L'Algérie a réagi officiellement, jeudi, à l'opération d'espionnage marocaine qui a ciblé des milliers d'Algériens, dont des hauts gradés de l'armée, des ministres, des journalistes et des personnalités politiques. Le ministère des Affaires étrangères assure que cette "atteinte ne restera pas impunie". L'opération d'espionnage de grande ampleur menée par le Maroc contre l'Algérie ne restera pas "impunie", selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger diffusé jeudi, en soirée. L'Algérie se réserve donc le droit de mettre en œuvre sa "stratégie de riposte", en réaction à l'opération d'espionnage massive menée par le Maroc, à travers le logiciel Pegasus, contre des milliers d'Algériens (6 000 en tout) dont des hauts gradés de l'Armée nationale et des personnalités publiques. L'Algérie exprime, par ailleurs, sa profonde préoccupation et condamne vigoureusement cette attaque sans précédent, la qualifiant d'atteinte inadmissible aux droits de l'homme et libertés fondamentales. "L'Algérie exprime sa profonde préoccupation suite aux révélations émanant d'un consortium de nombreux organes de presse de grande renommée professionnelle et faisant état de l'utilisation à large échelle par les autorités de certains pays, et tout particulièrement par le royaume du Maroc, d'un logiciel d'espionnage dénommé 'Pegasus' contre des responsables et citoyens algériens, ainsi que des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme à travers le monde", selon une déclaration du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger. Etant directement concernée par ces attaques, l'Algérie, en plus de se réserver le droit d'une riposte à la mesure de la gravité de l'agression marocaine, "se tient prête à participer à tout effort international destiné à établir collectivement les faits et à faire toute la lumière sur la matérialité et l'ampleur de ces crimes qui menacent la paix et la sécurité internationales, ainsi que la sécurité humaine", souligne le communiqué. "Toute impunité constituerait un précédent extrêmement dommageable à la conduite de relations amicales et de coopération entre les Etats conformément au droit international", conclut le document. Selon une enquête du consortium Forbidden Stories et Amnesty International, des milliers de numéros de téléphone algériens (6 000 au moins), dont certains appartenant à des hauts responsables politiques et militaires, ont été recensés comme cibles potentielles du logiciel Pegasus, commercialisé par l'entreprise israélienne NSO entre 2017 et 2019, d'après le quotidien français Le Monde. Ces révélations ont suscité une large indignation en Algérie et dans les pays qui ont fait les frais de cette vaste opération d'espionnage, à l'instar de la France. Peu avant la réaction officielle de l'Algérie, le parquet général d'Alger a ordonné, dans la journée de jeudi, l'ouverture d'une enquête préliminaire "diligentée par les services de la Police judiciaire spécialisés en matière de répression d'infractions liées à la cybercriminalité et aux technologies de l'information", selon un communiqué relayé par l'agence officielle APS. Cette enquête, souligne le parquet général d'Alger, fait "suite aux informations divulguées à travers des organes de presse nationaux et internationaux, ainsi que des rapports émanant de certaines chancelleries, faisant état de l'existence d'un système d'intelligence informatique d'écoute et d'espionnage ayant visé les intérêts de l'Algérie, mais aussi des citoyens et des personnalités algériennes". "Si les faits (...) sont avérés, ils constitueraient des infractions réprimées par la législation algérienne sous sa forme criminelle pour avoir rassemblé des renseignements, objets et documents au profit d'une puissance étrangère aux fins de nuire à la défense nationale", poursuit-il. "Ils constitueraient également des infractions d'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et d'atteintes aux secrets des communications", conclut le communiqué. Dans cette attaque sans précédent du Maroc, les téléphones de plusieurs hauts gradés de l'armée et des ministres ont été infiltrés par le logiciel Pegasus. Ramtane Lamamra, l'actuel ministre des Affaires étrangères, Saïd Chengriha, chef d'état-major, Gaïd Salah, ancien chef d'état-major, décédé en 2019, les frères et sœur de l'ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika, Abdelkader Mesdoua, l'ambassadeur d'Algérie à Paris, le colonel Karim Hadj Sadok, l'attaché militaire à la même ambassade, l'ancien Premier ministre Noureddine Bedoui ou encore l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, et d'autres personnalités politiques, à l'instar de Zoubida Assoul, ont été infiltrés par le logiciel israélien utilisé par les services de renseignements marocains.