Le rythme de la précoce campagne pour la présidentielle 2004 s'accélère. Devant ses élus des wilayas du Centre, Ali Benflis se pose en chef unique du FLN qui, dit-il, n'a aucune “tutelle”. Benflis, qui semble avoir pris de l'assurance — à moins que ce ne soit des assurances —, prédit la sanction populaire à l'encontre de “l'activisme de ceux qui se trompent d'époque”. Saïdani et consorts devaient donc échouer avec Bouteflika ! Deux jours plus tôt, le Président avait fait quelques tours à Alger dans le cadre de ses essais d'avant-course. Son forcing médiatique confirme les prétentions hâtives de son Premier ministre. Il y a, malgré quelques dénégations de circonstance, un enjeu de pole position. Il est difficile de concevoir que la question de la succession à Bouteflika soit déjà tranchée, car une option anticipée ne ferait qu'aggraver la crise structurelle du système des clans et pourrait rendre, pour cette fois-ci, la transition ingérable, si Bouteflika persévère dans sa volonté de se succéder. Les normes algériennes, qui ne supportent pas l'imprévu, exigent que le candidat-président, le candidat “du consensus”, soit connu d'avance Mais aussi vrai que le système politique actuel ressemble au système passé, à moins d'être le même, 2004 devra nécessairement ressembler aux échéances passées : il faut se bercer d'illusions démocratiques pour penser que le principe de la cooptation a vécu. On aura, comme d'habitude, le privilège de connaître bien avant terme le relais suivant du régime. Si bien d'ailleurs que, pour dissimuler sa décision anticipée, le pouvoir recourt à de maladroites manœuvres de brouillage. A la confiance brusque et inhabituelle de Benflis, répond une soudaine et équivoque humilité de Bouteflika qui, la veille de l'intervention de Benflis et profitant de l'opportunité du 1er mai adressait un message, non pas aux travailleurs, mais au secrétaire général de l'UGTA ! En consacrant l'appareil syndical comme représentant exclusif du monde du travail, Bouteflika entame une probable entreprise de conciliation avec le principal instrument de mobilisation sociale. Benflis chante “l'indépendance” du FLN que le dernier congrès a donc restitué à “ses militants”. La “libération” de l'appareil politique traditionnel du régime, si elle se confirme par la candidature de Benflis, prive Bouteflika du subterfuge légitimant du régime : s'il n'a pas le soutien du parti “majoritaire”, il peut perdre cette élection. On ne réinventera plus la grossière supercherie du RND. Fraude pour fraude, autant frauder sur la base d'une ossature, si maigre soit-elle. L'échec se met en place. Il est même là, dans cette nation indéfiniment réduite à choisir “le moins pire”, tout en optant souvent pour le “plus pire”. A choisir la tête d'un même attelage qui, indéfiniment, se fourvoie, mais indéfiniment se reconstitue. M. H.