Pour des raisons qui restent à expliquer, les droits d'expression et d'opinion ont, de nouveau, été piétinés à Oran, et les hirakistes pris entre les griffes des services de sécurité qui ont fait preuve d'une rare agressivité. Vendredi dernier, journée qui devait marquer le retour du Hirak après onze mois de suspension pour raison sanitaire, de très nombreux hirakistes et simples citoyens ont été interpellés dans différents quartiers du centre-ville. Beaucoup ont été embarqués dans le calme, mais d'autres ont été victimes de violences policières. Parmi elles, Me Omar Boussag, avocat du collectif de défense du Hirak, a été pris à partie par des policiers en civil qui, a-t-il dénoncé dans une vidéo postée après sa remise en liberté, n'ont pas hésité à le malmener et à l'insulter bien qu'il ait décliné son identité et sa fonction d'avocat. Exhibant deux doigts bandés et une ecchymose au cou, l'avocat a annoncé son intention de porter plainte auprès du procureur de la République. "Notre lutte continue dans la silmiya (la non-violence)", a-t-il conclu. Ahmed Mebrek, autre avocat du collectif oranais, a, également, été interpellé et emmené au siège de la sûreté de la wilaya. "Nous avons été appréhendés comme des délinquants", a fulminé l'homme de loi depuis le dispensaire où il a été conduit avant d'être libéré. Pour beaucoup, ces deux arrestations donnent la mesure du délitement des droits de l'Homme en Algérie, plus particulièrement à Oran où, il n'y a pas si longtemps, un autre avocat, Farid Khemisti en l'occurrence, avait été interpellé pour avoir tenté de prendre part à une manifestation contre l'augmentation des féminicides. "Cette situation montre bien que le changement n'est pas advenu et que le système est prêt à tout pour se maintenir en place", s'est insurgé un autre avocat en rappelant le sort réservé à son confrère de Blida, il y a un peu plus d'une semaine. Les interpellations du vendredi n'ont pas touché uniquement les avocats ou les journalistes, comme Noureddine Guellil, loin de là. Parmi les 70 à 80 personnes arrêtées se trouvent également des femmes de tous âges et des étudiantes, arrêtées sans ménagement par des policières en civil et conduites dans les commissariats. "Des femmes ont été embarquées et gardées à vue des heures durant", a témoigné, dans la nuit, un hirakiste qui attendait, devant le siège de sûreté de wilaya d'Oran, la libération du reste des personnes arrêtées. À bien des égards, cette débauche de violence dans les interpellations rappelle les journées des 12 et 13 décembre 2019 et la terrible répression qui s'était abattue sur les hirakistes. Des interpellations musclées, des agressions physiques, des atteintes à la dignité humaine avaient touché des dizaines d'Oranais médusés par cette violence inédite. Cette répression a entraîné le dépôt, quelques jours plus tard, de dizaines de plaintes pour violences policières auprès du procureur de la République du tribunal de Fellaoucène (plaintes restées sans suite, assure Me Ahmed Mebrek), mais aussi une condamnation unanime des hirakistes de tous bords. Le vendredi qui a suivi, soit le 20 décembre 2019, des centaines d'Algériens venus des quatre coins du pays, dont certains connus du mouvement populaire, ont déferlé sur la capitale de l'Ouest pour une marche de solidarité avec les victimes de la répression sous le slogan unificateur d'"Imazighen, wahran Bab El-Oued". Une solidarité agissante qui a pansé les plaies et revigoré les hirakistes d'Oran... Aujourd'hui, la wilaya est également meurtrie comme en décembre 2019. D'ailleurs, vendredi soir, un appel "Je suis Oran", qui dénonçait la répression qui avait frappé la population, a très vite fait le tour de Facebook et certaines photos de profil d'activistes ont été postées. "Ce qui s'est passé aujourd'hui est grave et ne doit pas rester impuni. Des mesures doivent être prises contre les auteurs et les ordonnateurs de violence. Dans la journée, le débit internet avait étrangement chuté et il était extrêmement difficile de communiquer et de partager photos et vidéos. Mais les images de la violence commencent à faire le tour de la Toile", déclare un hirakiste, bouleversé par la réédition de la répression de décembre 2019 qu'il a vécue dans sa chair.