Souffrante depuis longtemps, la grande artiste kabyle, Djamila vient de tirer sa révérence, à l'âge de 83 ans. Native du village d'Ait Bouhini (Yakouren), La petite Djohra Bachène y voit le jour en 1926. Devenue orpheline de père à l'âge de 12 ans, elle sera contrainte d'élever ses frères et sœurs. Sa passion pour la chanson est ancrée en elle. Elle fredonne des airs connus de sa voix à la fois cristalline et puissante et quand, à l'âge de 16 ans, elle se retrouve à Alger, elle est introduite à la radio par Mme Lafarge qui l'a fait participer à diverses émissions de la radio chaîne II Kabyle. Grâce à sa spontanéité, sa sympathie et ses connaissances de la vie -malgré son jeune âge-, elle devient animatrice au sein de cette radio, intervenant dans des programmes où elle apporte sa contribution à l'éducation pédagogique et socio-culturelle des auditeurs. En intégrant le monde de l'animation radiophonique, Djamila se fera très vite une place de choix parmi ses aînées mais aussi dans le cœur des auditeurs. Djamila qui n'a pas perdu de vue son amour pour la chanson rejoindra ensuite la célèbre chorale féminine de la radio, ««Tarbaht l xalat» dont elle deviendra l'une des voix favorites. Des titres phares comme «Arnu yas aman a xali», «ec akkin a y abahuc», «a chauffeur u taxi», «awid afus ih», «A zahr iw akka i g ibYa», «ifut l hal», «tamurt ledzayer n hamlits tamurt neY» et d'autres encore mettront son talent en évidence ce qui amène les producteurs à venir la solliciter pour camper des rôles dans des sketches et feuilletons radiophoniques. En effet, qui mieux que cette jeune femme charismatique peut camper une personnalité colorée à la radio et transmettre des messages à l'auditoire. Cinéastes et comédiens lui proposent des rôles divers. Elle tournera dans des longs métrages avec le regretté Cheikh Noureddine ou encore avec le grand Sid-Ahmed Agoumi. On la verra notamment dans «Roméo et Juliette» de Mohamed Hilmi, «Kazwirli», …etc Djamila fera également partie du casting de choix qui portera à l'écran l'œuvre magistrale du célèbre Mouloud Mammeri, «La colline oubliée», sous la direction du défunt Abderrahmane Bouguermouh. Voulant toucher à d'autres répertoires mais surtout ouvrir son horizon artistique, elle se perfectionne dans l'apprentissage écrit de la langue française, apprend même en cours du soir l'arabe et passe son permis de conduire. En l'espace de quelques années et à force de travail et de passion, elle passera d'animatrice puis de comédienne radiophonique à une artiste complète éblouissant la scène artistique nationale de son talent en tant que comédienne et chanteuse kabyle. Malgré tout, elle restera fidèle à la radio, cette grande famille qui lui a ouvert ses bras alors qu'elle était toute jeune et sans expérience et qui lui a permis de déployer ses ailes telle une chrysalide. Après près d'un demi-siècle consacré à l'art dans sa plus large expression, celle que le public appelle avec affection «Na Djamila» décide de prendre sa retraite après son pèlerinage aux Lieux Saint de l'islam. De temps en temps, elle est sollicitée pour des hommages mais elle savourait ses moments de sérénité auprès des siens dans son domicile sur les hauteurs d'Alger. Le décès de Na Djamila est une grande perte pour notre culture mais elle laisse derrière elle un large répertoire qui pourra toujours nous rappeler quelle grande dame elle était.