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Créons un ministère du talent et de la création
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 08 - 2009

Je ne m'interroge pas du tout sur le rôle de l'architecte. Je m'étonne même que l'on veuille intellectualiser ce type d'interrogation inutile en spéculant sur une éventuelle disparition de l'architecture.
D'abord parce que d'une part, je crois que le cas de l'Algérie qui a dévié en la matière ne justifie aucunement ce type d'interrogations, et d'autre part, que l'on ne peut pas comparer notre parcours dans le domaine de la construction à celui de la France où des traditions et des pratiques se sont installées suite à des débats parfois houleux sur ce qu'il faut faire et ne pas faire.
Alors que l'on arrête de fantasmer sur l'Occident et ce qu'il a produit et occupons-nous de notre propre monde. Constatons, par exemple, que depuis l'indépendance, nous n'avons pas su produire une histoire de la construction de chez nous, capable de ressortir des réalisations d'exception. Que nos universitaires sont officiellement exclus du champ de la production architecturale. Que nos prix nationaux d'architecture ne sont pas, parfois, dignes de projets de fin d'étude en architecture. Que le LMD d'architecture repose sur un programme national que la tutelle a fini par imposer au lieu de donner l'initiative à nos départements de produire leurs propres programmes et de donner par là à nos jeunes étudiants l'embarras du choix. Que dans ce pays, il n'existe qu'une seule et unique école d'architecture qui peut prétendre sans discussion à l'excellence. Que l'excellence algérienne ne se conjugue pas au temps de l'exception.
Pourtant, à l'heure actuelle, je suis persuadé que l'avenir est en Algérie, la fuite du «cerveau» est l'expression de l'échec – l'immigré profite généralement des révolutions et des sacrifices des populations du pays d'accueil –, la réussite est d'abord chez-soi, et qu'à l'heure actuelle, nous vivons tous une ère très particulière de l'histoire de notre pays avec Bouteflika. En dehors des contestations d'ordre politique, il nous est pas possible par souci d'honnêteté de reconnaitre que le génie de notre Président a permis à notre pays de retrouver sa place sur la scène internationale, que des projets sont réalisés et se réalisent dans tous les domaines, qu'une liberté d'expression de fait est là. L'Algérie des années 2000 est une Algérie ambitieuse qui retrouve petit à petit les valeurs et le goût du travail ; il s'agit simplement d'une adhésion à la volonté présidentielle de bien-faire pour réussir ses programmes. Seulement la réussite de ses programmes a impérativement besoin d'un sang neuf parmi nos responsables nationaux et locaux. D'hommes et de femmes dont la sincérité absolue n'épouse pas les maladies du pouvoir et ne s'accorde pas à ses envoutements corrupteurs. L'Algérie avancera quand elle aura la chance d'avoir un ministre, un wali, un maire qui démissionne parce qu'il n'a pas su faire, et qu'elle pourra un jour se passer de responsables irresponsables qui accumulent les erreurs et qui s'accrochent in mordicus au pouvoir.
Afin de revenir à notre sujet, je pense que le colonialisme, en dehors de tout discours idéologique et de considérations socio historiques a réussi par sa contribution importante à imposer la qualité architecturale et urbaine chez nous. Qu'en ce sens, nous n'avons pas su être des suiveurs, parce que selon certains, l'occupant n'a pas préparé la relève post coloniale, mais qu'en même temps, malgré notre vindicte, nos souvenirs amères d'une période difficile que les générations anciennes entretiennent et cultivent pour une raison et une autre et que les générations post coloniales n'ont pas connues et ne connaitront jamais, nous continuons à utiliser ses édifices majeurs en tant que sièges de nos pouvoirs nationaux et locaux, et qu'au fond de nous-mêmes nous reconnaissons l'exception de ses architectures et de ses villes. Toutefois, la question reste posée. Après un demi-siècle d'indépendance, cet argument tient-il toujours la route ? Notamment lorsque nous savons tous que l'université algérienne produit des milliers d'architectes et d'ingénieurs chaque année et que l'Etat prétend donner la chance à ce potentiel humain.
D'abord, je signale aux adeptes des raccourcis abusifs que je ne suis pas du tout un nostalgique du colonialisme. Que ce qui m'est de plus détestable est le rapport ignoble du dominant/dominé, dont certaines pratiques trouvent leur prolongement naturel dans les dictatures, les pouvoirs autoritaires et les administrations interventionnistes postcoloniaux. Ces administrations lesquelles, dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme, exigent des meilleurs d'adapter leurs projets à la production courante de peur de provoquer la rupture avec la médiocrité et d'attirer par là l'attention sur ses pratiques illicites (1).
Dans ces conditions, il est sûr que l'observation de terrain est vitale ; par le biais de nos chercheurs qui tenteront d'expliquer les défaillances des procédures légales, le refus et l'incompréhension des responsables de projets de qualité, ils contribueront à mettre à jour dans les journaux et dans les mémoires les obstacles de la gestion criminelle des affaires publiques. Ainsi nos scientifiques, nos universitaires qui préfèrent taire leurs productions dans des revues spécialisées, comprendront que la publication dans la presse est une initiative, voire une résolution fondamentale, que d'autres sous d'autres cieux ont assumé au point d'avoir marqué la naissance de grandes écoles comme l'école de Chicago de sociologie. En ce sens, l'exemple de PARK (Ezra Robert) est plus que remarquable. Pour PARK la publication dans la presse était l'expression d'un engagement nécessaire.
Pour revenir au cas des architectes, j'ai quelques remarques à faire.
La première concerne nos chercheurs architectes qui dévient en allant vers d'autres disciplines, comme la sociologie, l'anthropologie (2), et même les matériaux version réduite du génie civil – ce qui est en-soi une bonne chose lorsque cela est consommé à doses raisonnables –. Ces matériaux nous sont nécessaires dans la mesure où ils ne nous écartent pas de l'essentiel : l'architecture. Maintenant que celle-ci soit un phénomène culturel et/ou sociologique, cela ne devrait pas nous empêcher d'aller vers des réponses inconnues et de transformer le monde dans lequel nous vivons. L'architecte GOFF (Bruce) se démarquait par son romantisme sauvage, il délectait le «mélange de matériaux naturels et d'objets trouvés récupérés chez les ferrailleurs. […] Il n'est pas surprenant que GOFF soit devenu une sorte de héros de la contre-culture à la fin des années 1960, car ses réalisations impliquaient de condamner le «design total» et les valeurs du monde d'entreprise qui, aux Etats-Unis, lui étaient associées.» (3). Le mouvement moderne a tenté de rompre avec les adeptes des architectures identitaires et a permis à la création individuelle de faire un pas immense dans le domaine de la production des formes d'habiter nouvelles. Ainsi donc, même si nous ne soutenons pas totalement les citations de ci-dessous, nous recommandons quand même à nos chercheurs Architectes de méditer dessus :
«Alors dans notre société, l'architecte fait de l'architecture, ou sinon il est considéré comme ne faisant pas grand-chose, ou en sait quelque chose quand on voit les difficultés que peuvent avoir ceux qui prétendent faire du travail théorique et de la recherche.» (4).
«L'architecte ferait de l'anthropologie parce qu'il ne pourrait faire autre chose. Mais fait-il vraiment de l'anthropologie, et là par respect pour l'anthropologie je dirai sûrement non.» (5).
La seconde remarque va dans l'ordre des idées de la première. Je ne crois pas Monsieur Foura que l'architecte est forcément un intellectuel. Tout dépend de ce que vous mettez dedans bien sûr. Qu'un architecte doit être un universitaire diplômé soit pour vous un signe d'intellectualisme, quelle erreur fatale. Mr Foura, vous savez pourtant, que les grands architectes ne se démarquent pas par leur intellectualisme - être intellectuel ne signifie pas pour moi grand-chose -, mais par leur sensibilité à l'exception, leur capacité à décrypter l'intuition, ce moteur fondamental à la création, et le cas d'architectes qui n'ont jamais siégé dans les universités pour faire des études d'architecture est plus qu'illustratif. Pensez à PROUVE, WRIGHT, Le CORBU, et GOFF. Au contraire des idées reçues et qui semblent vous animer, je crois que l'école en général, comme l'école algérienne en particulier, excelle dans l'exclusion des talents, et qu'elle devrait d'une certaine manière s'américaniser et donner la chance à tout le monde dans une réelle ambiance de concurrence. Et que le meilleur gagne ! Beaucoup de nos jeunes talentueux, qui ne sont pas allés très loin dans leurs études errent dans nos rues. Ils savent pourtant recomposer des voitures des plus performantes, planter des jardins comme aucun paysagiste diplômé ne sait le faire, et j'en passe. Nos écoles, nos universités n'ont jamais eu l'idée de les récupérer. Pour ce faire, il nous faut d'urgence, dans ce pays, un ministère du talent et de la création à coté de nos actuels ministères ratés.
La troisième remarque concerne l'environnement politico juridique dans lequel s'exerce l'architecture dans notre pays. Dut fait que l'essentiel de nos lois dans les domaines de l'urbanisme et de l'architecture ont été reconduites de la période coloniale, et qu'elles n'ont pas empêché des architectes de renom de produire des projets de qualité comme Djenane el Hassan de SIMOUNET (Roland), sans oublier le nombre impressionnant de projets de POUILLON (Fernand), je ne vois pas pour quelle raison nos architectes n'arrivent pas à faire de même et de s'imposer devant nos responsables qui en dehors de leurs discours certes, je le reconnais, ne sont pas particulièrement intéressés par la qualité architecturale et urbaine. Il faut oser bien faire même dans «le noir», une manière de remettre en cause un état de fait qui n'a fait que trop durer parce qu'il est simplement condamnable.
Quant au rapport des ingénieurs aux architectes, là aussi Monsieur FOURA, je ne vous suis pas du tout. Si les ingénieurs commandent les architectes au sein de nos universités, c'est parce que la tutelle politico administrative a voulu qu'il en soit ainsi. A Oran, et très exactement à l'USTO, le département le plus important en termes de nombre d'étudiants et d'enseignants est le département d'architecture. Pourtant tous les responsables, du recteur aux doyens sont des ingénieurs. Cela nous donne une idée sur l'aveuglement de l'Etat algérien dans son attachement effréné, exalté à sa logique de l'opérationnel qui est à notre sens source responsable de la destruction de notre environnement. Vous comprendrez donc pour quelle raison je partage l'idée de HAMBURGER (Bernard) lorsqu'il déclare, «Aujourd'hui les architectes ont des rapports ambigus avec la construction : elle leur sert de justification fonctionnaliste. Mais les ingénieurs les en ayant dépossédés, ils cherchent à définir l'architecture en dehors d'elle. Pour certains, la construction sert à exprimer le projet social et économique du Mouvement Moderne : elle est le support privilégié du projet moral de l'architecture.» (6).
En dehors de l'enceinte universitaire, le désordre est général. Et c'est voulu pour des tas de raisons que nous ne sommes pas dans ce texte préparé à citer. Ce qui est certain, c'est qu'il y a eu une adhésion collective à la bêtise qui coûte chère. Le béton armé, le poteau-poutre avec le savoir faire qui l'accompagne ont été dépouillés significativement parlant, et les formes qui résultent de ce dépouillement ont fini par être : «partagés socialement et culturellement parlant, intériorisés» (7) par nos populations et nos responsables, au point que dans son expression médiocre, la production privée n'a rien à envier à la production publique. La beauté dans la production collective n'est pas un thème majeur même si tout le monde y pense. Personne n'a honte de la beauté (8), comme l'on ne peut pas poser la question de la beauté telle qu'elle figure dans les ouvrages de l'histoire de la construction et de l'architecture française. Le recours maladroit à quelques formes qui symbolisent l'identité arabo musulmane est une forme de codification populaire de la beauté dans la tête des responsables et des architectes. Dans ce cas l'attitude est socioculturelle, elle exprime une réaction protectionniste, plutôt idéologique contre le spectre de l'européanisation de la société algérienne.
Le grand problème est que l'espace architectural algérien est infecté d'idées reçues, dangereusement contaminés par l'idéologie de nos politiques. Il n'est pas encore un espace de liberté où les talents se font concurrence pour la meilleure production. Sans oublier l'université qui est maintenue dans un enfermement soutenu. Les prix nationaux sont des prix d'Alger dont la légitimité n'a jamais atteint le seuil minimum sauf dans la tête des décideurs et des despotes de l'administration. C'est tout cet environnement qu'il faut réformer mais dans la transparence totale.
Notes
1- Témoignage d'un architecte d'Oran dont nous préférons taire l'identité.
2- A propos de cette question, CURTIS (William J. R.) note qu'aux Etats-Unis, durant les décennies 1950-1960 : «La création de nombreux départements universitaires portant des noms comme «Ecoles d'études environnementales» montrait qu'il existait une certaine admiration pour les sciences sociales. Le risque était évident de voir le rôle, dans la genèse des formes, de l'intuition, l'imagination et de la tradition tomber fortement en désuétude.», L'architecture moderne depuis 1900, Phaidon, octobre 2004, p. 557.
3- CURTIS (William J. R.), L'architecture moderne depuis 1900, Phaidon, octobre 2004, p. 557.
4- Espaces des autres, Lectures anthropologiques d'architectures, penser l'espace, Les Editions de la Villette, 1987, p. 18.
5- Idem, p. 18.
6- HAMBURGER (Bernard), L'architecture de la maison, Pierre Mardaga éditeur, 1986, p. 14.
7- Propos de l'architecte SILARBI (Hamid).
8- Je fais allusion au propos de FOURA (Mohamed) cités dans son article cité ci-dessus.


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