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«Emmanuel Macron se refuse toujours à reconnaître l'ampleur de ces massacres...» Exclusif : L'historien et politologue Olivier Le Cour Grandmaison à LNR :
Dans le cadre de la commémoration des massacres du 8 mai 1945 en Algérie, La Nouvelle République à Paris a jugé utile de rencontrer des historiens, politologues Français et pas des moindres, en l'occurrence, Gilles Manceron, Olivier Le Cour Grandmaison et Benjamin Stora qui, tous, ont aimablement accepté de répondre à nos questions. Vous l'aurez sans doute remarqué qu'on a posé pratiquement les mêmes questions à nos invités. Après donc l'historien Gilles Manceron voici le tour aujourd'hui du Politologue et historien Olivier Le Cour Grandmaison de nous parler de cette triste journée du 8 mai 1945... Son dernier ouvrage faut-il le rappeler s'intitule ''Racismes d'Etat, Etats racistes. Une brève histoire.'' Editions Amsterdam, 2024. La Nouvelle République : 80 ans après, malgré la proposition de résolution portée par les députés Renaissance, Mme Sebaihi, sa collègue Julie Delph et vous même réclamant la ''Recon-naissance et la condamnation du massacre du 17 octobre 61 ainsi que celui des massacres du 8 mai 1945 et l'inscription d'une journée de commémoration à l'agenda des journées officielles et cérémonies nationales en France, n'est toujours pas au point du moins pour la reconnaissance''. Pourquoi selon vous ? Olivier Le Cour Grandmaison : Une précision essentielle : en ce qui concerne le projet de résolution relatif à la reconnaissance des massacres du 17 octobre 1961, ce projet n'était pas mien. Je ne l'ai pas soutenu et je n'ai pas soutenu non plus le texte final adopté car je considérais qu'il était très en-deçà des revendications défendues depuis plus de 20 ans par le Collectif unitaire et les premiers concernés mobilisés dès 1991 pour la reconnaissance de ces massacres. N'oublions pas le travail pionnier et essentiel de Jean-Luc Einaudi. Ni les uns, ni les autres n'ont alors été consultés. Quant aux ouvrages de Jean-Luc Einaudi, ils ont été traités en chiens crevés pour mieux défendre une interprétation fallacieuse de ce terrible massacre, ne pas nommer clairement les responsables : le ministre de l'Intérieur de l'époque ; Roger Frey, le Premier ministre, Michel Debré et le général De Gaulle qui a couvert ceux qui ont commis ce massacre et soutenu le mensonge d'Etat forgé après le 17 octobre 1961 pour minimiser le nombre de victimes et faire porter la responsabilité de ce qu'il s'était passé au FLN. Enfin, une telle rédaction vise, une fois encore, à occulter les responsabilités de l'Etat français et de la République ce qui permet aussi de ne pas qualifier ce crime. Face à cette situation jugée inacceptable par toutes celles et tous ceux qui sont mobilisés des dizaines d'années, j'ai donc publié un article dans le journal ''Mediapart''. En ce qui concerne les massacres du 8 mai 1945 en Algérie, j'ai été informé d'un projet de résolution mais, à ma connaissance, la version finale n'a pas encore été adoptée et elle n'a donc pas été soumise au vote des députés. Plusieurs élus français, dont des députés et sénateurs de la gauche et du centre, se sont déplacés jeudi dernier en Algérie pour commémorer les massacres du 8 mai 1945. Cette délégation est arrivé en Algérie, dans un contexte toujours très tendu entre Paris et Alger. Qu'en dites-vous de cette démarche ? Compte tenu de la situation que nous connaissons, si cette initiative peut contribuer, même modestement, à l'amélioration des relations entre la France et l'Algérie, nul ne s'en plaindra sauf les extrêmes-droites, les droites de gouvernement radicalisées et, entre autres, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Sinistre ministre, nostalgique de la colonisation française et qui défend une politique de l'immigration et de l'asile toujours plus restrictive et attentatoire à des droits fondamentaux en se focalisant sur l'Algérie pour mieux flatter l'électorat et les soutiens qu'il convoite. Mais la responsabilité ultime est celle du président de la République française, Emmanuel Macron, qui se refuse toujours à reconnaître l'ampleur de ces massacres et à les qualifier comme il devrait l'être : savoir a minima un crime d'Etat, a maxima un crime contre l'humanité, comme le soutenait la regrettée Nicole Dreyfus qui fut avocate du FLN et qui a plaidé en ce sens devant les tribunaux français. En vain, hélas. Au niveau local, en France, la situation évolue parfois positivement grâce à la mobilisation de nombreux citoyens, collectifs et autres associations engagées depuis longtemps parfois pour la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945 par l'Etat français. Cela ne fait que souligner plus encore la pusillanimité des autorités françaises, du gouvernement et du Président Emmanuel Macron qui, par opportunisme et lâcheté, persistent à observer un silence scandaleux. «La France et l'Algérie sont dans la reconnaissance mutuelle des massacres du 8 mai 1945 en Algérie et il est important que l'on soit là pour témoigner de cela, que l'on soit solidaires avec un peuple qui commémore un événement douloureux de son histoire», avait déclaré récemment au Figaro M. Laurent Lhardit député socialiste et président du groupe d'amitié France-Algérie à l'assemblée nationale. Quelle est votre lecture par rapport à cette déclaration ? Déclaration pour le moins singulière et de fait contraire à la vérité car je ne connais pas, en France, de membres du gouvernement, de même pour le chef de l'Etat, favorables à une reconnaissance pleine et entière, précise et circonstanciée de ces massacres. De plus, relativement au parti socialiste, pourquoi ce dernier ne dépose-t-il pas une proposition de loi tendant à la reconnaissance de ce qu'il s'est passé à partir du 8 mai 1945 en Algérie ? Ses députés en ont la possibilité et une telle initiative serait susceptible d'être soutenue par les différentes composantes du Nouveau front populaire. En politique plus encore, ce sont les actes qui comptent. Quant aux déclarations et aux promesses diverses, nous savons, hélas, ce qu'il en est trop souvent. Les objets, les archives pillées en Algérie, pendant la colonisation à ce jour, on n'a rien rendu à l'Algérie depuis 1830. C'est normal pour vous ? Outre la reconnaissance, et comme d'autres pays l'ont fait, la question des restitutions est effectivement importante. Cela peut concerner des archives mais aussi des biens culturels divers pillés et transférés en France au cours de la conquête et de la colonisation de l'Algérie. Là encore, le refus et les atermoiements français sont inacceptables et ce n'est pas l'évanescente et très soumise commission mixte paritaire composée, entre autres, d'historiens français qui a fait avancer le dossier. Pensez-vous que la relation entre Paris et Alger va s'améliorer dans pas longtemps ? Tout dépendra de l'attitude du chef de l'Etat français et, pour partie, de celle du gouvernement. L'un et l'autre obéissent à des agendas politiques, institutionnels et électoraux qui ne coïncident pas complètement et la proximité des élections municipales et plus encore des présidentielles n'est pas forcément de bon augure. Compte tenu de la radicalisation des droites de gouvernement qui, comme les extrêmes-droites, n'ont jamais véritablement accepté la défaite française en Algérie, et qui entendent se venger politiquement et symboliquement de ce qu'ils présentent comme une humiliation, les raisons d'espérer ne sont pas nombreuses. Reste qu'en matière de diplomatie, la raison d'Etat, des intérêts géopolitiques, sécuritaires, économiques et financiers peuvent aussi modifier la donne. A suivre donc... Interview réalisé à Paris