Le président de la commission de surveillance des élections législatives du 17 mai s'en est d'avance lavé les mains : “Les moyens juridiques dont la commission dispose ne lui permettent pas d'éviter d'éventuels cas de fraude.” Et Bouchaïr de s'en remettre à la loyauté des partis et de l'administration. L'homme a suffisamment d'expérience en matière de supervision de scrutins pour qu'on comprenne son pessimisme quand il évoque ainsi sa mission impossible. Le fait est que le sentiment est bien partagé par ceux qui comptent profiter des irrégularités électorales, d'abord, mais aussi par leurs possibles victimes. Par fatalisme ou par connivence, chaque chef de file des candidatures semble s'accommoder de la manipulation des voix citoyennes. La participation à des élections dont le superviseur se montre dubitatif quant à sa transparence vaut consentement pour une consultation au déroulement hasardeux. Le pouvoir, qui forcément profite de ce dérèglement de la démocratie, organise une concurrence qu'il veut entièrement maîtriser. Le système le lui permet. S'opposer au pouvoir tout en assumant le système de la fraude revient à admettre la toute puissance de ce pouvoir en matière de résultat électoral. Un seul élément perturbe le consensus qui caractérise une compétition politique où le dernier mot ne revient pas forcément à l'électeur : l'indifférence perceptible de la population pour cette compétition qui a toutes les caractéristiques d'un tournoi de catch. Les coups sont réels, mais le déroulement et le résultat sont convenus à l'avance. Mais l'artifice ne doit pas être trop flagrant, sinon on risque de décourager l'intérêt du public pour le combat. C'est cela qui, au bout d'une semaine, semble inquiéter autorités et compétiteurs. Dans certaines circonscriptions, l'indifférence populaire se remarque plus que le dynamisme des candidats. Les reportages montrent que dans des grandes villes, comme Batna et Sétif, l'homme de la rue ignore jusqu'aux noms de ses candidats. D'ailleurs, certains partis ont oublié d'afficher les listes de leurs poulains. Conscients de ce déficit populaire, les candidats et les leaders des formations politiques, en particulier, font campagne pour la participation d'abord et, accessoirement, pour leurs programmes. Du côté de la coalition gouvernementale, dont le bilan ne semble pas constituer un argument, on se limite à rappeler qu'on soutient et met en œuvre le programme présidentiel. Et distiller quelques promesses de réalisations : de l'eau de mer dessalée pour la fin de l'année, des tronçons d'autoroute pour Alger à partir de l'été, le paiement des salaires encore impayés… “Votez et demandez-nous des comptes après”, dit l'un d'eux, sans nous expliquer comment on peut demander des comptes à un système où ce privilège n'est même pas évident pour la justice. Devant la désaffection populaire pressentie, les appels à la participation se multiplient. Le 1er mai a été largement exploité pour amplifier l'appel au vote. Le pouvoir comme ses acteurs le savent : si la question des résultats est gérable, seule l'abstention peut exprimer la désapprobation nationale d'un système qui, par le truchement de la pensée unique, étend son empire jusque sur nos consciences. M. H. [email protected]