Pendant plus d'un demi-siècle, Mustapha Kateb a incarné la passion, la rigueur et la ferveur du théâtre algérien. Considéré comme l'un des pionniers du quatrième art, il a contribué à faire de la scène un espace d'expression nationale, un lieu où le peuple retrouvait sa dignité et sa voix. Né en 1920 à Souk Ahras, il a consacré toute son existence à servir la culture et à édifier des institutions solides capables de porter l'identité artistique d'une Algérie libre. À seulement dix-huit ans, il débute au théâtre radiophonique, un terrain d'expérimentation qui allait façonner son regard d'homme de scène. Très vite, il fonde la troupe Alif Ba, entouré d'artistes prometteurs comme Allal El Mouhib, Abdallah Nekil et Sid Ali Houat, dit « Fernandel ». Cette première aventure collective ouvre la voie à une longue carrière au service de la création. Par la suite, il rejoint El Moutribiya, dirigée par le grand Mahieddine Bachetarzi, doyen du théâtre algérien. Toujours animé par le désir de professionnaliser la pratique théâtrale, Mustapha Kateb crée dans les années 1940 El Masrah, qui deviendra plus tard El Masrah El Djazaïri. Cette troupe s'illustre en Algérie mais aussi à l'étranger, notamment en Union soviétique et en Europe de l'Est, où elle reçoit un accueil chaleureux. La défense de la langue arabe, qu'il considère comme un pilier de l'identité nationale, devient alors l'un de ses combats essentiels. Entre 1948 et 1956, il sillonne le pays avec Bachetarzi, offrant chaque vendredi des représentations en arabe à travers la troupe du théâtre arabe. À la veille de la Guerre de libération, il séjourne brièvement en France avant de rejoindre Tunis, où il prend la tête de la troupe artistique du FLN. Ce collectif a pour mission de faire entendre la voix d'un peuple en lutte pour son indépendance. Les spectacles mis en scène par Kateb, portés par des artistes tels que Sid Ali Kouiret et Yahia Ben Mabrouk, font rayonner le message de résistance sur les scènes du monde. Après l'indépendance, son rôle devient institutionnel. Le 8 janvier 1963, il est nommé premier directeur du Théâtre national algérien (TNA), la première grande institution culturelle du pays libre. Avec détermination, il s'attelle à structurer un théâtre national professionnel et académique, capable d'allier rigueur artistique et authenticité patrimoniale. Il signe alors plusieurs œuvres majeures : El Hayat holm, El Ghoula, Hassan Terro, El Khalidoun de Abdelhalim Raïs, mais aussi Le cadavre encerclé et L'Homme aux sandales de caoutchouc de son cousin Kateb Yacine. Curieux et ouvert, il adapte également Shakespeare et Brecht, témoignant d'une vision universelle du théâtre. Son coup de maître reste sans doute la création, en 1965, de l'Institut national d'art dramatique et chorégraphique (INADC) à Bordj El Kiffan, qui formera plusieurs générations de comédiens et de metteurs en scène. En 1973, il rejoint le ministère de l'Enseignement supérieur comme conseiller, où il œuvre à la mise en place du théâtre universitaire et de programmes académiques dédiés aux arts de la scène. Entre 1985 et 1988, il contribue également à l'ouverture du Conservatoire de la ville d'Alger. Parallèlement à sa carrière de metteur en scène, Mustapha Kateb apparaît dans plusieurs films algériens emblématiques : Le vent des Aurès et Décembre de Mohamed Lakhdar Hamina, L'Opium et le bâton d'Ahmed Rachedi ou encore Hassan Niya de Ghaouti Bendeddouche. Le 28 octobre 1989, Mustapha Kateb s'éteint des suites d'une leucémie, le même jour que son cousin, l'écrivain et dramaturge Kateb Yacine. Deux destins unis par la même passion : celle des mots, de la scène et d'une Algérie qu'ils ont servie avec générosité et courage.