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Hollywood in Bagdad
Publié dans Liberté le 23 - 10 - 2002

Les salles de cinéma de la capitale irakienne ne connaissent pas l'embargo. Les cinéphiles adorent regarder les films américains. Même pendant la guerre et les bombardements, les salles ne désemplissent pas. Reportage.
C'est l'un des rares endroits de Bagdad où l'on affiche ouvertement sa préférence pour les produits “made in America”. Au cinéma Babel, on projette un film américain dont la tête d'affiche n'est autre que Sharon Stone, en plus d'un navet arabe et d'un film karaté avec l'inévitable Jackie Chan. Trois films d'affilée, voilà ce que propose ce cinéma géré par Abou Ahmed, propriétaire et préposé au guichet. “Ici, on ne connaît pas l'embargo. Les cinéphiles irakiens réclament des films américains et nous allons les chercher à Dubaï”, dit-il. Grand écran, air conditionné, fauteuils directement importés du Japon et prix abordable, le Babel est l'une des plus prestigieuses salles de cinéma de Bagdad. Pour 750 dinars irakiens (l'équivalent de 50 dinars algériens), le client a droit à 3 films. Les Irakiens adorent aller au cinéma. Même pendant la guerre et les bombardements, les gens continuent de fréquenter les salles obscures, affirme Abou Ahmed. On vient même en famille à qui l'on réserve un espace spécial au balcon.
Il existe 17 salles de cinéma à Bagdad. On y projette essentiellement des films américains, arabes et “hindous”. Jamais de films français. Pas besoin, puisque dans ce pays, on ne parle pas la langue française. Le sous-titrage en arabe est de rigueur. La censure aussi. La censure surtout. Tous les films passent sous le contrôle rigoureux du ministère de la Culture avant toute projection. Les films à connotation politique sont strictement bannis. “Il ne faut même pas y penser”, assure Abou Ahmed. Là, il s'agit d'une censure morale. Toutes les scènes érotiques sont systématiquement coupées. Même les baisers ? “Quand même pas !”, affirme Abou Ahmed. Les Irakiens ont droit aux baisers langoureux et torrides. Pas plus. D'où viennent les films et comment atterrissent-ils dans les salles, dans un Irak soumis à un embargo depuis quelques années ?
Les achats se font en Jordanie, en Syrie, mais surtout à Dubaï, la nouvelle mecque du commerce au Moyen-Orient. Les importateurs soumettent une liste de films au ministère de la Culture irakien. Une fois acquises, les bobines sont remises aux douaniers qui se chargent de les transmettre aux autorités. Là, s'effectue le “nettoyage”, la censure proprement dite. Une fois la copie du film dûment agréée, le propriétaire du cinéma se fait délivrer une autorisation, une sorte de quitus qui lui permet de diffuser le film sans crainte. La censure en Irak s'exerce même au niveau des affiches. Celles jugées trop osées sont retirées et remplacées par des tableaux dessinés par des artistes, des peintres en herbe qui redessinent grossièrement l'affiche, exposée à l'entrée de la salle. Mêmes les affichettes exposées dans le hall de la salle n'échappent pas à la censure. Lorsqu'un sein dépasse d'un décolleté, l'objet du délit est badigeonné avec un gros stylo feutre. La sauvegarde de la morale réclame la plus grande vigilance de la part des agents irakiens.
Des films porno sous le manteau
Est-ce à dire que les Irakiens n'ont droit à aucune scène érotique, à aucun ébat torride ? Qu'on ne s'y trompe pas ! Certaines salles de Bagdad proposent des films pornographiques. Mais seuls les initiés, les gens qui bénéficient d'une confiance absolue y ont droit. Car les risques sont gros. Trop gros. Des contrôleurs anonymes s'introduisent dans les salles à l'improviste pour vérifier la conformité du film projeté. Ils peuvent arracher la bobine et la déposer sur le bureau des fonctionnaires du ministère. Ceux qui osent braver l'interdit sont sévèrement punis. La loi irakienne prévoit cinq à dix années d'emprisonnement pour les contrevenants. Avec une interdiction définitive d'exercer le métier. De telles sanctions ne sont pas pour dissuader ni les propriétaires resquilleurs ni les adeptes du film porno.
Les DVD bon marché
Abou Ahmed n'a jamais été tenté par de tels films. Il se contente de gérer un commerce prospère. Car son activité lui rapporte beaucoup d'argent. Avec une salle qui peut contenir 900 personnes, il affiche un taux de remplissage de 70%. Une vraie manne financière. Son cinéma est ouvert presque 24h sur 24. Il y emploie à plein temps quatre permanents, chacun est payé 2 000 dinars par jour. Ahmed, 18 ans, fait office d'ouvreur. Lycéen l'après-midi, il commence son travail au Babel à partir de 19 heures. “Dès que je sors du lycée, je me pointe ici pour travailler jusqu'à 7 heures du matin”, dit-il. Ahmed exerce ce métier depuis quelques années pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille.
“Même si le commerce a l'air de bien marcher, affirme Abou Ahmed, nous subissons une rude concurrence depuis quelques mois.” D'où vient-elle, lorsqu'on sait qu'en Irak, les antennes paraboliques sont strictement interdites ? La concurrence vient des revendeurs de lecteurs CD et DVD. Dans tous les magasins spécialisés de Bagdad, dans les marchés et sur les trottoirs de la ville, on peut acquérir un lecteur DVD pour moins de 50 dollars. La mode est telle qu'il est presque impossible de trouver des magnétoscopes ou des cassettes vidéo en vente. “Out of fashion” (démodé), dit un revendeur. Les revendeurs de DVD et CD sont aussi nombreux à Bagdad que les marchands de tapis ou fruits et légumes. D'une qualité douteuse, les films DVD sont tout simplement piratés dans des laboratoires de Beyrouth, Amman et Dubaï. On peut acquérir le dernier film de Spielberg, comme le dernier album de Shakira pour 750 dinars. Souvent, le produit ne résiste pas à une ou deux utilisations. Les Irakiens ne sont pas trop regardants sur la qualité.
Tout ce commerce illégal se fait au vu et au su des autorités irakiennes. Les commerçants “travaillent” en toute impunité et les client n'ont pas pour habitude de rouspéter. Haider gagne sa vie en faisant le chauffeur entre Bagdad et Damas. Pour ses clients, il a installé un lecteur DVD sur le tableau de bord de son bolide qui avale des milliers de kilomètres de route par jour. Il achète les films à la douzaine. “Pour distraire mes clients, je leur fait projeter des films. Ainsi, ils peuvent mieux supporter le voyage long de 1 000 kilomètres”, dit-il.
Certes, depuis quelques jours, les autorités ont décidé de sévir. Elles envisagent de réglementer sévèrement le commerce pour en finir avec cette anarchie qui fait du marché irakien un immense bazar. Les patrons de cinéma doivent s'en frotter les mains. “Vous savez, dit Abou Ahmed, qu'ils les interdisent ou pas, nous continuerons à bien travailler. Les Irakiens adorent fréquenter les salles de cinéma.” Pour leur air conditionné, leurs prix abordables et surtout leurs films américains.
F. A.


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