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Vivre sa mort annoncée
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 30 - 03 - 2009

A côté du charlatanisme médical ravageur, aujourd'hui en vogue(1), il existe un autre, «innocent» selon l'heureuse expression de Cadet de Gassicourt, « c'est celui qu'un praticien instruit et spirituel emploie pour donner de l'espoir et de la sécurité à un malade destiné à languir longtemps sans jamais guérir. Comment blâmer les bienfaisantes impostures d'un médecin consolateur qui, désespérant de sauver un ami, compose un roman, un système ingénieux pour séduire l'imagination du malade que la médecine condamne, et lui sauver les horreurs d'une lente agonie. Quelque mensonges qu'il fasse alors, quelque bizarres que soient les remèdes qu'il prescrit, il n'est pas vraiment charlatan; mais il exerce la médecine morale».
A l'occasion de l'enterrement d'un ami, qui de son vivant avait longuement abordé cette problématique, la question de l'annonce de sa mort avait interminablement traversé l'esprit de plusieurs intellectuels présents. Faut-il ou pas dire à un malade le sort tragique qui l'attend. Si la question relève à la fois du cultuel et du culturel, la déontologie oriente cependant les médecins en charge de ce dilemme en proposant ceci : «Pour des raisons légitimes que le médecin (...) apprécie en toute conscience, un malade peut être laissé dans l'ignorance d'un pronostic grave; mais la famille doit être prévenue, à moins que le malade n'ait préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquelles elle doit être faite. Ce diagnostic grave ou pronostic fatal ne doivent être révélés qu'avec la plus grande circonspection (art. 51 code de déontologie).
Alors que les sciences biomédicales ont créé toute une panoplie de termes pour désigner les techniques et/ou comportements que doivent utiliser ou adopter les médecins vis-à-vis des personnes incurables, la morale est restée sclérosée, hésitante et parfois contrainte à développer un vocabulaire nouveau qui n'est pas initialement le sien mais adapté au fur et à mesure du développement des théories de la bioéthique. Suicide médicalement assisté, acharnement thérapeutique, soins intensifs, soins palliatifs, comma, mort cérébrale, mort clinique, accompagnement du mourant, obstination déraisonnable sont autant de termes et d'expressions qui se bousculent et se rejoignent pour indiquer le même moment; la fin de la vie. La mort peut s'exprimer dans et par la douleur et met en scène une série de techniques et de rituels. Le débat n'a rien de byzantin, car ces questions, pour reprendre le docteur Portes se poseront tôt au tard pour tous les hommes et quotidiennement pour le médecin.
«L'homme qui ne s'entraîne pas à la mort ne peut jamais acquérir la paix de l'esprit. Car nous devons tous mourir et pour tout ce que nous savons, la mort peut venir aujourd'hui même. Chaque minute, la mort est suspendue sur nous. Si nous vivons dans la terreur de la mort, comment pourrions-nous garder un esprit sain» ainsi s'exprimait Cicéron dans son De Senectute.
Avec le droit légitime du médecin «au mensonge», c'est la souffrance du malade et la mort différée que l'on cherche à éviter par des paroles, ou par une caresse... on est alors au coeur des soins palliatifs. Oui, une simple caresse peut avoir des effets que l'on ne peut imaginer. Un mouvement de la main qui ne s'inscrit pas dans une feuille d'ordonnance. Le geste de la main, pour qui l'accomplit, n'est pas une décision médicale. Et pourtant, il se renouvelle chaque jour, dans chaque hôpital, sans qu'on n'y pense jamais. « En posant ma main sur la peau de son bras, de sa joue ou de son front, je fais naître l'autre en tant que prochain », (Pierre Le Cot, La Caresse dans le rapport éthique à autrui).
L'acharnement thérapeutique est la dernière manifestation du médecin face au malade en phase terminale et face à une apparente impuissance de la médecine. Les bioéthiciens le présentent comme un tragique débat entre la technologie et la conscience du médecin, d'autant que le malade, même s'il est conscient, se trouve dans un état de liberté amoindri. Comme l'expression d'abstention thérapeutique, celle de l'acharnement est aussi récente; elle date de 1953. Elle découle très directement des extraordinaires progrès que la science médicale au cours de ce dernier demi-siècle dans les techniques de réanimation. Il est parfois difficile de dégager la limite entre soins dus et acharnement thérapeutique du fait qu'aucune disposition (contraignante ou non) du droit ne définit la notion d'acharnement thérapeutique et que le caractère absolu du droit à la vie semble impliquer que l'on essaye de la sauvegarder par tous moyens. En toutes circonstances, le médecin s'efforce de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. Dans de telles situations, on parle aussi de Limitations et arrêts des thérapeutiques (LAT). Il est des situations où la justification morale de l'action médicale par le principe éthique de bienfaisance ne semble plus valide. Autrement dit, ce qui était légitime devient acharnement thérapeutique et par conséquent illégitime. Le principe moral de non-malfaisance s'impose dès lors à la conscience des soignants. Les Américains ont développé à ce sujet le concept de futility qui résume la situation ou l'insistance thérapeutique est beaucoup plus préjudiciable que bénéfique. Il s'agit de ne pas entreprendre ou de ne pas poursuivre des traitements qui, devenus inutiles, perdent leur raison d'être. cf. Déclaration de l'Association médicale Mondiale, Venise, 1983). Syn. obstination déraisonnée. Contr. Abstention thérapeutique.
Dans toutes ces situations que nous venons d'évoquer, des questions éthiques surgissent pour le praticien, à savoir principalement l'information du patient et de sa famille lorsque la mort signe sa présence. C'est donc à nouveau une interrogation sur les limites de la formation médicale, car cette situation ne s'enseigne pas dans les facultés de médecine. La dimension éthique de ce genre de situations n'a pas été suffisamment et sérieusement prise en charge par l'enseignement médical alors que le corps médical y est quotidiennement confronté. Faut alors, comme cela se pratique un peu partout, céder la champs aux tolba... des questions auxquelles j'inviterai mon ami Mohamed Mebtoul à réfléchir.
Il y a quelques jours, des médecins légistes réunis à Maghnia avaient dénoncé la place que l'Académie de médecine accorde à l'enseignement de l'éthique. Je joins ma voix à la leur pour dire que l'éthique n'est ni une littérature ni une morale moralisante mais une science pratique du bien et du mal dans la conduite humaine. Elle n'est pas tout à fait métaphysique puisqu'elle ne procède pas toujours des réflexions abstraites et théoriques. Elle renvoie à l'expérience et se fonde sur une vision du monde et de la nature humaine tirée de l'expérience et à partir de laquelle les principes moraux ressortent naturellement. Cette approche est perceptible chez Aristote, dans Ethique à Nicomaque lorsqu'il privilégie la méthode inductive (a posteriori) en commençant par des faits d'expérience, des notions communes sur le bien et le mal, la fin, le bonheur Si on avait évoqué plus haut le droit du médecin au mensonge, le malade aussi est en droit de refuser de connaître les résultats du diagnostic et autres analyses révélant l'existence de signes alarmants.
Dans l'annonce des résultats à l'intéressé, il y a un droit de savoir et un autre de ne pas savoir, car la connaissance du résultat d'un test peut limiter l'autonomie morale d'un sujet. Il peut même modifier éventuellement son comportement. Lorsque le résultat peut avoir des effets néfastes sur l'entourage du sujet, le médecin se trouve désarmé pour prévenir les autres membres de la famille. La sagesse ne commande-t-elle pas simplement de taire le diagnostic et laisser les choses évoluer le plus normalement du monde. L'homme peut être prêt à assumer son destin, mais non à vivre sa mort annoncée.
Contrairement à d'autres pays, il n'existe pas en Algérie, une structure capable d'aider les médecins à affronter ces situations pénibles. Un comité d'éthique digne de ce nom, se serait il y a longtemps auto-saisi pour émettre un avis. Il aurait invité par exemple les médecins à prendre des précautions particulières dans la proposition d'un test, dans l'annonce d'un résultat et dans la confidentialité de ce résultat. Ce comité aurait aussi instruit les médecins sur la liberté de choix en dehors de toute coercition, une compréhension complète des implications de la décision médicale...
En face d'un cas dramatique, l'hésitation est grande, car il n'y a pas un, mais plusieurs dangers que le praticien seul, doit s'efforcer avec tout son art, d'éviter. Il aura recours cependant, à toute son intelligence et sa diplomatie pour choisir finalement en fonction de sa conscience la meilleure manière d'informer son patient ou de lui mentir tout simplement. L'isolement du médecin se fait sentir encore davantage devant un malade qui se retrouve en même temps un proche.
Lorsque j'écrivais la partie consacrée au droit et la maladie mentale (chapitre V, traité de droit médical), ma première personne ressource était évidemment le Pr. Khaled Waddah. Cette évocation me permet de dire toute ma gratitude au chercheur d'exception que fut notre ami qui a su faire des années durant la jonction entre le droit, la médecine et la psychologie. Ce grand esprit libre, si percutant planera toujours au Cridssh ou il fut à la fois animateur, modérateur, débatteur. Repose en Paix Khaled.
* Université d'Oran
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Notes :
1. cf l'affaire d'El Watan contre le Dr Sabadou qui a valu la condamnation en première instance du directeur de la publication ainsi que de la journaliste Salima Tlemçani à trois mois de prison ferme.
«Charlatan, charlatanisme», Dictionnaire
des sciences médicales par une société de médecins et de chirurgiens, CLF Panckouke, 1830.
Portes L. Médecine et euthanasie, comités d'éthique à travers le monde, recherche en cours 1989, Tierce-Inserm p. 13.
On rapporte que le Prophète Mohamed (QSSL) questionnait le malade sur son mal et la façon dont il supportait la douleur. Il lui demandait également ce qu'il désirait, posait sa main sur son front ou au milieu de sa poitrine, invoquait Allah pour lui et lui prescrivait ce qui était profitable. D'après Ibn Qayyim Aljawziyya.


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