Pour éviter le risque de confrontation avec les forces de l'ordre, les manifestants algérois ont contourné l'iténiraire habituel en marchant de Bab El Oued à Belouizdad en passant par Amiouche et Hassiba Ben Bouali Des milliers de personnes ont manifesté hier dans le centre d'Alger scandant des slogans antisystème et réclamant la libération des détenus politiques et d'opinion. Le premier carré des protestataires s'est formé vers 13h20, à la fin de la prière hebdomadaire, à la mosquée Errahma, rue Victor-Hugo. Des femmes, des hommes, jeunes et moins jeunes ont réclamé le départ de la "3issaba" (mafia), la libération des détenus d'opinion, l'indépendance de la justice mais aussi la consécration d'un Etat civil. Rue Didouche-Mourad, la foule a entonné pendant plus d'une heure des chants rejetant les prochaines élections législatives, prévues le 12 juin. Plusieurs personnes ont affirmé, à ce propos, que la mobilisation ira en se renforçant à l'approche de ce scrutin plein d'incertitudes, rejeté par l'opposition et une partie des Algériens. "Comment vont-ils tenir leurs élections dans un contexte pareil ? c'est un suicide politique !", commente un manifestant pendant que la foule progresse bruyamment vers la place Maurice-Audin. "Ces élections ne feront qu'isoler davantage les tenants du statu quo et le système qui est d'ailleurs en train de se faire piéger par lui-même", explique un autre au milieu de la foule qui scande en chœur "Makache el intikhabat maa el 3issabate" (pas d'élection avec la mafia). En ce 116e vendredi, depuis le début du Hirak, la détermination des Algériens reste intacte malgré le jeûne et la chaleur. "Maranache habssine" ( Nous n'abdiquerons pas), a été sans doute le slogan le plus scandé durant toute la journée d'hier. Quand les milliers de manifestants de Bab El-Oued et de la Casbah arrivent à la rue Asselah-Hocine, vers 14h40 tout le centre d'Alger, noir de monde, vibre sous les clameurs de l'"Istiqlal", (indépendance... indépendance). Fait inhabituel, les protestataires de Bab El-Oued, qui investissaient chaque vendredi la rue Didouche-Mourad, lieu où se rejoignent tous les manifestants des quartiers ouest et est d'Alger, décident de passer cette fois par la rue, plus en bas, Hassiba-Ben Bouali, après avoir forcé le cordon de sécurité, mis en place à l'entrée du boulevard Amirouche, et qui n'a pas tenu plus de quelques secondes face à la marée humaine. Depuis, les milliers de manifestants marcheront droit devant pendant toute l'après-midi vers Ruisseau en passant par le mythique quartier populaire de Belouizdad et El-Hamma. "Nous maintiendrons la pression jusqu'à la victoire", s'écrie un manifestant au milieu de la foule galvanisée par de chants patriotiques. "Le peuple ne rentrera plus chez-lui", soutient un autre qui dit voir désormais tous ses espoirs attachés et suspendus au seul Hirak. "Je n'ai rien eu dans ce pays. Ni travail ni maison. Les décideurs ont tout dilapidé, tout corrompu. On nous a humiliés pendant des années. Il n'est plus question d'arrêter jusqu'à ce que notre demande de changement se concrétise", affirme ce trentenaire, un chômeur de Bab El-Oued qui ajoute, à la fin, "ne rien perdre". La procession traversera tout Alger malgré la chaleur et la soif jusqu'à atteindre El-Hamma et enfin Ruisseau où les choses ont failli dégénérer. Sur place, quelques échauffourées ont éclaté entre les manifestants et les éléments des brigades anti-émeute postés en nombre important devant le commissariat de police. Plusieurs manifestants ont été interceptés et embarqués. Les manifestants ont finalement rebroussé chemin.