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Alger républicain, un journal pas comme les autres
Il y a 70 ans
Publié dans La Nouvelle République le 10 - 09 - 2025

« Ainsi s'éteint Alger républicain et tombe le silence » ; c'était dans la nuit du 12 au 13 septembre 1955, raconte Henri Alleg, qui en était le directeur. Le gouvernement français venait de décréter l'interdiction du Parti communiste algérien (PCA) et ses « filiales ».
«Légalement, explique-t-il, « Alger républicain » ne devrait pas être touché par cette mesure, comme le reconnaîtront les juges ». Mais, il fallait en finir avec ce journal et on le comprend quand on sait que dans les quelques années qui ont précédé le déclenchement de la guerre de libération nationale, le 1er novembre 1954, Alger républicain apparaissait « comme le porte-parole et le lieu de rencontre privilégié de toutes les forces engagées dans la lutte contre le régime colonial ». La naissance et les premiers pas d'Alger républicain, créé durant la nuit coloniale, en 1938 à Bab El Oued, «rouge» à l'époque, sont relatés dans le détail par Boualem Khalfa, Henri Alleg et Abdelhamid Benzine dans leur livre « La grande aventure d'Alger républicain » qui retrace la vie de ce journal jusqu'à sa saisie dans la nuit du 18 au 19 juin 1965, quand le président Ben Bella a été destitué par Houari Boumediene.
Alger républicain historique
Le 1er février 1951, Henri Alleg, qui n'a pas encore trente ans, est officialisé dans le poste de directeur du journal, fonction qu'il assumait dans les faits depuis novembre 1950. Commence alors la vie d'Alger républicain historique, le journal militant et populaire avec ses caractéristiques propres qui le distinguent des autres journaux. « Au journal, bien que les membres du personnel rédactionnel et administratif ne soient pas tous membres du PCA, les postes clés sont, cependant, entre les mains de militants communistes responsables ». « Il n'est pas pour autant un « journal communiste » et, -sans qu'il y ait là, le moindre paradoxe- ce sont les communistes qui veillent avec le plus d'attention à ce qu'il ne le devienne pas ». « Le PCA n'intervient jamais directement dans la rédaction ou auprès des communistes membres du personnel d'Alger républicain pour imposer telle ou telle directive », insiste les auteurs du livre. Le rôle premier assigné au journal « est d'unir le plus largement tous ceux qui-indépendamment de leurs orientations politiques et de leurs origines- veulent en finir avec le régime d'oppression coloniale ».
Alger républicain réussissait l'exploit d'être un journal populaire tout en alignant les signatures qui connaitront plus tard une grande célébrité comme écrivains. Il y avait Mohamed Dib, Malek Haddad, Kateb Yacine et aussi Albert Camus, Emmanuel Roblès. Henri Alleg a tenu à recadrer l'image d'Albert Camus : « contrairement à la légende que lui-même et ses adulateurs alimenteront lorsqu'il sera devenu écrivain reconnu et choyé par les cercles littéraires du meilleur monde, il n'est nullement ouvert aux aspirations nationales du peuple algérien et encore moins à l'idée d'une future indépendance ». Cela est confirmé par le choix de Camus pour sa mère, « c'est-à-dire la défense de la « présence française » plutôt que la solidarité avec les combattants de l'indépendance », écrit Henri Alleg.
Quand la censure est instituée en Algérie, en avril 1955, Alger républicain avertit ses lecteurs : « Alger républicain dit la vérité. Il ne dit que la vérité mais il ne peut pas dire toute la vérité », un repère déontologique adapté aux contraintes de l'occupation coloniale. Efhem yal fahem, comprenne qui pourra. C'était le temps où les formes les plus subtiles devaient être trouvées pour donner aux Algériens les informations qu'ils attendaient, sans éveiller la méfiance des services de police à l'affût du moindre indice pouvant leur servir de prétexte pour faire taire le journal. Cette formule restera dans la mémoire des Algériens.
C'est la voix de ce journal que les autorités colonialistes font taire en septembre 1955. Les membres de son personnel, journalistes et « administratifs », fidèles à la cause de l'Algérie et de la liberté, rejoignent la lutte armée déclenchée le 1er novembre 1954, et passeront par les centres de détention, les prisons, les salles de torture et par les maquis où nombre d'entre eux y laisseront leurs vies. Dans les locaux d'Alger républicain (rue Mozart, pas loin du restaurant universitaire du boulevard Amirouche où se trouvait aussi le siège de l'UNEA), une stèle portant leurs noms a été posée, en février 1963, dans la grande salle où se trouvait la rédaction sportive et le bureau de la secrétaire du journal, Gilberte Taleb (qui sera plus tard l'épouse de William Sportisse). Il s'agit d'honorer la mémoire des chouhadas d'Alger républicain, du plus connu d'entre eux, Henri Maillot, comptable du journal, à celui qui l'est moins, Abdelkader Choukhal, journaliste qui avait rejoint l'ALN, en 1956, dans le maquis à Palestro (aujourd'hui Lakhdaria) et qui est mort au combat fin octobre 1957, dans un accrochage avec l'armée française dans la région de Médéa. Un jour, il faudra bien que l'hommage qu'ils méritent soit rendu à ces professionnels de la presse anti colonialiste, chouhadas de la lutte armée pour l'indépendance. « Militants exemplaires, journalistes dévoués jusqu'à la mort à leur peuple et à leur idéal, ils resteront pour la presse nationale, nouvelle et ancienne, le symbole même de la fidélité, de l'union des pensées et des actes » », témoignent les responsables du journal. Ils manqueront à l'appel quand Alger républicain reparaît en 1962.
Le retour d'Alger républicain en 1962
A l'indépendance, le numéro 1 du journal « nouvelle série », daté des mardi 17-mercredi 18 juillet 1962, comporte deux pages, juste pour annoncer le retour d'« Alger républicain ». Son titre : En avant dans l'indépendance pour la construction de la République algérienne pour la démocratie, la justice et le progrès ». Deux pages qui seront distribuées à la criée ou collées par des bénévoles sur les murs à Alger. Pris sans doute dans l'euphorie ambiante, sa direction ira jusqu'à penser qu' «enfin libre, Alger républicain dira tout la vérité». Pourtant, la réinsertion ne fut pas facile cet été 1962, dans un pays déchiré par des luttes fratricides pour le pouvoir.
C'est dans un appartement, celui de l'architecte Abderrahmane Bouchama, à l'entrée de Bab El Oued (dans une avenue qui portait encore le nom de Borély La Sapie), que l'équipe d'Alger républicain s'est reconstituée. Survivants de la guerre de libération et nouveaux venus, réunis autour d'Henri Alleg, de Boualem Khalfa et d'Abdelhamid Benzine, vont faire d'Alger républicain à nouveau un journal populaire accompagnant les premiers pas de l'Algérie indépendante. Cela ne plaisait pas à tout le monde.
Le 29 novembre 1962, à l'annonce de l'interdiction du PCA et de son organe central d'El Hourya (Liberté), certains n'étaient pas satisfaits d'apprendre que cette décision ne concernait pas Alger républicain qui continue, donc, à paraître avec une influence grandissante particulièrement parmi les travailleurs et dans les milieux estudiantins. Ses locaux ne désemplissaient pas. Simples travailleurs mobilisés sur le front syndical, sportifs qui construisaient leur renommée ou figures marquantes de l'élite intellectuelle, ils étaient accueillis avec la même amitié, puis repartaient non sans avoir posé pour la photo souvenir. Ils étaient chez eux. La visite la plus prestigieuse au journal, fut celle de Che Guevara, lors de l'une de ses nombreuses venues en Algérie pour de longs séjours ponctués de conférences.
Un soir – en fin février 1963 – Kateb Yacine, sa machine à écrire portative à la main, entra à l'improviste dans la salle de la rédaction sportive, où la toute jeune équipe de journalistes (presque tous lycéens) terminaient leurs avant-papiers à la veille du match Algérie-Tchécoslovaquie (qui sera gagné par l'Algérie sur le score de 4 buts à 0). Ce soir-là, personne ne put s'empêcher de laisser tomber son article pour observer cet hôte de marque. Sans faire de bruit autour de lui, il s'assit dans un coin et se mit à taper sur sa petite machine à écrire. Le lendemain, en Une du journal, sa signature était sous le billet qu'il a rédigé en souvenir d'un Yougoslavie-Algérie (Equipe du FLN), joué en 1960 à Zagreb, où il se trouvait, pendant la guerre de libération nationale. Kateb Yacine a écrit dans Alger républicain post-indépendance de nombreux autres billets et articles. Le peintre M'hamed Issiakhem était lui aussi un habituel du journal, ses fresques ont illustré les plus belles Une, dont certaines étaient parfumées au jasmin, à l'occasion du 1er mai, du 1er novembre ou du 5 juillet. La touche originale qui marquera les Une des numéros spéciaux sera également l'œuvre de Mohamed Khadda.
La fin d'Alger républicain historique
Mais l'existence du journal est en jeu. C'est confirmé à l'occasion du Congrès du FLN d'avril 1964. Des délégués estiment qu'Alger républicain ne doit plus exister. Ils le font savoir. La fusion d'Alger républicain et du journal Le Peuple est décidée, c'est la forme prévue pour cette disparition en douceur. La fusion n'aura pas lieu. « Trois semaines avant la date prévue pour sa réalisation, Ahmed Ben Bella est renversé et c'est le colonel Houari Boumediene qui va désormais présider aux destinées de l'Algérie indépendan-te », rappellent les auteurs du livre « La grande aventure d'Alger républicain ».
« Le 19 juin, rapporte Boualem Khalfa (co-directeur d'Alger républicain), il n'y a eu aucune arrestation dans les rangs d'Alger républicain ni du PCA. La direction du journal rejoignit ses locaux où elle reçut la visite du directeur du Peuple, organe du FLN, qui leur demanda de publier la proclamation du Conseil de la révolution. Refus et décision prise par Boualem Khalfa, Henri Alleg, Abdelhamid Benzine (rédacteur en chef) et William Sportisse (secrétaire général) de ne plus éditer le journal ». C'est la fin d'Alger républicain historique (appelons-le ainsi pour le différencier des autres versions du journal qui paraîtront après les années 1990), il ne se remettra pas de cette épreuve.
Henri Alleg quitte l'Algérie et s'installe en France où il militera au sein du PCF (Parti communiste français) ; Boualem Khalfa, Abdelhamid Benzine et William Sportisse entrent en clandestinité au sein de l'ORP (Organisation de la résistance populaire formée par le PCA interdit, la gauche du FLN, des progressistes et syndicalistes) qui publia le 5 juillet son Manifeste, appelant à la lutte contre le nouveau pouvoir, sans exclure la lutte armée. William Sportisse est arrêté en septembre avec une centaine d'autres membres de l'ORP, dont des journalistes. Ils seront soumis à la torture (voir « Les Torturés d'El Harrach »). Boualem Khalfa et Abdelhamid Benzine qui échappent à l'arrestation participeront, en clandestinité en janvier 1966, à la création du Parti d'avant-garde socialiste (PAGS) dont ils seront les dirigeants.
Silence, on retourne
Les manifestants d'Octobre 1988, tous jeunes et travailleurs des quartiers populaires – la raison d'être d'Alger républicain – lui rouvriront incidemment les portes de la démocratie indispensable à son retour. En 1989, c'est encore dans un appartement, chez Mustapha Kaid, boulevard Mohamed V, qu'est installée la rampe de lancement du journal, sans le PCA ni Henri Alleg, mais sous l'impulsion du PAGS qui assumait la continuité du PCA et sous la direction de Abdelhamid Benzine accompagné d'une jeune équipe issue pour la plupart du PAGS. Une vague de sympathie va vite submerger le journal. «Ma plume est à votre service», pour remplir les pages, les volontaires ne manquaient pas, et des plus prestigieux dans la profession. L'argent du lancement vint de dons collectés par l'Association des amis d'Alger républicain, présidée par Mohamed Rebah qui a fait partie de la rédaction du journal avant son interdiction en 1955 et en a dirigé la rédaction sportive après l'indépendance. Des conditions peu favorables ont entouré le retour du quotidien dans le paysage médiatique, après plus de 24 ans de mutisme (juin 1965 à octobre 1989), d'où cette très belle formule en titre du numéro zéro de février 1990: «silence, on retourne».
Avril 1991, un conflit interne qui minait depuis plusieurs mois le PAGS – propriétaire «moral» du journal – finit par donner un coup d'arrêt à cette nouvelle aventure d'Alger républicain. Il ne s'en remettra plus. Pour lire Alger républicain, il faudra aller sur son site électronique. La version papier avec «nedjma ou h'lal» (croissant-étoile) qui avaient été collés au logo, lui-même passé de la couleur bleue au vert (« couleur nationale et symbole de l'indépendance reconquise »), dès le numéro 2 du 23 juillet 1962, a quitté la forêt de titres qui remplissent les étals des kiosques à journaux.


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