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Le “Constantine-Smendou” : angoisse assurée
Trains de banlieue : Quand l'insécurité rime avec la mort
Publié dans Liberté le 20 - 10 - 2002

Prendre les trains de banlieue aux heures d'affluence est un exercice à hauts risques. Outre la violence qui y sévit, des défaillances techniques et humaines sèment la mort.
Dans le “Constantine-Smendou”, le prix d'une lampe est plus cher que celui d'une vie humaine, selon un calcul d'épicier que font des responsables d'un aussi stratégique service public. C'est par un pur hasard que nous nous sommes retrouvés témoins à bord de ce train d'un drame qui a coûté, le premier de ce mois, la vie à un jeune de la localité de Smendou. Dix jours après, nous avons pris le même train et, malheureusement, les mêmes défaillances sont toujours là, faisant “la promotion de la mort accidentelle des voyageurs”.
Mercredi 1er octobre. Gare ferroviaire de Constantine. Dans moins de dix minutes, le dernier train de banlieue quittera le quai numéro 2 en direction de la localité de Zighoud-Youcef (ex-Condé Smendou) en passant par Bkira, Hamma-Bouziane, Kef Salah et Didouche-Mourad (ex-Bizou).
17h30. Le train, bondé de voyageurs, quitte la gare. Des centaines de passagers, essentiellement des fonctionnaires et des étudiants, vont rentrer chez eux, après une journée passée qui à son boulot, qui à la faculté. Les passagers debout dépassent en nombre, et de loin, ceux qui sont assis. La promiscuité est terrible. Le fait d'être perdu au milieu d'une foule compacte vous donne la sensation d'étouffer. Cette sensation s'aggrave quand vous vous apercevez que les vitres du train sont fermées. Depuis que des enfants se sont mis au jeu de lancer quotidiennement des cailloux sur le train dans l'axe “Constantine-Didouche”, le premier réflexe des usagers du “Constantine-Smendou” est de remonter les vitres, et ce, quelle que soit la saison.
La sortie de la gare s'annonce par la traversée du long tunnel de Bab El-Kantra que le “Constantine-Smendou” effectue en 10 minutes. Dix longues minutes que les voyageurs vivent la peur au ventre. Aujourd'hui, et c'est la règle, la plupart des wagons ne sont pas éclairés. Les douilles sont “édentées” donnant un “visage” hideux à un service qu'on jure dans les réunions officielles de tout faire pour l'humaniser.
Durant cette plongée dans les ténèbres du tunnel de Bab El-Kantra, des jeunes, comme surgissant du néant, entament des va-et-vient incessants, ou comme disent les mécanos, “uniformément rectilignes”, d'un wagon à un autre. Ils semblent être des habitués des lieux et du “manège”. “Ils sont à la recherche de leurs proies”, chuchota Ahmed, mon voisin de siège avant de continuer : “Il y a un mois de cela, pour créer la confusion, ils ont simulé une bagarre et lancé des bombes lacrymogènes. Imaginez la scène au milieu des vieillards, des bébés et des femmes enceintes dans le train…”
Aujourd'hui, la traversée du tunnel a été sans risque. “Djazet salamat” (cela s'est passé sans risque), commenta une lycéenne assise en face de moi après avoir poussé un ouf, une fois que les lueurs de la lumière du jour réinvestissent le wagon.
La première station est Bkira. Le train vomit l'essentiel des voyageurs, au point où il ne restait debout, dans notre wagon, qu'un quinquagénaire et un enfant ne dépassant pas les 12 ans, qui accompagnait sa mère.
Bkira est une “nouvelle cité-dortoir” qui abrite des milliers de familles nouvellement relogées. C'est toute une partie de l'underground constantinois qui rentre y passer la nuit après une journée de travail, d'étude ou d'errance dans ses quartiers d'enfance “fi le bled”. Un jeune, la trentaine pas encore entamée, se lève. Il se dirige vers “l'entre-wagons”, cédant son siège au quinquagénaire. Un geste de civisme qu'on rencontre rarement de nos jours, surtout dans ces lieux. L'enfant, lui, fait des va-et-vient entre “l'entre-wagon” et les bras de sa mère.
Une dame descend une vitre pour aérer le wagon. En moins d'une minute, elle se ravise et procéda à la manœuvre inverse. Un “OVNI” venait de s'abattre sur la masse de ferraille. “Ma yahchmouch, itarchou, ma ikharfouch i guissou nnnes ?” (ils n'ont pas honte de jeter des pierres. N'ont-ils pas peur de blesser quelqu'un ?), lança la bonne dame avant de s'effondrer sur son siège. Le “Constantine-Smendou” fait sa deuxième escale. C'est Hamma-Bouziane. Notre quinquagénaire descend dans cette gare laissant son siège vide. La ville qui était réputée pour ses verdures est devenue capitale du béton de l'est algérien avec sa gigantesque cimenterie. Moins de deux minutes après, le “Constantine-Smendou” reprend sa route.
Cinq minute après, au niveau de la gare commerciale de Hamma, nous entendions un sourd bruit qui venait des entraves du train. Le train n'étant pas de marchandises, ne s'arrêta pas. Soudain, l'enfant qui était dans “l'entre-wagon” vient se jeter dans les bras de sa mère. Il désigne le siège vide qu'occupait auparavant le quinquagénaire et avant lui le jeune de moins de trente ans du doigt, tout en débitant difficilement, “Etfal eli kan gaâd hna tah men el machina, met” (le jeune qui était assis ici est tombé du train ; il est mort). Nous courûmes vers “l'entre-wagon”. Les portières sont grandes ouvertes et point de trace de l'adolescent. Un silence de mort règne dans le wagon. Le teint blême, toujours blotti contre sa mère, l'enfant reprend, comme pour expliquer : “Il a avancé vers la portière, puis il a glissé, il avait des sandales. Je l'ai vu passer sous le train, le jeune qui était tout à l'heure assis ici…”
Les occupants du wagon cherchent vainement une alarme à déclencher. Mais ils ne trouvent que des supports vides. Certains courent vers l'avant du train pour avertir les cheminots qui devaient s'y trouver. Entre-temps, le train continue sa route comme si de rien n'était.
Je me rappelle, alors, que la région est couverte par le champ. J'utilise mon portable pour alerter la direction de la Protection civile. Je leur laisse mon numéro pour d'éventuels compléments d'informations. Ce n'est que dix minutes après, qui s'avéreront une éternité pour les voyageurs, soit au niveau de l'escale de Kaf Salah, qu'un cheminot pointa le nez.
Une fois au fait du drame, il demanda si quelqu'un a sur lui un portable pour alerter “la direction”. “Quoi, vous n'avez ni alarme ni téléphone, y compris dans cette gare ?”, lance un passager tout excité. Pour toute réponse, le cheminot répond : “On a enlevé les alarmes pour éviter les fausses alertes et il y a un projet d'installation de postes VHF.”
Eviter d'être dérangé, un projet… alors qu'un jeune, victime de son civisme, est actuellement en traind'agoniser, seul, sur la voie au pays de l'irresponsabilité et de l'impunité. L'adrénaline monte. Mon portable sonne, c'est la Protection civile, ils veulent plus de détails pour localiser le lieu de la chute.
Je tends mon poste au cheminot. À ce moment, je me rappelle que faute d'alarme et de moyens de communication propre à la SNTF, pour alerter la Protection civile, il faut trouver sur place un passager avec un portable et il doit être un habitué des communications avec le standard des pompiers (journaliste…), soit la ligne à 8 chiffres, car le 2 chiffres (14) n'est pas accessible à partir d'un portable.
Le train reprend sa traversée. Le cheminot est toujours “perdu” dans notre wagon. La mère de l'enfant se souvient que la victime aurait pu être son fils. Elle interpella l'employé tout en serrant contre elle son chérubin : “Les portes sont censées être fermées automatiquement, non ?”
Dans la gêne, le cheminot débita des mots intelligibles. L'arrêt de Didouche-Mourad (ex-Bizou) le sauva de la griffe de voyageurs qui viennent d'avoir la preuve, par la mort, de l'incurie qui règne dans leur pays.
Ne pouvant continuer à supporter l'humilité d'être des témoins désarmés d'un crime prémédité, car il y a bien défaillance humaine, nous décidâmes de descendre d'un train qui “sème la mort et continue sa fuite en avant” pour continuer, pour ceux d'entre nous qui doivent se rendre au Smendou, le voyage par d'autres moyens.
Le “Constantine-Smendou” continua sa traversée, laissant un mort derrière lui, gisant dans son sang. Des questions restent posées. Pourquoi le jeune s'est avancé vers la portière, lui qui, un quart d'heure avant, avait fait preuve d'un geste de civisme ? L'hypothèse la plus probable est qu'il a voulu fermer la portière afin d'éviter les jets de pierres.
Une hypothèse qui reste plausible, car, ce jour-là, et nous l'avons vérifié, la fermeture automatique des portes était défaillante.
En d'autres termes, c'est une grave négligence de la SNTF qui a causé la mort de l'adolescent de la localité de Zighoud-Youcef. Comme l'impunité est devenue une règle dans notre société, le petit peuple doit se contenter du peu.
Heureusement qu'il y avait un enfant qui a été le témoin oculaire du drame. C'est déjà beaucoup car, dans le cas contraire, la famille de la victime ne saura qu'après des mois et peut-être jamais que son fils est mort suite à une chute de train.
Dix jours après ce drame, nous avons refait le voyage “Constantine-Smenou”, malheureusement, des wagons sont toujours dépourvus de lampes, les alarmes inexistantes et les moyens de communication font toujours défaut.
Alors, si même la mort de jeunes innocents ne fait pas bouger les choses dans ce pays, qu'est-ce qui va frapper les consciences ? Rien, disent les plus pessimistes, car à l'image de l'ensemble du navire Algérie, nous vivons une traversée semée de morts avec des capitaines qui préfèrent la fuite en avant aux haltes d'audit de rigueur.
M. K.


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