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«La traversée de la mémoire»

«Traversée de la mémoire», c'est l'itinéraire que nous propose le MaMa, depuis le 17 novembre 2012, jusqu'au 10 février 2013, avec la rétrospective de Lazhar Hakkar, offerte à notre appréciation avec plus de 300 œuvres, un nombre record pour une exposition en solo.
Des tableaux de différents formats et techniques déclinés sur des subjectiles de différentes natures dans un langage semi-abstrait tricoté avec la patience et la méticulosité d'un orfèvre de la syntaxe picturale, à base de nomadisme impénitent de la ligne, de la graphie et du signe objets d'une pertinente liberté esthétique de l'incomplétude. Une facture précieuse articulée dans une grammaire opulente de précision gestuelle. Hakkar est de ce point de vue «un ouvrier dans son art» pour reprendre l'assertion injonctive de Paul Cézanne. «Je ne connais pas l'inspiration, je ne connais que la transpiration», affirmait Pablo Picasso. Evoquer cette pertinente saillie, c'est trouver la formule qui permet de circonscrire en pointillés la personnalité d'un artiste talentueux et torrentueux par le débit prolifique de sa production. Une production d'où émerge subrepticement le roman d'un homme, régulièrement et inlassablement sublimée dans un chaos graphique et calligraphique où se télescopent des sujets habilement insérés dans la quintessence d'une écriture fluviale, n'hésitant pas à puiser dans le capital patrimonial et culturel du pays profond. Un pays qui brasille par ses surgissements dans chaque tableau comme brasillerait un sémaphore génétique du langage hakkarien. Un roman flamboyant de la poésie d'une narration épique du vécu des multitudes d'un peuple charriant leur histoire et charriés par cette histoire. Les visages pathétiques, les silhouettes aléatoires, les ombres furtives ne sourient pas car dans cette épopée, l'heure est à la gravité. «L'heure est grave, il faut gravir», disait Paul Valéry. Oui, l'heure est toujours grave en «Hakkarie» et il faut toujours gravir les raidillons de l'exigence technique. Ce qui est fait dans un lexique vibrionnant, grouillant comme un banc de poissons, bouillonnant, vertigineux. Qui traverse et notre mémoire et notre regard. Qui résonne aussi comme une traversée spéculaire de nous-mêmes. Car, cet œuvre est aussi et surtout la traversée d'une histoire, celle autobiographique d'un homme mais aussi et surtout celle d'un peuple, le peuple d'Algérie. Et quand on lit les titres des tableaux, on s'aperçoit que ces titres, à eux seuls, sont une exposition : celle, narrative, parfois anecdotique mais toujours authentique, de l'histoire d'un peuple. On ne trouve nulle image zoomorphique ou végétale car l'histoire, la narration concerne les hommes, les femmes, les enfants. Du moins, celle qui intéresse notre artiste. La saga pathétique d'un peuple – «un seul héros, le peuple», semble-t-il nous témoigner. Ce peuple vaillant qu'il convoque pour témoigner. Témoigner avec les yeux ouverts mais aussi avec les yeux fermés, ceux des défunts, des morts, témoignages identifiés ou anonymes comme ceux de toutes ces silhouettes plus ou moins estompées, debout, parfois effondrées ou gesticulantes comme pour nous interpeller à la lecture de notre passé mais aussi à notre présent si abrupt, si difficile. «Silhouettes oubliées» sur le «rivage» de l'Histoire, sur lesquelles le peintre braque sa «lumière», éligibles à une certaine «chaleur africaine» dispensée avec générosité et leur dédiant une «dernière danse» sans oublier de convoquer les «profils d'antan» ainsi que la «petite fille» effarouchée mais ô combien debout dans sa détermination. Il interpelle «amis et poètes» ainsi que les «poètes marcheurs» pour narrer une «légende de femmes» dans un «dernier texte» chantant les «retrouvailles» ou dans un malstrom de «signes rêvés» relatant le «destin à deux», ou rappelant «Reggane, afin que nul n'oublie» en attendant l'«aube du départ en famille», en compagnie de l'«héritier du signe». Hakkar nous invite ensuite dans son village natal pour goûter à un «clair de lune sur Frenguel» (wilaya de Khenchela) et où, dans une «ambiance nocturne» décrypter les «empreintes» du «temps fissuré» de la «mémoire effritée» tout en nous demandant : «Où vont-ils» «entre deux nuits», ces personnages aux silhouettes aléatoires ? A la recherche de «l'oublié du temps» ou «au-delà de l'écrit» par-delà les foulures du temps, au creux d'une «mémoire d'enfant», face à un «horizon incertain», c'est «Frenguel» qui resurgit pour ne pas oublier de se souvenir car «ils reviennent ces visages saturniens qui, «parlant de Reggane» qu'ils ne parviennent pas à ensevelir dans les plis de l'oubli, se ravisent car «les enfants ont peur du silence», ce silence sur «l'histoire des terriens» qui nous inquiète car «l'enfant a dit les lâches ne rêvent pas» et «l'écrivain» dans sa «pensée de nuit» est rejoint par «le conteur» pour instiller des «mots dans la spirale» et scander «l'esprit de la terre». Et dans sa «pensée à la sœur» objet du «poème inachevé» Hakkar entonne un hymne au «soleil d'automne» dans la «solitude» et évoque «l'ami oublié». Barde inassouvi, il continue jusqu'à plus soif d'égrener les titres de ses ouvres à travers les opulentes cimaises du MaMa sublimées par une scénographie luminescente de pertinence. Nous succombons derechef à l'envie de poursuivre l'accumulation poétique (le collage autrement dit) que nous venons de commettre de manière aléatoire mais ô combien signifiante. Car Hakkar, lui, continue inlassablement à nous alerter dans une inextinguible urgence de dire que «riches et pauvres» compatissent au chagrin de la «mère du harrag» dans un «monde (qui) va mal»... dans une implacable scansion en acrylique sur papier qu'il nous dédie sans ambages à travers le déploiement graphique et chromatique d'un polyptique cru et cruel à la fois. Il trouve – heureusement pour le regardeur – les strophes romantiques de «Hizya» pour étancher sa nostalgie et par la même occasion la nôtre. Et quand, par «une nuit d'hiver», «les frères», écoutant des «contes d'enfants» voient rejaillir le souvenir indélébile, séparé de «l'écorce de la mémoire» d'un moment douloureux de notre histoire, Hakkar nous balance dans la gestuelle pathétique des silhouettes qui peuplent son «épitaphe à Reggane». Et quand retentit l'heure d'«El Fedjr», c'est à la «prière pour l'amitié» que nous sommes conviés en même temps qu'à une «réflexion à l'aube». Mais en face «ceux de la rue» surgissent pour interpeller ceux qui sont «assis jusqu'à quand ?» alors que «les trois amis», «ensemble à vie» se dirigent «vers la lumière» qui dévoile la réalité, celle qui affirme que «la rue s'exprime» avant la «séparation», «face à la mère» (et à la mer) d'«el harrègue» pour qui «partir c'est triste» et c'est un «portrait raté». L'artiste entreprend vite le retour sécurisant aux «nuits de Frenguel» qu'il retrouve régulièrement en rentrant de ses pérégrinations tunisiennes à «Sidi Bousaïd» après ses habituelles «ballades d'été» dans cet antre qui a beaucoup compté dans sa vie bien «au-delà du regard». Frenguel où il croise, «l'enfant mémoire de sa mère» qu'il a lui-même toujours été. Mémoire de ses racines pour tout dire. Mais ce retour aux sources ne manquera pas de nourrir ses «inquiétudes» prémonitoires peut-être mais qui l'inclinent à se poser l'éternelle question : «A quoi rêve l'humain ?». A Hizya peut-être qui revient comme un leitmotiv ou à Zineb une nouvelle du gynécée hakkarien. Ou à Reggane qui revient encore une fois comme le pendule d'une histoire cristallisée dans le temps. Mais l'artiste se ravise tout à coup car «rien ne va dans le rêver» quand même le «poème (est) assassiné», poème qui était vainement dédié à «toi l'inconnue» qui peut-être «Oum Lithama», «Dhaouia», «Fatma», «Aïcha», «El Aârma», d'autres odalisques du paysage imaginaire de Hakkar qui nous ramène en Tunisie ou «la maman se promène à Sidi Bousaïd» avec «les deux enfants». Il revient ensuite à son peuple et aux valeurs vernaculaires de «grandeur de paysans» où règne l'«ensemble», la communauté de destin, la communion dans le silence, dans l'abnégation qui n'admet «ni larmes ni cris» qui ne supporte que «le chant muet» entonné la «nuit chez (soi) malgré tout». Revient de nouveau Hizya par le truchement de «la fille de Hizya» un nom à la nostalgie récurrente qu'il surprend dans un «chuchotement matinal». Reviennent également d'autres noms de femmes comme «l'héroïne de Frenguel», «la duchesse africaine», «Khemissa», l'inévitable «Chaouia», «la poétesse du sud», «El Baïdha», harnachées chacune des «lahrouz» protecteurs contre «l'impasse du regard» (le mauvais œil). Surviennent encore les «riches et pauvres», ces pauvres qui n'ont pour exutoire que «le hublot des pauvres» pour se départir du poids de leur insupportable condition. Hakkar ne leur offre pour tout cautère que l'image d'Epinal du «poète de nuit» qui les invite à la «rencontre des étoiles» ou à se réfugier dans l'«exil de la mémoire» où il répète à qui veut l'entendre «j'écris en blanc» pour relater l'odyssée des «épaves magiques» macérant dans un «silence douloureux» qui se souvient du «soleil d'avant» et de l'«épave de lumière» tout en étant convaincu que «le soleil des pauvres se lève à minuit» dans une «nuit rêvée» consacrée à décrypter le «mystère de l'ombre». Puis viennent les «nuits d'inquiétude» qui voient «Ras elmahna» dont la «mémoire en otage» ne trouve que le «silence» de «nulle part» pour ouvrir «la porte des signes» à une «réflexion horizontale» et en butte à un «croisement d'idées» d'où il choisira le «chemin» qui le mènera «de l'autre côté» du «rêve» que le porte-folio «Lumière» daté de 2001 illustrera par des lithographies sur papier d'Arches titrées «Khemissa», «Recueillement», «Printemps», «Agora», «L'attente», «Le temps», «Famille», «Arrivée» ; œuvres qui déclinent l'«espoir» qu'«il viendra» (il s'agit sûrement de l'éternel absent qu'on attend) «au seuil» et «à la source de Frenguel», Frenguel le village qui a vu naître notre artiste et qui clôt le somptueux catalogue accompagnant légitimement cette utile rétrospective que nous nous sommes fait un grand plaisir de couvrir. Un pavé, un beau livre d'art méticuleusement confectionné et aussi amoureusement arpégé qu'un tableau de Hakkar. Cette démarche, on ne peut surréaliste que
nous venons d'emprunter pour couvrir cette rétrospective, nous a été inspirée par la succession des titres des œuvres aussi narratifs les uns que les autres mais aussi et surtout empreints d'un baroquisme d'une succulente poésie. Nous y avons puisé la matière et les ingrédients d'une sublime poétique de l'aléatoire dans la relation d'un événement de premier plan. Un événement qui ne finira pas de sitôt de nous révéler le discours merveilleux d'un aède surgit des versants abrupts de notre culture visuelle qu'une mise en lumière méritoire et méritée propulse, justement, sur les adrets des cimaises de la notoriété. Cette rétrospective retentit dans le paysage culturel algérien et nous incite à l'analyser en termes d'écriture déchirée, déchiquetée, fragmentée, urgente, une «écriture du désastre» pour citer M. Blanchot. Cette sorte de méta-graphie, nous rappelle le méta-récit décliné par le narrateur de Nedjma qui a tant intrigué les lecteurs de Kateb Yacine. Le méta-récit d'une saga, celle d'un artiste au vocabulaire stylistique métamorphisé d'où surgissent, tels des ancêtres, des silhouettes totémiques énigmatiques, symboles de la présence chaque jour renouvelée de notre permanence. Une permanence adossée au récit d'un peuple écrit dans une veine de l'indignation. On ne sort pas indemne de cette exposition par laquelle Lazhar Hakkar nous montre, à sa manière, qu'il y a une autre façon d'être «The artist».


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