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Fidaï, compagnon de Fernand Iveton…
Félix Colozzi
Publié dans La Nouvelle République le 26 - 02 - 2025

Les dernières lignes du livre de Félix Louis Giro Colozzi, («Mémoires de prisons 1956-1962», 2012, Editions Al Kalima), sont consacrées au problème posé par le «statut » à accorder aux Européens qui, comme lui – majoritairement Pieds-noirs (nés en Algérie) et, au départ, non-musulmans – ont pleinement participé à la Guerre de libération nationale.
Les autorités algériennes ont pris l'habitude de les désigner par «amis de la Révolution algérienne» et non pas «moudjahidine». Sont-ils seulement «amis de la Révolution algérienne» ? Cela choque, à juste titre, ceux qui estiment qu'ils méritent que leur soit reconnue la qualité de moudjahid, puisqu'ils ont combattu, comme les autres moudjahidine, le colonialisme français.
Mais le titre de «moudjahid» aux combattants pour l'indépendance qui sont d'origine européenne, est contesté par ceux qui invoquent le prétexte qu'ils sont «non-musulmans». C'est contre cette discrimination que s'est élevé Felix Colozzi en rapportant cette anecdote : «(...) Bien souvent, nous entendons certains dire que nous avons aidé la Révolution. Lors de la projection du film «Ils ont rejoint le Front», un spectateur est intervenu en disant : nous devons remercier les Européens qui nous ont aidés. Ce à quoi, j'ai répondu violemment : Iveton, comme beaucoup d'autres, est mort pour avoir aidé la Révolution » (p. 276).
Une formule nouvelle
Après le décès, à l'âge de 95 ans, de Félix Colozzi, le 14 février 2025, les autorités algériennes ont utilisé une formule nouvelle pour le désigner. Officiellement, il est : «moudjahid et ami de la Révolution algérienne». Il aurait sans doute préféré être présenté comme suit : Félix Colozzi, fidaï de la Zone autonome d'Alger, compagnon de Fernand Iveton, condamné aux travaux forcés à perpétuité. C'est ainsi qu'il a signé les lettres qu'il a envoyées, en juillet 2013, à deux quotidiens algériens, pour recadrer des journalistes qui ont écrit sur Henri Alleg, en des termes qui auraient été considérés par ce dernier «comme une grave insulte», leur a fait remarquer Félix Colozzi. L'un a écrit, à propos de Henri Alleg : «Ami de l'Algérie, il a signé un livre de référence sur la torture» ; l'autre a qualifié Henri Alleg de «journaliste français».
Félix Colozzi leur a rappelé que «Henri Alleg et son épouse ont acquis la nationalité algérienne par arrêté du ministère de la Justice le 18 novembre 1963», en même temps, d'ailleurs, que lui-même, Georges Acampora, Hélène Cuenat, le Dr Masseboeuf et d'autres. Ces lettres ont été mises en annexes à la fin du livre, à côté d'un texte, tiré de son carnet de prisons, écrit de sa main, en arabe ; il s'agit de la chahada et de la fatiha, comme pour confirmer au lecteur qu'il s'était converti à l'Islam.
La discrimination
Dans l'avant-dernier paragraphe de ses Mémoires, Felix Colozzi a tenu à mentionner une autre discrimination envers les combattants algériens d'origine européenne : «Pour acquérir la nationalité algérienne, il fallait faire une demande au ministère de la Justice. Ce qui m'a fait dire : lorsque nous sommes entrés au FLN pour participer à la Guerre de libération, on ne nous a pas obligés à rédiger une demande» (p. 275). Il trouvait plus grave le fait qu'un article du code de la nationalité stipulait que toute personne ayant acquis la nationalité algérienne peut être déchue «pour activités contraires à la qualité d'Algérien». C'est ce qui lui arriva après avoir lu en public une déclaration condamnant le coup d'Etat du 19 juin 1965, diffusée par l'Union des étudiants algériens (UNEA) dont il était membre à l'époque, en tant qu' étudiant à Sofia (Bulgarie), envoyé en novembre 1962 par l'Etat algérien pour une formation d'ingénieur en chimie industrielle. Il raconta cet épisode, en décembre 1965, à Prague (capitale de la Tchécoslovaquie, à l'époque) où il avait fait un saut à l'invitation de son ami Noureddine Tidafi et où il a rencontré aussi les étudiants algériens qui s'y trouvaient comme Nacer Zerrouki, Rouabah, Abdeltif Rebah.
Le code de la nationalité de 1963
Le premier code de la nationalité, voté en mars 1963 par l'Assemblée nationale constituante, avait fait des mécontents, comme Pierre Chaulet et l'Abbé Berenguer qui avaient cru avoir gagné leur nationalité algérienne par leur action en faveur de l'indépendance. Ce n'était pas aussi simple pour eux. Certes, l'article 8 du code reconnaît à «ceux qui ont participé à la lutte de libération nationale et qui résident en Algérie» le droit à la nationalité algérienne, mais «ils devront formuler une déclaration au ministère de la Justice». Au cours des débats, l'Abbé Berenguer, député à l'Assemblée constituante, exprima sa colère : «Je veux bien me reconnaître Algérien, mais je refuse qu'on m'accorde la nationalité algérienne» (compte rendu dans Alger Républicain du 13 mars 1963). L'abbé Berenguer, d'origine italienne, né à El Amria, était curé à Remchi, près de Tlemçen, quand il prit position, dès le début, aux côtés du FLN.
Un autre combattant d'origine européenne, Jules Molina, rapporte, avoir par deux fois, fait des démarches pour obtenir la nationalité algérienne, sans résultat. C'est Rabah Bitat, avec qui il avait d'excellentes relations (il l'avait connu en 1956 à la prison de Serkadji), qui a intervenu pour lui faire obtenir la nationalité algérienne («Un communiste d'Algérie, Les vies de Jules Molina (1923-2009)). Daniel Timsit, également, s'est dit choqué par l'article 8 du code de la nationalité. Il l'écrit dans son livre «Algérie, récit anachronique» (1998 Editions Bouchène p.71) : «Il a fallu que je demande la nationalité algérienne à un commissaire. Il a fait une enquête formelle, mais n'empêche que, compte tenu du code de la nationalité, je n'étais pas Algérien d'emblée, il fallait que je fasse la demande de cette nationalité. Elle m'a finalement été accordée par Décret.» Quoiqu'il en soit, ces «Algériens à part» considèrent que l'essentiel pour eux, est qu'ils se reconnaissent, eux-mêmes, comme Algériens.
Combien sont-ils ?
Dans son livre «Les communistes et l'Algérie, Des origines à la Guerre d'indépendance 1920-1962», l'historien Alain Ruscio fait remarquer que «la liste des non-musulmans (Européens et juifs) qui devinrent des combattants est longue. Certains, au prix de leur vie : Henri Maillot, Raymonde Peschard, Pierre Ghenassia, Maurice Laban, Maurice Audin, Fernand Iveton, Georges Raffini... D'autres au prix de plusieurs années d'emprisonnement, souvent après tortures : Henri Alleg, Lucien Hanoun, Raymond Hanon, Blanche et André Moine, Lisette Vincent, Jacqueline Guerroudj, Felix Colozzi, Georges Acampora, Pierre Cots, Djamila Amrane-Danièle Minne, André Espi, Christian Buono... En tout, plus d'une centaine de combattants, discrets, modestes, qui ne demandèrent jamais de remerciements : ils n'avaient fait que leur devoir d'Algériens». A cette énumération, il faut ajouter Annie Steiner, Eliette Loup, Marylise Benhaïm, Georges Arbib, Auguste Châtain, Dr. Georges Hadjadj... Ce sont, en grande majorité, des militants d'origine européenne qui ont réalisé le transfert, vers les maquis de l'ALN en wilaya IV, des armes détournées par Henri Maillot.
Selon la presse coloniale, le camion détourné transportait 123 mitraillettes, 140 revolvers, 57 fusils, un lot de grenades et divers uniformes. Une «ordonnance de renvoi» datée du 24 septembre 1959, signée par un magistrat militaire français, juge d'instruction au tribunal permanent des forces armées de la zone nord-algéroise, donne quelques noms : Odet Voirin, tourneur, Jean Farrugia, artisan-plombier, Serge Biglia, cheminot, Auguste Châtain, entrepreneur, Célestin Moreno, cheminot, Antoine Raynaud, inspecteur des PTT. Les convictions anti-
colonialistes, inébranlables, de ces moudjahidine d'origine européenne, étaient solidement forgées, en Algérie même, par une action militante quotidienne, inlassable, pour défendre les droits et améliorer la situation des plus démunis, ceux que les colonialistes appelaient les «indigènes». Leur lutte n'était pas seulement sociale, elle avait en perspective l'indépendance, et ils n'excluaient pas la lutte armée pour y parvenir.
Leurs motivations
Qu'est-ce qui a poussé ces «non-musulmans» à devenir moudjahidate et moudjahidine et à combattre avec le peuple algérien contre le colonialisme? La lettre de Henri Maillot, donnant la signification de son initiative de détournement du camion d'armes, le 4 avril 1956, au profit de la lutte de libération, répond à cette interrogation : «Je ne suis pas musulman, mais je suis Algérien d'origine européenne. Je considère l'Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils. Le peuple algérien, longtemps bafoué, humilié, a pris résolument sa place dans le grand mouvement historique de libération des peuples... Il ne s'agit pas d'un combat racial, mais d'une lutte d'opprimés sans distinction d'origine contre les oppresseurs et leurs valets sans distinction de race... En livrant aux combattants algériens des armes dont ils avaient besoin pour le combat libérateur, j'ai conscience d'avoir servi les intérêts de mon pays et de mon peuple, y compris ceux des travailleurs européens momentanément trompés.»
L'engagement de Félix Colozzi
Dans son livre, Félix Colozzi raconte comment, ouvrier spécialisé en avril 1947, ayant rompu avec ses «idées préconçues» qui l'avaient amené à «faire fausse route», il adhère à la CGT et devient un «militant syndicaliste des plus actifs». Puis, «séduit par le marxisme», il prit sa carte au Parti communiste algérien (PCA) et milita dans la cellule du Ruisseau. Le 1er novembre 1954, «le passage à la lutte armée nous surprend, mais ne nous étonne pas. C'était inévitable», écrit-il. Le 2 novembre, il prend connaissance de la Déclaration du premier novembre et la trouve conforme à ses idées. En mai 1956, à la demande de Hamid Allouache, il intègre les groupes armés des Combattants de la libération (CDL, créés par le PCA). Le groupe du Champ de Manœuvres dont il fait partie comprend M'hamed Hachelaf, Fernand Iveton et Boualem Makouf. Le 29 octobre 1956, Colozzi, Hachelaf et Makouf incendient le dépôt de la Bouchonnerie internationale à Hussein Dey (Alger). Félix Colozzi est arrêté le 14 novembre 1956 peu après la découverte de la bombe placée à l'EGA (Ruisseau) par Fernand Iveton et l'arrestation de celui-ci. En octobre 1957, il est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il sera libéré le 27 mai 1962, après être passé par plusieurs prisons : Serkadji, El Harrach, Lambèse (en Algérie), puis Les Baumettes, Fresnes, Etampes, La Santé, Rouen, Toul, Fontainebleau (en France). Dans ces pérégrinations, il sera souvent accompagné de Longo, Moreno et Sintès, détenus comme lui pour leur participation à la Guerre de libération. «Quelle chance avions-nous de voir l'Algérie libre !», c'est par cette phrase que se termine le livre de Félix Colozzi. Il a été enterré, comme il le souhaitait, en Algérie, son pays.
Depuis le vendredi 21 février 2025, il repose au Carré des Martyrs du cimetière d'El Alia. Sa fille, présente aux obsèques, l'a parfaitement décrit : «Un homme de convictions, un homme d'engagement qui croyait profondément à la dignité humaine. Il a œuvré sans relâche pour la grandeur de la Révolution algérienne, aux côtés d'hommes et de femmes de tous horizons – qu'ils soient de culture, de religion ou de conditions sociales différentes – unis par une même cause : celle de la liberté et de la justice».


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