Mme Bendouda préside à Timimoun l'ouverture du 1er festival international du court-métrage    Pour l'émergence de champions africains    Ouverture du 1er congrès scientifique international sur l'intelligence artificielle dans les médias sportifs et l'éthique professionnelle    Un total de 1105 colons israéliens ont profané, dimanche, la mosquée Al-Aqsa    Plusieurs localités ciblées près de Ramallah et Hébron    Angola : Arrivée du président sahraoui à Luanda pour prendre part au 50e anniversaire de l'indépendance du pays    «Jubilé» de l'ex-international de l'équipe du FLN Mahi Khennane «Je n'ai pas été contacté, ni avant, ni pendant, ni encore moins informé de ce pseudo jubilé...»    Jeux de la solidarité islamique 2025 Médaille de bronze pour Mehdi Bouloussa    Vers une résiliation à l'amiable du contrat de Leknaoui    Douze blessés dans une collision entre un camion et un bus à Constantine    Un réseau de passeurs de migrants maghrébins démantelé    Bourelaf supervise à Bouira un exercice de simulation d'un séisme de grande intensité    Badari affirme que l'Université algérienne est devenue un « moteur du développement »    Rétrospective sur la vie et la carrière d'Eddie Murphy    La valeur travail n'est pas une norme transhistorique mais inhérente au capitalisme    Génocide à Ghaza : La France interdit à huit entreprises sionistes de participer à un salon sur la sécurité à Paris    Sûreté nationale Badaoui reçoit une délégation d'Interpol    « La République du Zimbabwe est un partenaire fiable pour l'Algérie »    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Shirine Boutella (et tant d'autres) : coupables de non-représentativité
L'Autre Algérie
Publié dans Liberté le 23 - 12 - 2021


Par : Kamel DAOUD
ECRIVAIN
L'actrice Shirine Boutella est coupable. De quoi ? D'un baiser dans un film. D'elle-même. De son corps. De son visage. Ou de sa liberté de vivre sa propre liberté. Ou de son succès et sa maîtrise qui lui ouvrent les portes du monde du cinéma et de l'universalité. Mais coupable de quoi, en résumé ? De "mal représenter la femme algérienne", selon ses procureurs numériques en identité. Son cyber-procès est ouvert avec un verdict après un baiser d'actrice dans un film de fiction. Jugements, insultes, menaces... l'actrice s'en relève, selon ses déclarations, mais éprouve ce qu'on éprouve après la haine collective, la meute, l'insulte au nom des "constantes", de la "culture", des traditions ou des jalousies. C'est une femme, une actrice en ascension permanente et elle est libre. De quoi attirer le venin millénaire de ceux qui vivent emprisonnés par eux-mêmes, ligotés par leurs propres lois absurdes et incapables d'assumer la vie et leur désir, sauf en les projetant dans le "paradis".
Mais là n'est pas le propos de la chronique. C'est surtout cet hallucinant leitmotiv politico-moral algérien : la représentativité. Le contraire de l'identification. Car pour cette dernière, c'est soi-même qu'on veut être semblable au héros du moment. Dans la "représentativité", c'est l'autre qu'on veut "conforme" à soi. Pour Shirine Boutella, il est répété qu'elle ne représente pas l'Algérie, qu'elle n'a pas à jouer son rôle ainsi, car elle porte atteinte à la représentation de la femme algérienne, etc. Le verdict de représentativité revient en politique, en morale, en manuel des traditions et pour fixer les canons de la séduction hallal ou "nationale", du cinéma, de la façon de s'habiller et de presque tout. Grande loi du peuple unanimiste, culture profonde du parti unique, séquelle de l'union sacrée. On le retrouve dans la bouche du dictateur ou de son opposant, se partageant le même instinct de servitude et d'interdits, la même méfiance envers la liberté.
À chaque fois qu'une âme algérienne, une personne, un talent se détache du lot, c'est le procès en représentativité qui lui colle au dos. Mais représentatif(ve) de qui ?
De quoi ? Et, d'ailleurs, pourquoi sent-on que l'autre doit nous représenter ? N'est-il pas libre de sa fulgurance, de son don ou de son dribble ? Pourquoi cette tendance nationale à la momification par un imaginaire mortifère ? Pourquoi chercher la représentativité comme des orphelins, jusqu'à en faire un trauma et un tribunal ?
Le procès en représentativité est même féroce en politique. Il y est dit que le "régime" ne nous représente pas, mais ce verdict a une extension nihiliste absolue : rien ne me représente et j'attaque toute représentation possible d'autrui. À chaque fois qu'une pluralité politique se dessine, elle est vite décapitée par le procès en représentativité. On l'a vu pour le soulèvement du 22 Février et ce que cela a coûté à cette colère que de refuser tout leadership au nom d'un procès en représentativité absolue. On sait ce que cela coûte à chaque élection que d'attendre la représentativité idéale pour finir par être représenté par le contraire absolu de ses aspirations. On voit chaque jour ce que cela installe comme dictature horizontale, refus de liberté et de réelle démocratie que d'attaquer toute personne qui se distingue par un avis libre, un opinion indépendante : autant que le "régime" qui ne le tolère jamais, les "démocrates" s'y appliquent avec la même ferveur inquisitrice.
La représentativité ? On la veut absolue, romantique, radicale, unanimiste, en mode parti unique et sans la moindre possibilité de dissidence. En politique, elle devient une opposition dictatoriale à la dictature telle qu'elle est définie. En morale, elle s'applique aux femmes, aux artistes, aux écrivains et à toute personne porteuse d'une différence, d'une expression ou d'une séparation. C'est alors qu'au nom de la représentativité, on va insulter, censurer et diffamer ou menacer.
Le procès a même un curieux domaine d'extension : les médias et cultures de pays étrangers qui oseraient venir parler des Algériens, selon leurs propres codes : un documentaire sur le Hirak qui questionne de jeunes Algériens différents ? Il sera "napalmé" au procès de la représentativité. Un clip de musique avec une danse lascive ? Autant. Un roman aussi. Une façon de s'habiller, une coupe de cheveux.... D'ailleurs, selon la représentativité, la femme doit être asexuée par la vertu, l'homme mort et vaniteux par le martyre, l'Autre un traître de facto, le frère fidèle à cause du même ventre et l'utopie une teinte majeure pour la nation et ses affects.
Expression d'une profonde angoisse utérine, de panique devant la différence et l'altérité, mais surtout d'une abyssale culture de l'intolérance face aux libertés et à l'individu. Une culture partagée, reconduite, installée et "mainstream" depuis l'épopée guerrière de l'indépendance : tout individu est une menace ; toute liberté est à détruire au nom de la représentativité ; toute différence est une traîtrise. Si on y ajoute le talent d'une actrice, son statut de femme, son indépendance et ses succès, voici la plus grande menace sur la virilité nationale, la "culture nationale", l'authenticité, les vertus des ancêtres, le "chouroukisme", le sang des martyrs...
Shirine Boutella n'est pas représentative, oui. On est d'accord avec la meute numérique. Elle n'est pas représentative de la représentation que l'on veut se faire et qu'on veut imposer de la femme et de l'Algérienne et de l'Algérien. Eh oui, il fallait la lapider puisqu'on ne peut pas réussir comme elle et vivre et rire et escalader et s'imposer et s'accepter. Elle n'est pas représentative, autant que beaucoup d'Algériennes et d'Algériens qui ne veulent pas penser, vivre et flamboyer comme la meute ou continuer à ne rien faire au nom du manque de représentativité ou à tout se permettre en croyant incarner la représentativité absolue.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.