de cette consultation reste l'identité politique de près de 400 000 voix de “non” qui se sont exprimées. Si l'abstention est à mettre sur le compte de ceux qui ont appelé pour le boycott, aucune structure ni organisation n'a demandé au peuple de voter “non”. Qui revendiquera ces voix qui, en d'autres scrutins, peuvent permettre d'avoir des sièges dans des assemblées élues ? Pour quel courant politique voteront donc ces citoyens qui ne se retrouvent dans aucune position exprimée à la veille du référendum ? Ce sont autant d'interrogations et d'enseignements auxquels appelle le scrutin de jeudi dernier. Un scrutin qui ouvre une nouvelle phase dans l'histoire dont ses contours seront connus dans les prochains jours. Les regards sont désormais braqués sur ce qui sortira du palais d'El-Mouradia et sur ce que décidera le chef de l'Etat. mourad aït oufella
