Le Salon international du livre d'Alger (Sila) a ouvert sa 28e édition dans une atmosphère vibrante, mêlant fierté culturelle, ambitions numériques et hommage à la mémoire nationale. Placé sous le thème « Le livre, carrefour des cultures », l'événement confirme, cette année encore, son rôle central en tant que carrefour intellectuel majeur du monde arabe et africain. Du 29 octobre au 8 novembre, le Palais des expositions d'Alger se transforme ainsi en un immense espace de rencontres, de découvertes littéraires et de dialogues entre écrivains, éditeurs, penseurs et publics de toutes générations. Une édition marquée par une mobilisation exceptionnelle des institutions publiques, des milieux culturels, et d'un large public fidèle, rappelant l'importance du livre dans le paysage culturel algérien. Une inauguration sous le signe du renouveau et de l'ouverture L'ouverture officielle, présidée par le Premier ministre Sifi Ghrieb, a donné le ton. Entouré de membres du gouvernement, de hauts responsables et de représentants d'organismes nationaux, il a parcouru les allées du Salon avec un intérêt marqué, multipliant échanges et encouragements. Sa visite a débuté symboliquement par le pavillon dédié aux enfants, soulignant l'importance stratégique accordée à la lecture jeunesse. Contes, albums illustrés et romans pour jeunes lecteurs rappellent combien la transmission du savoir et le goût de la lecture restent au cœur des priorités éducatives nationales. Le Premier ministre s'est ensuite rendu à plusieurs stands institutionnels, notamment celui de l'Armée nationale populaire, riche en publications historiques, scientifiques et documentaires, puis à celui de la Direction générale de la Sûreté nationale, mettant en lumière l'effort des institutions pour encourager la documentation, la recherche et la vulgarisation du savoir. Patrimoine, numérique et diplomatie culturelle Parmi les haltes marquantes de la visite, celle du stand du ministère de la Culture et des Arts a suscité un intérêt particulier. Le Premier ministre y a découvert une expérience immersive : la visite virtuelle du Palais du Bey de Constantine. En appelant à généraliser ce type d'initiative dans l'ensemble des musées algériens et même dans les aéroports, il a réaffirmé la volonté de l'Etat d'inscrire la culture dans la modernité numérique. Promouvoir les musées, valoriser le patrimoine et numériser les œuvres : un triptyque qui résume l'ambition culturelle algérienne face aux transformations technologiques mondiales. La dimension diplomatique n'était pas en reste. La Mauritanie, invitée d'honneur, a occupé une place privilégiée, illustrant la volonté partagée d'approfondir les liens intellectuels et historiques entre les deux nations. Son pavillon expose manuscrits, ouvrages patrimoniaux et œuvres littéraires contemporaines, témoignant d'un riche héritage culturel sahélo-maghrébin. Un salon résolument international Pour rappel, cette 28e édition rassemble 1 254 maisons d'édition de 49 pays, dont 290 algériennes, offrant plus de 240 000 titres. Une affluence considérable dès les premières heures a confirmé le statut du SILA comme événement majeur du calendrier culturel national. Le public, composé de lecteurs de tous âges, d'étudiants, de familles et de passionnés, s'est précipité vers les stands dès l'ouverture, attiré notamment par la diversité des publications : littératures arabes et universelles, sciences humaines, livres scolaires et parascolaires, dictionnaires, essais, et ouvrages religieux. La présence de délégations venues du Qatar, de Palestine, des Etats-Unis, d'Italie et de nombreux autres pays confirme l'attrait international du SILA comme espace de dialogue et de diffusion du savoir. L'hommage au patrimoine révolutionnaire et à la mémoire nationale Cette édition coïncide avec la commémoration du 71e anniversaire du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954. Une symbolique forte, qui rappelle la place du livre comme outil de résistance intellectuelle et de transmission historique. À ce titre, plusieurs stands institutionnels – dont ceux du ministère des Moudjahidine, de l'Association des Oulémas musulmans algériens, ainsi que celui de la République sahraouie – ont mis en avant des ouvrages consacrés à la mémoire, à la lutte anticoloniale et aux grandes figures historiques. Le Premier ministre a insisté sur la nécessité de numériser les archives et les manuscrits anciens, soulignant un chantier stratégique : préserver la mémoire tout en la rendant accessible aux générations futures. Le livre, pilier de la nation L'ouverture du programme littéraire, présidée par la ministre de la Culture Malika Bendouda, a offert l'occasion de réaffirmer la place centrale du livre dans le projet national. « Le livre est la pierre angulaire du projet civilisationnel algérien », a-t-elle rappelé, soulignant le rôle fondamental de la culture dans la construction de l'Etat depuis l'indépendance. Dans son allocution, la ministre a également insisté sur plusieurs points, notamment la transition numérique dans l'édition, le développement des livres audio et plateformes de lecture numérique, la protection du droit d'auteur et l'ambition d'édifier une économie culturelle durable tournée vers l'avenir. Mauritanie, invitée d'honneur La présence mauritanienne à ce salon incarne une fraternité séculaire et un avenir culturel partagé. Le ministre mauritanien de la Culture, par la voix de son ambassadeur, a salué la profondeur des liens unissant les deux pays : « La culture est le rempart de l'identité et de la mémoire de la nation. » Cette invitation est perçue comme une reconnaissance du rôle de la Mauritanie dans la scène littéraire arabo-africaine et comme une opportunité d'élargir la coopération en matière de traduction, d'édition et d'industries du livre. Un programme riche et des hommages prestigieux Le commissaire du salon, Mohamed Iguerb, a annoncé un programme culturel dense, réunissant 250 écrivains et intellectuels venus d'Algérie, d'Afrique et du monde. L'un des moments forts fut l'hommage rendu au romancier et moudjahid Rachid Boudjedra, figure majeure de la littérature algérienne. Une conférence intitulée « Rachid Boudjedra : 60 ans d'écriture créative » a exploré son œuvre exigeante, complexe, marquée par « une écriture subjectivité, la violence ou encore la condition de la femme, autant d'ingrédients qui dénoncent les hypocrisies sociales à travers des récits souvent centrés sur la volonté de l'auteur à pousser son lecteur dans ses derniers retranchements, de manière à le contraindre à la réflexion ». Ce moment d'hommage témoigne de la volonté de célébrer les grands pionniers qui ont façonné la scène littéraire algérienne moderne. Nasri et Boughali visinet le salon Au-delà du gouvernement, les présidents du Conseil de la nation et de l'Assemblée populaire nationale, Azouz Nasri et Brahim Boughali, ont également visité l'exposition. Leur présence souligne l'intérêt stratégique de l'Etat pour les enjeux culturels. Le Parlement a mis en avant ses bibliothèques et archives, rappelant disposer de plus de 36 000 références. Une édition ouverte sur l'avenir Le SILA 2025 s'inscrit dans une dynamique double : mémoire et modernité. Entre célébration du patrimoine révolutionnaire, essor du numérique, et ouverture croissante à l'Afrique et au monde, l'événement illustre la transformation culturelle en cours. Les engagements exprimés par les autorités – notamment la facilitation de l'exportation du livre algérien et l'achèvement du projet de l'Hôpital des artistes – témoignent d'une volonté d'encourager la créativité et de soutenir les acteurs culturels. Mais au-delà des discours officiels, c'est l'enthousiasme populaire qui donne toute sa dimension au SILA. Les files d'attente, la diversité des visiteurs, les échanges avec les auteurs, les conférences animées : autant de signes d'une vitalité culturelle. Alger, capitale littéraire le temps de dix jours, rappelle que le livre demeure un outil d'émancipation, d'apprentissage et de dialogue universel. La 28e édition du SILA confirme le rôle singulier de l'Algérie comme pont culturel entre Afrique, monde arabe et espace méditerranéen. Elle témoigne aussi d'un engagement collectif : celui de faire du livre un moteur de connaissance, d'émancipation et d'ouverture. Entre mémoire révolutionnaire, ambitions numériques, partenariats internationaux et effervescence littéraire, le SILA demeure cet espace unique où le livre continue d'unir, d'inspirer et de bâtir des passerelles entre les peuples. Un carrefour de cultures, mais aussi un carrefour d'avenir.