Le spécialiste en épidémiologie évoque dans cet entretien la campagne nationale de vaccination qui peut, selon lui, servir à juguler la propagation de la pandémie et insiste sur l'adoption d'une stratégie de communication adaptée aux cibles pour convaincre une majorité de la population de se faire vacciner. Liberté : Il y a une certaine réticence à se faire vacciner chez une partie de la population. À quoi cela est-il dû à votre avis ? Dr Hamza Rouabah : Je pense que c'était prévisible. Les vaccins ont toujours suscité des débats. L'histoire des résistances à la vaccination se répète et les origines et les raisons en sont nombreuses. La vaccination est toujours accusée, entre autres, d'être contre nature, d'être dangereuse pour la santé ou encore de servir les intérêts des laboratoires et des industries pharmaceutiques. Souvenez-vous de la campagne de vaccination contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) en 2017. Les gens ont refusé le vaccin, cependant, la situation s'est dénouée avec le temps. Actuellement, on est en train de vivre une situation similaire. On peut dire qu'il y a des préjugés non fondés. Les arguments avancés, notamment sur les pages des réseaux sociaux, ne s'appuient pas sur des constatations sur le terrain et encore moins sur des études ou des enquêtes scientifiques. Les fake news ont peut être dissuadé bon nombre de nos concitoyens quant à l'importance de la vaccination au point que ce que certains avancent relève beaucoup plus du charlatanisme. Vu la dimension mondiale de la pandémie, l'information relayée même dans d'autres pays circule à une très grande vitesse et influe beaucoup. Nous devons, d'ores et déjà, réfléchir à d'autres alternatives de communication et à d'autres actions pour gagner des points en matière de vaccination. Comment évaluez-vous les premiers résultats de la campagne de vaccination "Big day" lancée samedi passé et qui s'étale jusqu'au 11 septembre en cours ? En comparant les chiffres réalisés durant les deux premiers jours de la campagne "Big day" avec la moyenne du nombre de vaccinations avant cette date, nous pouvons dire que ce sont des chiffres satisfaisants car le nombre de personnes ayant reçu leur première dose a triplé. En effet, même si nous estimons que cela est insuffisant et reste en deçà des prévisions, nous ne pouvons que nous en réjouir car chaque personne vaccinée est un plus et elle peut aussi en convaincre d'autres. Cela est encourageant et nous pousse à travailler davantage et à réfléchir à d'autres stratégies pour persuader la population de l'intérêt de la vaccination. Les moyens mis à la disposition des équipes de vaccination, dont le rapprochement des points de vaccination avec des équipements mobiles et des moyens adéquats pour être près de la population, même dans les points les plus reculés et en utilisant tous les moyens de communication, ne peut que booster l'opération, afin d'arriver à réaliser les chiffres préconisés par les pouvoirs publics qui n'ont pas lésiné sur les moyens. Quel est à votre avis la meilleure stratégie pour persuader les citoyens de l'importance de la vaccination et quelles sont les catégories à cibler ? Les jeunes doivent être le centre d'intérêt de toute opération de vaccination. Primo, parce que les jeunes sont la catégorie de citoyens la plus réticente et, secundo, parce qu'ils représentent la majorité de la société. À cet effet, il faut utiliser les moyens qu'ils maîtrisent et en utilisant leur langage. Le recours aux pages Facebook et WhatsApp est inévitable en y partageant des vidéos de courte durée. Dernièrement, la Direction de la santé et de la population de Sétif, en étroite collaboration avec l'Office des établissements de jeunes de la wilaya, a procédé à une formation des formateurs, voire de jeunes qui ont sillonné les quatre coins de la wilaya pour sensibiliser les citoyens, tout en se focalisant sur les jeunes. Sous d'autres cieux, la réticence à la vaccination a obligé les autorités à recourir au pass sanitaire. Peut-on parler de l'obligation vaccinale ? La licéité de l'obligation vaccinale est un sujet très important qui relève des prérogatives des pouvoirs publics. Je pense qu'il est un peu tôt pour parler d'obligation vaccinale des citoyens ou d'interdiction d'accès des citoyens à certains endroits, car la campagne ne fait que commencer. Cependant, je peux dire qu'il y a une obligation morale, civique, voire religieuse, qui doit nous guider, afin de décider de l'importance de cet acte que je considère comme un acte de citoyenneté par excellence. Préserver la vie humaine est une chose sacrée dans notre religion et dans toutes les religions du monde. Un croyant n'hésiterait pas un instant pour préserver sa vie et la vie d'autrui. On doit se préparer à accepter cette mesure, mais pas du point de vue injonctif. Le "pass sanitaire" doit être dans nos têtes et dans nos actes, afin de juguler la pandémie de coronavirus.