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Interview exclusive avec la Transition
Publié dans La Nouvelle République le 13 - 05 - 2019

Tout le monde en parle mais personne ne l'a rencontrée. La Transition est donnée sous forme de recette accommodée à la sauce de chaque parti ou de chaque groupe d'intérêt, l'armée y compris. Pour les juristes elle procède avant tout d'un maquillage habile de la constitution, pour l'opposition dites démocratique elle doit aboutir à la « démilitarisation du régime » quant à l'ANP elle y voit l'opportunité de nouveaux rapports avec l'exécutif présidentiel pour approfondir sa professionnalisation. Et pour le Hirak, que peut-elle signifier ? La Nouvelle République a eu l'insigne honneur de rencontrer la Transition. Interview en trois parties en exclusivité pour nos lecteurs.
Bonjour la Transition. Merci de nous recevoir. Depuis votre arrivée, à Alger, le 22 Février ou habitez-vous ?
Pour le moment je suis logée à l'hôtel El Djazair sous un régime de pension complète. Je suis l'invitée du Peuple algérien. Je ne dépense donc rien mais je sais que je coûte beaucoup. Pour diminuer la facture je cherche une location. J'accepterai même une sous location soit au Conseil Constitutionnel du côté d'un quartier qui s'appelle Ben Aknoun, soit à la Présidence, une certaine Casa d'El Mouradia m'a-t-on dit. Je suis en attente un peu inquiète car ma prise en charge à l'hôtel El Djazair s'arrête le 04 juillet.
Pouvez-vous nous présenter la Transition d'un point de vue juridique ?
Du point de vue juridique, la transition signifie le passage d'un système juridique vers un autre de manière graduelle ou de manière accélérée. Cependant je ne suis pas dans le même cas de figure de celui que j'ai connu dans les pays de l'Est. A l'époque (1989-2000) il fallait non seulement passer d'une constitution socialiste à une constitution d'inspiration européenne enrichie de ses apports onusiens (protection des droits de l'homme, création d'institutions médiatrices, adoption de conventions internationales fondamentales relatives aux droits de l'enfance etc..) mais surtout adapter toutes les lois d'inspiration socialiste à la nouvelle constitution. C'est ce que l'on appelle le travail juridique de constitutionnalisation du Droit et il était énorme. Heureusement pour l'Algérie c'est différent. Votre droit, d'inspiration française avec ses caractères algériens, n'a pas à affronter de mise à niveau par rapport au nouveau texte constitutionnel à venir. L'essentiel est disponible même si certaines lois devront faire l'objet de réaménagements profonds. Donc de mon point de vue, il s'agira moins de constitutionaliser le Droit que de produire une constitution respectant des équilibres politiques admis universellement en tenant compte des spécificités algériennes. De ce point de vue la transition juridique est bien plus facile à réaliser chez vous que dans les pays de l'Est. Si vous voulez encore me faciliter la tâche, je suggère de prendre appui sur la Constitution actuelle et en modifier les articles qui sont maintenant totalement dépassés. Je peux par exemple prévoir des garanties de séparation des trois instances exécutives, législatives et judiciaires, mieux travailler les articles consacrés aux questions de vacance de certains postes régaliens qui ont montré leurs limites etc. Mais pour ce qui concerne les reformes du système politique à inscrire dans la nouvelle Constitution il faut prendre des décisions sachant qu'un régime parlementaire génère moins de conflits qu'un régime présidentiel fort alors que ce dernier autorise une prise de décision rapide et efficiente. C'est à vous de déterminer la nature du système politique souhaité en fonction de l'étape que traverse le Pays. Mais dans les deux cas, le texte constitutionnel sera d'inspiration démocratique.
Combien de temps cela prendra-t-il ?
Tout dépend de la solidité du consensus entre trois acteurs essentiels : la société civile et ses représentants, les partis politiques et les forces armées. Si nous allons vite, il faut compter une bonne année. Mais au vu des chemins à parcourir par les uns et les autres dans une société soumise à des forces plus centrifuges que centripètes et en raison de la situation de vide politique et institutionnel laissée par l'ex-Président de la République qu'il faudra combler par une élection présidentielle, je dirai deux bonnes années avant d'accoucher d'un texte qu'il sera nécessaire de toutes les manières de faire valider par un referendum.
Ce sera donc plus facile sur le plan juridique. Cela facilitera forcément la Transition sur le plan économique ?
C'est là de mon point de vue le cœur du problème et malheureusement je constate que les Partis ne s'intéressent pas beaucoup à la transition économique. Les débats publics qu'ils mènent sont surdéterminés par des questions d'ordre idéologiques et de réinterprétation de l'histoire de l'Algérie indépendante dans un positionnement de construction de rapports de force stérile avec l'institution militaire. Il ne me semble pas que cela soit la priorité de l'heure. Pour reprendre l'exemple des pays d'Europe de l'Est que je connais bien, ces pays ont compris que la plus grosse difficulté qui était devant eux résidait plus dans la transformation de leur ordre économique que dans le renversement d'une situation politique acquise sur le plan des processus historiques avec l'effondrement du Mur de Berlin le 9 novembre 1989. Pour votre Pays, je dirai que l'irréversibilité de la situation politique est consolidée semaine après semaine par le Hirak pacifique mais que ces questions fondamentales de la transition économique sont restées plus confuses car il s'agit d'inventer la Démocratie dans le cadre d'une économie de la rente pétrolière, ce qui me parait fondamentalement contradictoire.
En quoi est-ce si difficile ?
Disons que l'économie socialiste, c'est-à-dire planifiée, a donné le jour à une démocratie populaire au sens de promotion des intérêts des classes laborieuses dans le cadre d'un mode de production marqué par un capitalisme d'Etat, produisant de la valeur ajoutée distribuée de manière radicale avec moins d'accaparement des richesses par les classes supérieures au détriment des classes inferieures. Ce qui est important ici ce sont les mots de valeur ajoutée ou de plus-value. Cela sanctionne une efficacité économique intrinsèquement liée à l'appareil de production et à la qualité des travailleurs qui le font tourner. Ce sont les mêmes mécanismes qui président dans les économies libérales car la naissance des valeurs ajoutées proviennent des mêmes matrices. Sauf que dans le premier cas, il y a eu collectivisation des moyens de production et de sa distribution alors que dans le second cas, il s'agit d'une privatisation des moyens de production au profit d'une classe sociale, la bourgeoisie entrepreneuriale dans toutes ses diversités. Il y avait donc malgré l'apparence d'une opposition frontale entre les systèmes socialistes est-européens et les économies libérales de l'ouest européen des proximités endogames regroupées autour de l'efficacité du travail et la production de valeurs ajoutées. C'est pour schématiser, en raison de ces données fondamentales que nous avons pu assister à une migration relativement aisée, après une période d'ajustements structurels aux couts sociaux importants, d'un système économique à un autre. Capitalisme et Socialisme ne sont pas aussi antinomiques qu'il y parait et procèdent l'un de l'autre. Pour approfondir ces questions il faut revenir à la littérature marxiste qui la première a théorisé les questions de la transition, bien avant les écoles américaines, dans deux texte célèbres qu'il faut avoir comme livres de chevets en ce moment : « Critiques des programmes de Gotha » de Karl Marx (1875) et bien entendu « L'Etat et la Révolution » de Lénine (1917).
Et pourquoi cela intéresse-t-il l'Algérie ?
Votre économie contrairement aux pays de l'Est ne produit pas de la valeur ajoutée car elle est fondamentalement rentière. L'Algérie vit de ses hydrocarbures, c'est à dire de ses rentes différentielles dont elle a collectivisé les moyens de production par la nationalisation des hydrocarbures, remise en cause partiellement par un appel au partenariat international qui sur plusieurs points reste problématique. Vous produisez donc des rentes différentielles au sens où vous empochez les différences d'ordre commerciales entre vos couts de production de pétrole et leurs ventes sur le marché local et international. La rente différentielle et la plus-value sont deux valeurs de nature économique opposées qui s'excluent l'une de l'autre car la rente pétrolière ne peut s'accommoder des cercles vertueux induits par la valeur ajoutée. Pour bien comprendre je dirai que pour les questions économiques, la valeur ajoutée est à la rente différentielle ce que l'addition est à la soustraction ! Pour les pays socialistes est-européens l'intégration dans la mondialisation ne posait pas de problème de civilisation économique, car elle partageait les mêmes valeurs culturelles voire la même morale d'avec le capitalisme bourgeois (la productivité du travailleur et la production commune de la valeur ajoutée). Ce n'est pas le cas du capitalisme d'Etat algérien qui en faisant de la rente différentielle la clé de voute de son système de pensée et du travail un facteur négligeable dans le processus de production de cette valeur ajoutée, s'exclu de facto d'une intégration à la mondialisation qu'elle soit industrielle, agricole, technologique et scientifique pour n'en retenir que celle liée aux finances et partiellement à sa force de travail la plus qualifiée au détriment du Pays.
Pour résumer la transition sera facile sur le plan juridique mais difficile sur le plan économique...contrairement aux pays de l'Est. Mais dans ce cas quelle est la nature de la transition économique en Algérie ?
Je pense que le cœur de la transition économique est constitué par les problématiques qui sous-tendent la transition énergétique. Comment passer d'un système rentier à un système productif ? C'est le plus grand défi d'ordre économique mais aussi d'ordre démocratique que le pays a besoin de relever. Le premier nœud qui me semble ardu est le financement de la transition énergétique. Vous n'êtes pas dans le cas de figure d'un petit Emirat pétrolier, à démographie faible, accumulant des centaines de milliards de dollars dans des fonds souverains et se trouvant en capacité de financer leur transition énergétique à leur guise. Leurs investissement dans ce domaine ne viendront en aucun cas perturber outre mesure les services sociaux mis à la disposition de leurs populations que cela soit la sécurité énergétique bien évidemment mais aussi la sécurité alimentaire, la Justice, la Santé, l'Education, le Transport, le Logement, les Loisirs etc. Pour votre pays, il en va tout autrement. L'ex-Président a dilapidé pour une partie les réserves en devises de votre Nation dans des subventions indues, des passes droits, des soutiens éhontés d'un certain nombre d'oligarques clientèles d'un régime corrompu. Pour être juste l'ex-Président est partiellement responsable de cette situation. Il a hérité du Général Toufik d'une situation déjà marquée par les détournements à grande échelle. Vous avez d'autant moins les moyens du financement de votre transition énergétique, que la conjoncture des marchés des hydrocarbures orientée vers une hausse moyenne à l'échelon international est dépendante de la solidité de l'accord entre l'Arabie Saoudite et la Russie lui-même fonction des développements de la question iranienne sur laquelle ces deux pays ont des visions diamétralement opposées. C'est pour cette raison d'ordre stratégique pour vous, car elle concerne votre capacité à financer votre transition énergétique et donc la qualité de votre processus de démocratisation, qu'il vous faut déployer une diplomatie active en direction de l'Arabie Saoudite, de l'Iran et de la Russie. Vous en avez les moyens au vu de votre histoire diplomatique mais en avez-vous l'audace car cela risque de contrarier la politique énergétique américaine.
N'y-a-t-il pas d'autres moyens de financer la transition énergétique et donc de s'assurer d'une démocratisation qui va au-delà des enjeux du contrôle de la rente pétrolière par la future direction politique qui présidera aux destinées du Pays ?
Vous avez raison. La transition énergétique est au cœur des questions démocratiques en Algérie. Nous risquons d'assister à l'accaparement de la rente par les nouveaux acteurs qui arriveront au pouvoir. Cela aura des conséquences dramatiques et pourra alors nourrir des courants politiques bien plus radicaux de toutes natures mettant en danger une culture de la tolérance et du vivre ensemble. Oui, il existe d'autres solutions du financement de la transition énergétique mais je préfère que nous en parlions lors du prochain numéro.


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