Le directeur général de la Caisse Nationale de la Mutualité Agricole, monsieur Benhabiles Cherif a eu la gentillesse de nous éclairer sur les fonctionnements de son institution ; une institution assumant un rôle essentiel dans le mutualisme agricole lequel est confronté à plusieurs risques de pertes liées aux aléas climatiques déprédateurs, aux épidémies pouvant être à l'origine de taux élevés de mortalité des élevages, comme aux retournements négatifs des marchés pour les agriculteurs. Cette mutuelle des assurances agricoles contre les risques majeurs se fait avec un souci d'actualisation permanent des systèmes assurantiels modernes, au profit des sociétaires. La Nouvelle République : L'actuel statut de la CNMA défini par le Décret Exécutif 95-97, a pour mission de protéger les biens et les productions agricoles contre les multirisques liés à de mauvais rendements, ou les catastrophes naturelles. Par définition, la Mutualité agricole exerce ses activités dans un but non lucratif. Comment dans ces conditions arrivez-vous à constituer un fonds de solidarité avec le monde agricole, aquacole, et celui de la pêche réunissant la protection des biens et des personnes ? B. C. Benhabiles : La Caisse Nationale de Mutualité Agricole est une institution centenaire, elle s'est développée et adaptée aux défis économiques et aux besoins de ses sociétaires, tout en préservant ses principes d'action essentiels : proximité, responsabilité et solidarité héritées du mutualisme agricole. Le Décret Exécutif 95-97 du 1er avril 1995 a pour but de fixer les statuts-types des caisses de mutualité agricole, et définit les liens juridiques et organiques entre elles et définit ces caisses comme des sociétés civiles de personnes à caractère mutualiste, et à capital variable à but non lucratif. Avant cela, les pouvoirs publics ont montré l'importance qu'ils accordent à la Mutualité Agricole en lui consacrant des textes spécifiques, à savoir, l'Ordonnance 72-64 du 2 décembre 1972, portant institution de la Mutualité Agricole, dans son 1er chapitre, et son article 1er définit les principes de la CNMA comme suit : «La Mutualité Agricole est une Institution professionnelle agricole qui a pour but de réaliser pour ses membres, toutes opérations de prévoyance sociale, d'assurances ou de compensation basée sur l'esprit de solidarité, et ce, sans poursuivre la réalisation de bénéfices. A cet effet, elle assure d'une part, les personnes et les biens en garantissant les risques de toutes natures qui menacent la profession agricole, ainsi que ceux des organismes placés sous la tutelle du Ministère de l'Agriculture et de la Réforme Agraire…». Le mutualisme est l'entraide, la solidarité entre les sociétaires, la gestion démocratique des institutions de la Mutualité Agricole et la responsabilité collective des adhérents, ce qui fait la force de notre Mutualité Agricole, dont la première réflexion est la proximité de l'agriculteur en matière de prospection pour la vulgarisation des produits d'assurance agricole, et se rapprocher d'eux afin de leur porter assistance en matière de conseils et d'appui technique, sans oublier de donner une grande importance à la sensibilisation, l'information et la communication pour une forte adhésion. Le sociétaire n'est pas un client comme les autres, il n'est pas un simple utilisateur des services de l'assurance comme tous les clients ordinaires que connaît les différentes compagnies d'assurance, le sociétaire à la CNMA est un coopérateur à la fois utilisateur et copropriétaire, il détient des parts sociales d'une caisse régionale. A fin 2017, la CNMA comptabilise près de 307.000 parts sociales détenues par plus de 158.000 sociétaires. C'est ce qui représente le capital social des Caisses Régionales et la base de fonctionnement de la CNMA. De nombreux fellahs qui ont tenu à assister au débat qui s'est tenu à la fin de la réunion organisée par la CNMA le 15 mai dernier, ont soulevé la question de la faiblesse des investissements bancaires pour consolider l'extension de certains de leurs projets, d'autres ont évoqué l'absence de couverture par les polices d'assurance de certains créneaux, relatifs à l'élevage. Quelle est votre opinion répondant à ces doléances ? Concernant le financement des agriculteurs, un projet de Crédit Mutuel Rural est en cours d'études. Il concernera principalement les petits agriculteurs, éleveurs et pêcheurs. Les polices d'assurances qui ont été cités la journée du 15 mai dernier concernait l'élevage de dromadaires dont le contrat existe mais c'est l'identification physique du cheptel et géographique du territoire qui est très difficile. En effet, le mode d'élevage relatif à cette espèce exige un déplacement permanent pour la recherche de l'alimentation pouvant dépasser les frontières du pays. De ce fait, la gestion de ce produit reste difficile. Vous avez dans le cadre de la diversification de vos produits d'assurance, envisagé le lancement d'une police couvrant le revenu agricole, et les risques de pertes de rendement dues aux calamités naturelles, ou d'une régression du marché. Cette politique protectionniste, paraît avant-gardiste, même les pays riches ne peuvent pas se le permettre, en dehors des dégâts attribués aux catastrophes naturelles. La multiplication des aléas liés aux risques, n'affectent-elles pas trop vos possibilités financières de dédommagements ? En effet, la CNMA a pour ambition de mettre sur le marché une police d'assurance couvrant le revenu agricole. Ce produit est en voie de finalisation avec les techniciens et actuaires de la Mutualité en collaboration avec les instituts techniques concernés. Nous sommes entrain de le tester et de le valider avec nos agriculteurs. Concernant les aléas climatiques, la CNMA a engagé des études pour l'élaboration de nouveaux produits d'assurance en s'appuyant sur des systèmes assuranciels plus adaptés au paysage socio-économique du pays. C'est dans cette optique que la CNMA a organisé un Séminaire International ayant pour thème «Les Assurances Agricoles, Outil de gestion des Risques Climatiques» pour démontrer que les assurances agricoles restent une solution pour une meilleure protection du patrimoine et du revenu des agriculteurs, éleveurs et pêcheurs, une préservation et sécurisation de l'activité et un accès facile aux crédits agricoles. Parmi ces nouveaux produits adaptés, les Assurances Indicielles, en tant qu'outil de gestion des risques de production agricole et la micro-assurance en tant que mécanisme de protection des personnes à faibles revenus. L'esprit de la «Mutualité agricole» est synonyme de solidarité avec le monde rural. Connaissant le rôle stratégique, de diversification économique de ce secteur en termes de souveraineté nationale, de sécurité alimentaire, et de secteur pourvoyeur d'emploi, il apparaîtrait, d'après les fellahs, qu'il existerait un déficit de communication et de locaux de représentation de proximité de la CNMA les informant de la diversité de vos produits d'assurance. Quel est votre avis ? L'esprit de la «Mutualité agricole» est synonyme de solidarité avec le monde rural. Connaissant le rôle stratégique, de diversification économique de ce secteur en termes de souveraineté nationale, de sécurité alimentaire, et de secteur pourvoyeur d'emploi, il apparaîtrait, d'après les fellahs, qu'il existerait un déficit de communication et de locaux de représentation de proximité de la CNMA les informant de la diversité de vos produits d'assurance. Quel est votre avis ? Je ne suis pas vraiment de votre avis, nous avons toujours été proches des agriculteurs grâce à notre réseau de proximité. En plus des 67 Caisses Régionales, nous avons ouvert plus de 450 bureaux locaux situés dans les lieux les plus reculés du pays. Tout cela pour jouer notre rôle de vulgarisation, sensibilisation sans oublier l'accompagnement des agriculteurs. Nous rappelons que nous avons recruté des ingénieurs agronomes et des vétérinaires dans la majorité de nos caisses dans le but d'être plus proche du monde rural et agricole.Sans oublier les centres de formation et de services polyvalents «Dar El Fellah» dont le centre-pilote se situe à Khenchela et qu'on prévoit généraliser avec d'autres centres à Ouargla, Saïda, Oran… et qui représentent un accompagnement dont bénéficie l'assuré. Notre stratégie tient en fait dans l'assistance de l'agriculteur dans son entreprise pour qu'il puisse rentabiliser au maximum son activité. L'aide matérielle et morale doit être apportée par la Caisse en élaborant des projets innovateurs d'ordre socio-économiques et sanitaires en vue de participer activement au développement et à la modernisation des infrastructures agricoles pour une mise à niveau des exploitations agricoles, l'objectif étant bien évidemment la sauvegarde du patrimoine agricole national. Toute notre stratégie repose sur cet impact économique, celui de mettre tous les moyens pour que l'agriculteur puisse évoluer sereinement. Bien sûr, ça va le préserver de certaines contraintes et l'aider à mieux gérer son affaire donc, mieux se porter financièrement. Tous les instruments que nous mettons au profit de l'exploitant vont l'aider à éviter le recours à l'endettement, parce qu'il sera en mesure de préserver la rentabilité de son activité. Les évolutions rapides du secteur des assurances obligent la CNMA à s'adapter aux nouvelles donnes du marché des assurances. Quels sont les chantiers en cours pour enrichir votre portefeuille, et faire adhérer davantage de fellahs, d'éleveurs, et de pêcheurs à votre coopérative ? En effet, le secteur des assurances est en pleine évolution, surtout pour les Assurances Agricoles. Nous sommes arrivés à un moment crucial où il est impératif de changer beaucoup de choses dans le mode d'approche du monde rural, parce que nous nous sommes rendus compte que nous avions une panoplie de produits d'assurances agricoles parfaitement structurés, et qui couvre convenablement les risque inhérents à l'activité des exploitants agricoles, mais qui, jusque-là n'étaient pas exploités. Il a fallu donc réfléchir à élaborer une nouvelle technique d'approche par la création d'un environnement incitatif en vue du renforcement de la «Mutualité de Proximité», par la mise en place d'un «Programme de Prévention et d'Assistance Agricole, de Sensibilisation et de Rapprochement avec les éleveurs», en vue de la modernisation du système de prise en charge des risques auxquels les agriculteurs et éleveurs sont exposés. En effet, le rôle de la Mutualité Agricole n'est plus seulement la vente de produits d'assurances, car en tant qu'acteur économique proche du monde paysan, elle se doit d'être au service des exploitants agricoles, et ce, par la mise en place d'une stratégie de développement nouvelle qui vise la promotion du principe de base du mutualisme et du Système Coopératif à savoir : l'Entraide et la Solidarité. Et les résultats réalisés au cours de ces dernières années nous placent dans une excellente position afin de poursuivre notre évolution, nous adapter aux nouveaux besoins et attentes de nos assurés et croître dans un environnement économique qui comporte de nombreux défis. Notre plan stratégique s'articule sur plusieurs axes : •Axe organisationnel •Axe mutualisme et proximité •Axe système d'information •Axe technique •Axe ressources humaines •Axe formation et perfectionnement •Axes projets d'investissements La CNMA innove aussi avec de nouveaux produits d'assurances à savoir : Le pack assurance «Taamine Thika», destiné aux petits agriculteurs et qu'on a mis en place depuis une année. Il est en train de donner de très bons résultats. Il y a une adhésion massive des petits agriculteurs. Moyennant des prix forfaitaires, ces derniers trouvent des produits adaptés à leurs besoins et à leurs intérêts. A la CNMA, on se distingue des autres compagnies d'assurance par notre mutuelle et notre système de distribution. Nous misons sur la diversification et l'innovation. Nous travaillons d'ailleurs actuellement sur les assurances pertes de rendement et d'autres indicielles. Ce sont des projets en phase de développement au même titre que d'autres couvrant les cultures d'ail et d'oignon ainsi que la mortalité aquacole. Ce que les autres ne font pas. Allez assurer la pomme de terre contre le sirocco. Tout cela pour vous résumer que nous n'avons un esprit capitaliste et que si on repense au statut de la CNMA, on pourra faire beaucoup de choses. Dans le nouveau modèle de la croissance, le gouvernement mise beaucoup sur l'agriculture et la CNMA peut justement jouer un rôle important dans cette conception. C'est l'outil financier par excellence. Aussi, et en réponse aux préoccupations des oléiculteurs, une nouvelle garantie vient enrichir le produit Multi périls oliviers. Il s'agit de la garantie Incendie couvrant une production nationale en olive de table et à huile. La CNMA lance aussi le produit Dépannage et remorquage automobile qui vise à procurer une prise en charge en nature du véhicule assuré et ce, 7j/7 et 24h/24.
