Ne disait-il pas que «le football appartient aux joueurs, pas aux entraîneurs.» Cet aphorisme aurait très bien pu sortir de la bouche d'un attaquant un peu égoïste, peu préoccupé par le tableau noir, les philosophies de jeu et les schémas tactiques. En réalité, son auteur est l'un des meilleurs techniciens de l'histoire : «Pep Guardiola, coach multi couronné, vainqueur de tous les trophées majeurs du football de club, réputé pour avoir magnifié une philosophie de jeu devenue paradigme dominant à la fin de la première décennie du XXIe siècle. S'il y a bien un entraîneur que l'on soupçonne d'influencer massivement le football développé par son équipe, c'est bien lui. Et pourtant, le voilà donc qui s'efface derrière le champ d'action de ses joueurs.» Les Bleus éliminent l'Allemagne par 2-0. L'équipe de France est donc en finale, comme en 1984, déjà au Vélodrome, les Tricolores s'ouvrent les portes de la finale de «leur» Euro. Assis sur le toit du monde en 1998 lors de son sacre «à la maison», le foot français a l'occasion, dimanche, de renouer avec le succès, dix ans après la finale du Mondial-2006 perdue contre l'Italie (1-1 aux tirs au but). S'il battait le Portugal, Didier Deschamps deviendrait le premier sélectionneur à soulever le trophée Henri-Delaunay, après l'avoir remporté – en 2000 – comme joueur. Dans une ambiance indescriptible, les hommes de Didier Deschamps ne se sont pas imposés sur le terrain. Ils avaient subi les pires attaques allemandes, sans pouvoir réagir pour éviter la catastrophe. Les premières minutes étaient, certes françaises, faisant ainsi de cette mannschaft un échantillon parmi tant d'autres à la recherche d'un équilibre dans son jeu. Durant les 15 premières minutes le sélectionneur, commentateurs et VIP manifestaient des signes de satisfaction. A chacun sa manière de faire passer son message. Pas pour longtemps, puisqu'une fois que la machine s'échauffe, les Allemands commencèrent leur cours de professionnalisme, le terrain devenait pour la circonstance un espace de formation de tactique pour les Bleus qui semblaient ne plus rien comprendre, tant que la balle leur échappait sans avoir la possibilité de la récupérer. Les tirs millimétrés des Allemands, les accélérations de balles, les mouvements tactiques faisaient taire les milliers de supporters y compris la classe VIP qui faisaient de leur hymne, leur slogan pour pousser leur équipe, comme s'il s'agissait d'une bataille sans frontière. Avant le coup d'envoi, l'hymne national allemand était hué, faisait remarquer un confrère allemand. C'est comme si une malédiction s'abattait sur la Mannschaft, fauchée dans sa course vers le doublé Coupe du monde/Coupe d'Europe. Après un doublé d'Antoine Griezmann. Contre le cours du jeu, les Bleus obtiennent un penalty, dans l'incompréhension générale. Sur un corner, Evra tente de placer sa tête. Au marquage de l'arrière gauche français, Bastian Schweinsteiger s'élève avant de toucher le ballon de la main (45e). L'arbitre italien Nicola Rizzoli désigne le point de penalty après un court moment d'hésitation. Antoine Griezmann tire et marque donnant ainsi l'avantage aux Tricolores, juste avant la pause. A la reprise, le moral des Allemands, affecté par ce but, semble avoir des difficultés à réagir et ce malgré la supériorité technique reconnue des protégés de Joachim Löw. Maladroits, les champions du monde ratent le coche en fin de match. Les Bleus se sont ouverts les portes de la finale notamment âpres du second but. A chaud, le commentateur de la chaîne publique ZDF estimait, quant à lui, «que la victoire de la France (allait) agir comme un baume pour reléguer un moment à l'arrière-plan les grèves, les attentats terroristes et le chômage»... Ainsi donc dans leur quête d'une troisième victoire européenne, après leurs sacres lors des éditions 1984 (organisée dans l'Hexagone) et 2000, les Bleus retrouveront le Portugal de ce, dimanche 10 juillet, au Stade de France. Il y a eu beaucoup de choses qui ne se sont pas passées comme on voulait. Il faut féliciter l'équipe de France. (...) «C'est vrai qu'il y a eu ce penalty qui a été le tournant du match. On n'a pas eu de réussite. En 2008, 2010 ou 2012, on a perdu contre des équipes plus fortes que nous, mais ce n'était pas le cas ce soir», a regretté Joachim Löw en conférence de presse, qui a donc salué son vainqueur du soir tout en laissant poindre un zeste d'amertume : «La France a mérité sa qualification, c'est une très bonne équipe, même si on a été meilleure qu'elle.» Abattus, les joueurs de Joachim Löw tentent de réagir. L'histoire retiendra que l'Allemagne est une bonne équipe. La France a montré une solidarité, une efficacité et une capacité à relever des duels encore plus pointus. Le système de jeu allemand restera dans les annales du foot. Un journaliste français écrivait «ce style allemand si parfaitement établi, fait de jeu court, de combinaisons rapides au sol, entretenu depuis dix ans et conséquence de la révolution millénaire du football outre-Rhin, a en réalité piégé la Mannschaft, engagée dans une voie sans issue. Son efficacité a été altérée par les absences d'éléments trop essentiels à sa réussite. Mats Hummels (suspendu) en relanceur-stoppeur alter ego de Jérôme Boateng – dont la blessure à l'heure de jeu a grandement pénalisé la construction du jeu allemand. Sami Khedira (blessé) en piston de l'entre-jeu. Et peut-être la plus préjudiciable, celle d'un élément moins mis en lumière : Mario Gomez (blessé), pur joueur de surface, parfait complément des offensifs mobiles, vifs et techniques derrière lui». Les Allemands n'ont pas été battus mais se sont fait piégés par ce penalty qui a faussé le cours du jeu. Mais il reste que la France n'est pas devant l'Allemagne qui garde un jeu tactique que seules les recettes du foot actuel peuvent dévoiler. Il reste à la France à franchir la dernière marche : battre le Portugal comme elle l'avait fait en demi-finale en 1984.