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«Les cris de la jeunesse algérienne pour un profond changement doivent être entendus»
Publié dans La Nouvelle République le 11 - 03 - 2019

Dans ce long plaidoyer où il commence par rendre hommage à la jeunesse algérienne, le professeur Abderrahmane Mebtoul analyse les handicaps, tant politiques qu'économiques, qui accablent l'Algérie, nonobstant son immense potentiel. Se projetant ensuite dans la prospective, il évoque les scénarios d'avenir et plaide avec moult arguments et une grande conviction pour «une réforme globale indispensable (…) en aplanissant les divergences par le dialogue et la concertation».
La forte mobilisation du 22 février et du 1er mars implique de bien analyser les aspirations de la société civile. Certes pas la rentière vivant dans les salons, mais celle que l'on a vue dans la rue, la jeunesse qui ne veut pas être récupérée. La leçon donnée à la dirigeante du parti des travailleurs, qui a été huée, devrait servir de leçons. Au moment où le monde traverse des bouleversements politiques, sociaux et économiques, où l'Algérie est interpellée par quelque 70 % de sa population revendiquant de véritables réformes démocratiques – condition d'un développement harmonieux et durable face à l'implacable mondialisation –, nous devons rendre un grand hommage à notre jeunesse qui n'a pas connu le drame des années 1990-1999, et veut un changement.
Saluons sa maturité politique et les marches pacifiques sans violence, où les partis politiques toutes tendances confondues n'ont joué aucun rôle pour la mobilisation. Saluons aussi nos forces de sécurité qui ont su gérer d'une manière moderne ces évènements qui doivent être médités profondément par les partis du pouvoir et leurs satellites – faiblement représentatifs, pour ne pas dire non-représentatifs – ainsi que par toute l'opposition, qui s'est trouvée hors circuit.
Un système partisan déconnecté de la société
Selon certaines sources, le nombre de partis approche la soixantaine, souvent avec des alliances contre nature alors que dans les pays démocratiques, ces alliances se font par affinité idéologique et sur un programme clair. Aussi, excepté une dizaine d'entre eux, les autres manifestent une présence formelle et ostentatoire lors des élections… meublant le vide, impuissants presque toujours à agir sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle.
En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappe la majorité d'entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l'endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles ont aujourd'hui une faible capacité à accomplir un travail de mobilisation et d'encadrement efficient, à contribuer significativement à la sociabilisation politique, et donc à apporter une contribution efficace à l'œuvre de redressement national.
Pour preuve, les dernières élections législatives, tant de 2012 que de 2017 : en tenant compte des bulletins nuls et des données officielles du Ministère de l'intérieur, les 3/4 environ de la population algérienne ne sont pas représentés par les élus. Le discrédit qui frappe les formations politiques, tant du pouvoir que de l'opposition, doit laisser la place à des formations crédibles, non crées artificiellement, sujettes donc à la possibilité d'une appréciation objective du statut et du rôle qui doivent être les leurs dans une société qui ambitionne de rejoindre le rang des sociétés démocratiques. Ces formations devront s'avérer d'autant plus capables à mobiliser la société que dans les années à venir, les réformes – longtemps différées pour garantir une paix sociale fictive, transitoire – seront très douloureuses.
Une société civile atomisée, à dominante informelle
La société civile en Algérie est éclatée. Contrairement aux idées reçues et illusoires des années passées, dans un contexte de désintégration sociale et d'une jeunesse «parabolée», la majorité des confréries religieuses officielles ont de moins en moins d'impact. D'autre part, la confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend malaisée l'élaboration d'une stratégie visant à sa prise en compte et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société et à l'État ajoutent à cette confusion et rendent impérative une réflexion urgente pour sa restructuration, son état actuel reflétant les grandes fractures survenues dans le système politique national. Ainsi la verra-t-on rapidement se scinder en quatre sociétés civiles fondamentalement différentes : trois au niveau de la sphère réelle et une, dominante, dans la sphère informelle.
Le plus important segment de cette société civile, interlocuteur privilégié et souvent unique des pouvoirs publics, est constitué par des appendices du pouvoir, situés à la périphérie des partis du pouvoir et dont les responsables sont parfois députés, sénateurs, vivant en grande partie du transfert de la rente. De fait, ceux qui se targuent de mobiliser des millions d'électeurs vivent dans des salons climatisés, déconnectés de la société. Le deuxième segment est celui d'une société civile franchement ancrée dans la mouvance islamiste, avec là aussi des appendices de partis islamiques légaux.
Le troisième segment est celui d'une société civile se réclamant de la mouvance démocratique. Faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, et minée par des contradictions en rapport, entre autres, avec la question du leadership. Pour ces trois premières sociétés civiles, leurs impacts pour le taux de participation aux dernières élections locales et législatives, malgré leur adhésion, ont été relativement faibles.
Nous avons enfin une société civile informelle, inorganisée, totalement atomisée. Elle est de loin la plus active et la plus importante, ainsi que nous avons vu le 22 février et le 1er mars 2019, avec des codifications précises formant un maillage dense. Sans l'intégration intelligente de cette sphère informelle – non par des mesures bureaucratiques autoritaires, mais par l'implication de la société elle-même –, il ne faut pas compter sur une réelle dynamisation de la société civile. Car lorsqu'un État veut imposer ses propres règles déconnectées par rapport aux pratiques sociales, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner avec ses propres organisations.
Trois scénarios pour l'Algérie de 2019 à 2025
La dynamisation du système partisan et de la société civile afin d'en faire un instrument efficace d'encadrement de forces vives et un levier puissant de leur mobilisation n'a de chance de réussir que si le mouvement qui le compose ne soit pas au service d'ambitions personnelles inavouables et parfois douteuses. Nous pouvons prévoir les différents scénarios possibles en fonction de l'état des rapports de force au niveau interne, tenant compte de l'évolution de la stratégie des acteurs au niveau externe.
Le premier scénario : échec du processus des réformes.
Les conditions de l'échec sont réelles et réunies dans l'environnement juridique et économique en cas de manque de visibilité et de cohérence dans la démarche économique et sociale. Risque accentué par les rentiers au niveau interne et certains segments d'acteurs externes entretenant des relations informelles et qui ne sont pas intéressés par l'approfondissement des réformes (perte des marchés en cas d'avis d'appel d'offres transparents). Par ailleurs, l'ambiguïté des textes juridiques permet le blocage légal des réformes, tandis que la multiplicité des intervenants autorise une confusion des prérogatives.
Autres paramètres concourant au risque d'échec : la fragilité des capacités d'investissement du privé interne, les plans de stabilisation ayant réalisé une épargne forcée au détriment des couches moyennes qui se sont paupérisées ; la méfiance générée auprès des investisseurs internes et externes par des modifications continuelles de textes de lois, alors que la stabilité doit être de rigueur ; des discours populistes de règlements de comptes sur le sujet sensible de la fiscalité, et enfin la forte pression d'une fraction des acteurs internes et externes liés aux intérêts de la rente, cela pour préserver des postures protectionnistes car la libéralisation détruit une fraction de la rente.
Le deuxième scénario est le statu quo. Il conduirait à la régression car tant au niveau social que physique, le monde est en perpétuel mouvement. Cette hypothèse préparera les conditions de l'échec en imputant les conditions sociales actuelles (pauvreté et chômage) aux réformes, qui, excepté la stabilisation macroéconomique, sont timides en Algérie (réformes microéconomiques et institutionnelles, enjeux des années futures), ou à des organes techniques alors que l'essence réside dans l'absence de volonté politique (neutralisation des rapports de force).
Ce statu quo participera à un échec programmé et serait suicidaire pour le devenir de l'économie et de la société algériennes. Cela est entretenu par la confusion de certains concepts assimilant faussement réformes à bradage du patrimoine national. Ainsi, selon les tenants de cette analyse, les réformes seraient dictées par les grandes compagnies pétrolières mondiales, le FMI et la Banque mondiale. Une posture nous rappelant les temps de l'inquisition contre ceux qui prônaient l'économie de marché et l'instauration de la démocratie. Le troisième scénario est la réussite des réformes politiques et économiques solidaires, contenues dans l'environnement juridique, économique et politique de l'Algérie, grâce à une jeunesse de plus en plus consciente des enjeux futurs du pays.
La rupture vis-à-vis du système précédent, au vu des expériences historiques, ne s'est produite que par des révolutions violentes, mais de courte durée. Les expériences réussies ont montré que la voie gradualiste insérant les conservateurs dans une dynamique réformiste a impliqué un réaménagement profond des structures du pouvoir et de nouvelles personnes acquises aux réformes avec la démystification culturelle, les rumeurs dévastatrices au sein de l'opinion n'étant que la traduction de la faiblesse du système de communication, surtout en Algérie où la voie orale est prédominante. Il y a donc urgence d'une collaboration étroite des partisans acquis aux réformes, des partis politiques, des associations et, d'une manière générale, de toute la société civile, l'administration, des entreprises publiques et privées, les collectifs des travailleurs, des syndicats, en aplanissant les divergences par le dialogue et la concertation.
Il s'agira de faire émerger l'objectif stratégique par une symbiose des intérêts individuels et l'intérêt collectif, en montrant que les gagnants à moyen terme des réformes seront plus nombreux que les perdants à court terme. Forte de l'appui des acteurs externes pour leurs intérêts afin d'éviter les effets négatifs de la déstabilisation, mais surtout de la mobilisation des acteurs internes favorables car aucun pays ne peut faire les réformes à notre place, le devenir de l'Algérie est entre les mains des Algériennes et Algériens.
(A suivre)
Le professeur Abderrahmane Mebtoul, économiste, expert international


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