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Le «Hirak» pris entre le marteau de l'autoritarisme et l'enclume du berbérisme
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 06 - 2019

Le «Hirak» est un mouvement par nature démocratique car réunissant hommes et femmes, jeunesse paupérisée et estudiantine, classes moyennes et laborieuses, citadins et campagnards, populations des régions montagneuses et celles désertiques. De ces contraires naissent la reconnaissance sociale des uns par les autres et de chacun par tous dans une immense démarche d'appropriation du Droit, bien souvent inscrit dans les textes mais déniés dans les faits. Cette expression démocratique irrépressible et durable se heurte frontalement à l'autoritarisme étatique d'un régime finissant, incapable d'accompagner la Nation dans ses transformations salutaires et dont les décantations sociales à l'œuvre ont mis à nu les limites intéressées se chiffrant par milliards de dollars. Mais le «Hirak» se confronte également à une autre forme de caporalisation, tout aussi pernicieuse, celle du berbérisme plus militant que culturel, se drapant dans des oripeaux démocratiques qui n'empêcheront pas les dissociations politiques de se réaliser en raison de l'amplitude du mouvement populaire et de son caractère national, pour en finir avec les projets régionalistes, tous pavés des meilleures intentions du monde mais qui ne doivent leur survie, à l'image de leur alter ego autoritariste, qu'au régime unique de la rente.
Autoritarisme et berbérisme sont comme deux espèces végétales jumelles qui ne poussent que sur des terreaux politiques les nourrissant, au sens propre comme au sens figuré, du régime de la rente des hydrocarbures. L'un est le reflet de l'autre, chacun déniant à l'image qui lui est renvoyée une réalité constitutive dont il ne peut s'échapper. Mais avant d'en venir directement à la dialectique intime liant berbérisme et autoritarisme en régime rentier, il est bon de lever certaines équivoques en replaçant ce phénomène politique dans sa perspective historique. Le berbérisme est essentiellement une idéologie kabyle. Elle existe dans les autres régions berbérophones du pays mais elle est limitée et procède plus d'un effet de «contagion kabyle» que de ressorts propres. Historiquement, la défaite de Mokrani, de la confrérie Rahmania, après la grande insurrection de 1871 a abouti à la spoliation des terres en petite et grande Kabylie au profit des colons. Ce traumatisme profond d'une guerre coloniale sans concessions a abouti à des migrations importantes des kabyles de l'époque vers d'autres régions d'Algérie, ce qui jouera un rôle insuffisamment étudié dans la naissance du nationalisme moderne par les solidarités fortes qu'elle induira à l'occasion de tels transferts de populations, mais aussi en Tunisie (en particulier dans la région de Bizerte) et bien entendu en France. C'est donc la dépossession des terres et l'appauvrissement qui s'ensuivit des populations qui ont entrainé les paysans kabyles à louer leur force de travail dans les ateliers de la métropole coloniale, encourageant une proximité de connaissances qui à la suite des travaux des ethnographes militaires français, firent des kabyles, certes de fervents musulmans, néanmoins détachés des coutumes strictement islamiques, en particulier en matière de droit familial et des règles d'héritage. Si ces particularismes, de sociétés montagnardes aux traditions patriarcales puissantes, de communautés isolées et recluses aux disponibilités de terres arables très rares, peuvent en partie expliquer des modes de transmission iniques et misogynes prévenant la dispersion des patrimoines agraires en dehors de la lignée masculine, il n'en demeure pas moins que le colonialisme y a vu suffisamment de retrait par rapport à la norme musulmane plus égalitaire de ce point de vue pour en proposer une lecture exacerbant les singularismes. La longue tradition de migration qui s'ensuivit accompagnée de très fortes acculturations françaises plus qu'occidentales a eu une influence indéniable non seulement sur les travailleurs kabyles dont l'élite rejoint le mouvement syndical au début du siècle dernier pour fonder au final une tendance du mouvement national algérien moderne mais aussi sur la société kabyle bientôt gagnée par la fascination d'une société supérieurement moderne par rapport au modèle archaïque proposé par son rejeton colonial et parfaitement exprimé sur le plan idéologique par l'Académie berbère de Saint-Denis. La seconde tendance du nationalisme, insuffisamment étudiée dans son interaction au mouvement national, est constituée bien évidemment des Oulémas de Ibn Badis, fondateurs insurgés du nationalisme algérien moderne. Mais cela est un autre sujet qu'il sera intéressant d'aborder dans de futurs articles. L'autre facteur qu'il nous faut souligner pour expliquer la durabilité d'une identité politique berbériste dans le paysage algérien est une certaine autonomie des facteurs culturels (encore qu'il faudrait les préciser) essentiellement due à la géographie montagneuse de la Kabylie et son économie autarcique. Il est de ce point de vue-là très frappant de constater, en dépit de l'homogénéité de la langue entre la petite et la grande Kabylie, des différences culturelles souvent en rapport avec l'Islam et son dynamisme commercial, en fonction des géographies de ces deux sous régions qui recoupent de manière grossière les distortions culturelles mentionnées. Ce dernier élément est moins prégnant aujourd'hui qu'avant l'indépendance pour lui voir se substituer deux autres tendances lourdes impactant sur l'évolution du berbérisme politique contemporain qui n'a plus qu'un lointain rapport dans ses thématiques avec son ancêtre exprimé par la crise berbériste de 1949 d'une «Algérie algérienne», détachée de son substrat de civilisation appartenant indéniablement au monde arabo-islamique. L'industrialisation de la Kabylie sous Boumediene, son électrification et la disponibilité du gaz pour les ménages, y compris dans des endroits reculés, l'émergence de l'université et de l'hôpital de Tizi-Ouzou et, enfin, pour ce qui nous préoccupe aujourd'hui l'entrée sur scène d'un immense conglomérat plus marchand qu'industriel (Cevital) fortement intégré au commerce extérieur algérien et à la mondialisation par sa dépendance criante aux matières premières, la proximité d'Alger et bientôt les rocades liant le centre du pays à l'autoroute Est-Ouest sont autant de facteurs qui même de manières contradictoires ou contrastées participent d'un double mouvements : celui d'une part de l'intégration poussée de la Kabyle dans l'économie rentière dont elle a pleinement profité, certainement plus que toute autre région en Algérie en dehors de la capitale, et d'autre part celui d'une intégration économique, commerciale et financière à la Nation dans ses dimensions de distribution de ses activités. Ces évolutions notables furent concomitantes du développement d'un salariat tant privé que public impactant l'idéologie berbériste pour en écarter définitivement les tendances indépendantistes (l'émergence du Mak étant le chant du cygne) et renforcer celles qui au maximum s'articuleraient autour de logiques fédéralistes. L'alliance de facto entre un service de renseignements militaires intégré à la rente pétrolière à direction kabyle et intéressée par l'internationalisation de son commerce et le groupe Cevital a favorisé la montée en puissance d'une tendance au sein du berbérisme, considérant l'Algérie (c'est-à-dire toute la Nation et ses prolongements africains) comme un champ opérationnel digne d'intérêts économiques et politiques, pour peu que lui soit assuré une position dominante dans le système institutionnel d'un régime autoritaire, ayant confié ses fonctions administratives centrales à ses élites kabyles, héritiers lointains de l'Etoile Nord-Africaine. Le développement du groupe Cevital, basé sur la concession exorbitante de monopoles du sucre et de l'huile ainsi que l'accès sans limites aux devises pour le financement de ses activités plus commerciales qu'industrielles (en réalité, il s'agit de l'industrialisation de sa distribution et de sa logistique) s'est appuyé sur l'autoritarisme du régime et de sa police politique pour imposer ses logiques mues par le profit mais aussi par une ambition faisant de l'Algérie son espace de manœuvre politique par la diffusion d'un berbérisme nationaliste algérien intéressé dont le quotidien Liberté est un excellent interprète. Cette alliance du régime autoritaire militaire «gardien de la rente» et d'un conglomérat marchands de taille mondiale prônant un capitalisme de passe-droit sans fins et des monopoles de toutes sortes, c'est-à-dire d'un capitalisme «de redistribution privilégié de la rente» s'est cristallisée autour de l'accaparement du pouvoir par un savant mélange de répression policière et judiciaire et d'hégémonie culturelle et idéologique au profit des strates sociologiques les plus intégrées à la mondialisation. C'est cette convergence entre un berbérisme marchand exacerbé par la rente pétrolière et l'autoritarisme du régime politique en place qui vient d'être remise en cause par le «Hirak», sans pour autant totalement la défaire. Dans le suivi attentif que les algériens font des évènements politiques qui se succèdent depuis le 22 février, personne n'a oublié les voix émanant des rangs du FFS, du RCD et de quelques autres figures militantes kabyles qui, lors de la destitution de l'ex-président Bouteflika, ont crié au coup d'Etat. Et si les concepts ont encore un sens, ces milieux dont la mentalité se caractérise par une névrose obsessionnelle dont on a survolé les causes profondes et anciennes, dénonçaient un viol de la Constitution par le chef-d'état-major. Pourtant, ce sont ces mêmes voix qui, aujourd'hui, proposent sans vergogne de jeter la Constitution à terre, pour sauter à pieds joints dans des chemins de fortune tracés péniblement par les planificateurs proches et lointains du berbérisme politique aux dépens des valeurs authentiquement démocratiques portées par le «Hirak». Paradoxalement, ce sont des forces au sein de l'Etat-major (et non plus au Renseignement militaire) qui montent en première ligne de la défense de la légalité dans une démarche de respect de la Constitution et du souci de préserver la perspective d'une alternance définitive à l'autoritarisme, alors que les partis dits «démocratiques» préfèrent se draper de la bannière d'une «légitimité révolutionnaire auto-attribuée» réduite à celle d'un combat identitaire qu'ils nationalisent à dessein, souhaitant le voir se prolonger en culture berbériste hégémonique, en solution de continuité, pour ainsi dire, d'avec l'administration centrale dont ils se sentent proches idéologiquement, servant ainsi leurs intérêts étroits. Maître Mokrane Aït Larbi, militant de longue date de la cause culturelle amazigh, vient dans une déclaration dont il est coutumier de proposer une sortie au blocage politique actuel en deux phases. Une première étape serait constituée par un triumvirat présidentiel de transition et suivrait dans un second temps la mise en place d'une assemblée constituante souveraine. Rien d'original donc par rapport aux propositions de «l'opposition démocratique», à cette exception près que pour l'avocat «la démocratie (...) ne saurait se réduire au seul verdict des urnes, au nom de la majorité qui risque de bâillonner les voix discordantes et d'écraser les minorités». Si Maître Mokrane
Aït Larbi avait utilisé le mot «minorité» au singulier et non celui de «minorités» au pluriel nous aurions conclu à la générosité démocratique sans limites de ce défenseur des droits humains. En effet, on peut imaginer sans peine un système constitutionnel qui garantisse une expression et une visibilité forte à la minorité parlementaire ou politique, y compris dans ses expressions berbéristes, aux fins qu'elle puisse faire entendre sa voix alternative au pays profond. De tels mécanismes démocratiques existent dans les constitutions des pays avancés en la matière. Mais là, il s'agit pour l'avocat Maître Mokrane Aït Larbi de mettre sur pieds une «Charte des Libertés et des droits du Citoyen» opposables (sic !) aux futures majorités présidentielles et parlementaires. Pour faire court, voilà résumé le cœur de la problématique berbériste : comment sortir du système autoritaire qui les a nourri tout en conservant, voire, en augmentant la domination du courant berbériste dans le système politico-institutionnel algérien en cours de recomposition, alors que le pays est majoritairement novembriste et badissien ? Cette quadrature du cercle, le «Hirak» y apporte une réponse radicale : celle d'un mouvement démocratique, à forte connotation égalitariste, exigeant une répartition de la rente plus équitable entre les classes, mais aussi entre les régions aux fins, ensemble, de s'atteler à une sortie ordonnée du système rentier, seule garantie de l'apaisement des tensions et des contradictions traversant le mouvement national algérien.


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