C'est dans le cadre de la dialectique, théorie pratique, que s'inscrit l'important ouvrage, qui est paru à l'Office des publications universitaires (OPU), de Mustapha Bensahli, qu'il présente en ce mois d'octobre 2025, à l'importante rencontre culturelle organisée par le Commissariat du Salon international du livre d'Alger (Sila), la 28e édition de cette grande rencontre qui se tiendra du 29 octobre au 8 novembre 2025, au Palais des expositions des Pins maritimes à Alger, qui accueillera éditeurs, auteurs, professionnels du livre que l'auteur, qui a interrompu ses études universitaires suite au mot d'ordre de grève de l'UGEMA en 1956, les a reprise après l'événement de l'indépendance, est titulaire d'un diplôme universitaire en gestion et planification, éminent expert international en fiscalité, qu'il m'a demandé de préfacer. Dans le prolongement de l'important ouvrage, j'ai tenu dans la préface à formuler quelques remarques et propositions car les pouvoirs publics algériens, depuis de longues décennies, ont eu souvent recours à des expédients, optant pour des systèmes qui leur permettent d'exploiter les sources de revenu immédiatement disponibles au lieu de chercher à établir des régimes fiscaux rationnels, modernes et efficaces. Les recettes fiscales nationales représentent une source indispensable pour le financement du développement. Cependant, par rapport aux autres domaines clés du financement du développement, tels que le commerce, l'aide internationale et la dette, la fiscalité n'a fait l'objet en Algérie que d'un intérêt limité jusqu'à présent, en raison surtout de la dominance des recettes d'hydrocarbures favorisant la fraude fiscale et l'évasion fiscale. Un système fiscal complexe avec une administration sclérosée constitue inévitablement un terreau fertile pour les activités de recherche de rente. Je tiens à dénoncer un mythe souvent entretenu, qui est le recours aux encouragements fiscaux et les subventions à l'investissement en Algérie qui ont eu un impact mitigé, favorisé certaines rentes spéculatives alors que le blocage essentiel comme le montre tous les rapports internationaux, et cela n'est pas propre à l'Algérie, est le terrorisme bureaucratique, car la promotion de tout investissement créateur de valeur ajouté durable, consiste à créer un cadre juridique et réglementaire stable, transparent, et à mettre en place un système fiscal conforme tant à l'anthropologie sociale et économique interne qu'aux normes internationales. Le niveau de l'impôt direct dans une société mesurant le degré d'adhésion de la population, il y a urgence d'une nouvelle politique, car le système d'impôt est au cœur même de l'équité. Mais l'impôt peut tuer l'impôt, car il modifie l'allocation des ressources réalisées, notamment l'offre de capital et de travail ainsi que la demande de biens et services. Je déplore qu'aucune enquête précise quantifiée dans le temps ne mette en relief les liens entre la répartition du revenu national entre les couches sociales, l'évolution du processus inflationniste et le modèle de consommation, information indispensable pour la mise en place d'un système fiscal « juste » car un système fiscal efficace doit trouver le moyen de prélever des recettes en perturbant le moins possible les mécanismes qui conduisent à l'optimum économique et s'articuler autour des prélèvements faiblement progressifs sur des assiettes larges. Aussi, le renouveau du système fiscal efficace doit répondre à plusieurs objectifs : premièrement, la collecte des recettes sans perturber l'activité économique; deuxièmement, l'affectation des recettes avec pour objectif de réduire les inégalités, avec un impôt progressif appliqué aux revenus élevés. Troisièmement, utiliser les impôts et les subventions ciblées, difficilement applicable du fait de l'effritement du système d'information, afin que les prix du marché reflètent le coût social et l'avantage collectif ; quatrièmement, les impôts renvoient à la représentation politique, car lorsqu'un gouvernement dépend plus des recettes fiscales et moins des revenus provenant des ressources naturelles ou du financement par l'emprunt, la responsabilité des gouvernants envers les citoyens concernant l'utilisation des fonds publics, s'en trouvent renforcée. Or, dans la majorité des pays en voie de développement, et cela n'est pas propre à l'Algérie, les plus riches ne contribuent pas plus que les pauvres à l'effort fiscal, les pouvoirs économiques et politiques dont ils jouissent, leur permettant souvent de bloquer les réformes qui auraient pour effet d'accroître leur fardeau fiscal. C'est ce qui explique en partie l'incapacité à exploiter le potentiel des régimes d'impôt sur le revenu et d'impôt foncier et le manque de progressivité des régimes fiscaux. A cela s'ajoutent plusieurs facteurs paralysants : premièrement, nous avons la faiblesse de la numérisation et la dominance de la sphère informelle en Algérie qui contrôlent plus de 50% de l'activité économique, non assujetties au système fiscal. En conséquence, les méthodes modernes de mobilisation de fonds comme l'impôt sur le revenu et les taxes à la consommation jouent un rôle réduit dans ces économies et la possibilité, pour les pouvoirs publics, de compter sur des ressources fiscales élevées y est pratiquement exclue ; deuxièmement, étant donné la structure informelle, produit de la bureaucratie et du manque de confiance en les institutions, les services de la statistique et de l'impôt ont du mal à générer des statistiques fiables, comme le montrent les données contradictoires sur la masse monétaire informelle en circulation et l'échec des différentes mesures pour la capter. Troisièmement, les déficiences des mécanismes de mise en application juridiques en ce qui concerne le recouvrement de l'impôt et, quatrièmement, souvent avec des interférences politiques et des comptabilités douteuses, les pénalités sont insuffisantes en cas de défaut de paiement. Tous ces facteurs favorisent des délits d'initiés étant donné que les administrations fiscales manquent bien souvent des compétences spécialisées requises pour déchiffrer les systèmes, fiscaux tant internes qu'internationaux complexes, qui sont utilisés à des fins de fraude fiscale. C'est ce qui explique en partie l'incapacité à exploiter le potentiel des régimes d'impôt sur le revenu et d'impôt foncier, et le manque de progressivité des régimes fiscaux. En résumé, en fonction de mon expérience sur le terrain, loin es bureaux climatisés des bureaucrates en tant que haut magistrat premier conseiller et directeur général es études économiques, chargé de la gestion des contrats du BTPH entre 1980/1983 à la Cour des comptes, et plusieurs audits sous ma direction pour le contrôle de la gestion de Sonatrah, de 1974 à 2026, sans un système d'information fiable, utilisant les nouvelles technologies dont l'intelligence artificielle, une politique fiscale et le contrôle fiscal sont biaisés. La réforme fiscale constitue un défi stratégique pour la nouvelle politique socio-économique, étant un enjeu énorme de pouvoir, car touchant de puissants intérêts de rente ainsi que la concurrence fiscale comme le montre les différentes modifications des lois sur les hydrocarbures et les différents codes d'investissement en Algérie pour attirer les investisseurs. Dans un monde caractérisé par la libéralisation des mouvements de capitaux, par la transition numérique et énergétique( devant mettre en place une fiscalité écologique spécifique), les barrières commerciales qui disparaissent, les défis de l'Algérie, impliquent de définir les priorités stratégiques et avoir une nette volonté politique pour mettre en œuvre la bonne gouvernance et les réformes nécessaires structurelles nécessaires. Comme le montre l'auteur avec pertinence, il est utopique d'isoler la réforme du système fiscal, sujet au combien sensible, de la gouvernance globale devant concilier la concertation, l'efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale. Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités Expert international