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Sur les traces de Novembre 1954: D'Ichmoul à Arris..., la fresque des Aurès
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 29 - 10 - 2009

Le nationalisme en fait n'est pas un simple cours d'éducation civique. Ni la révolution un simple fait historique.
Les deux sont à la fois une forte sensation. L'une pérenne, l'autre a posteriori.
Un matin d'octobre. Batna se lève sur un climat ordinaire, tel qu'à l'accoutumée. Malgré son teint de ville gisant dans une incommodité urbaine, elle garde cependant les traces d'une cité jadis soignée et entretenue.
Pour les besoins d'une chronique, l'actualité circonstancielle l'en recommande; mais aussi pour un pèlerinage, devons-nous la quitter la laissant à son tumulte caractérisant toutes les métropoles du pays. Notre destination Arris. Un nom mythique tellement enrobé de hauts faits d'armes. Le chemin était fort sinueux. Le paysage féerique. Les Aurès forment en fait un monde déjà physique qui n'inspire que de l'histoire et la révolution. Pour arriver à Arris, il faudrait se doter, non d'un routard ou guide touristique, mais juste d'une capacité de pouvoir contenir cette charge émotionnelle que vous débitent les lieux pour vous envoyer en droite ligne vers un passé plein d'événements nationaux. L'altitude que prennent ces innombrables montagnes aux sommets vertigineux est patente pour signifier votre présence dans un massif des plus hauts du Maghreb. Les montagnes vous écrasent. Leur prédominance vous assomme.
Khallil, l'un des fils de Benboulaïd, savait expliquer plus d'une chose. Sans sa compagnie nous n'aurions pas vu ni su autant de ces choses. La pérégrination devait commencer par la daïra d'Ichmoul. Un haut lieu dont la valeur historique se confine dans le musée dédié à la région et installé à dachrat Ouled Moussa. L'effort de développement local dans cette contrée est peu reluisant dans ses termes de réhabilitation de routes et voies diverses. La désolation va vous étreindre, si ce n'est la vision de menus chantiers oeuvrant au colmatage et au comblement d'autres lacunes.
D'une conception architecturale mesurée à la dimension du thème, le musée est une réalisation à l'apparence frappante par le cachet hautement culturel qui s'y dégage. Le seul matériau local utilisé exclusivement donne l'impression que l'oeuvre vient de pousser comme une pierre pour en finalité épouser naturellement le décor qui l'environne. Le concepteur de ce bijou, l'on ne doute point, ne pourrait s'agir que de l'architecte Benboulaïd Khallil, notre expert accompagnateur. Si l'ouvrage est une autre nature de la proximité, si le lieu d'implantation est authentique, la galerie de l'espace d'exposition appelle cependant moult suggestions. Autrement dit, la beauté du contenant ne reflète pas la richesse documentaire censée s'y trouver. Que de copies. Pas de pièces originales, à l'exception de quelques infimes et menus objets, d'entre bandoulières, treillis, ou djellabas. La pièce originale d'un support documentaire, notamment scriptural, de surcroît de haute valeur historique, ne devrait, par essence bibliothécaire et sciences documentalistes, avoir son réceptacle que dans la sécurité et la pérennité d'un musée. Ce dernier est le meilleur espace dépositaire de l'autorité incontestable d'un objet, document, graphie ou autre. Notre interpellation reçoit vite l'acquiescement de l'accompagnateur. Bonne note est prise, nous a-t-il précisé. Par ailleurs, dans ce lieu, la sensation étouffante de la transposition à l'époque exposée vous monte à la gorge même par ces pâles copies. L'on y scrute en silence, dans le silence des photocopiées, des visages et des visages, de chouhada, de moudjahidine, d'endroits et de témoignages. Toutes les photos même dupliquées vous extirpent pour vous mettre au-dedans de leurs nuances. Vous y vivez l'événement si comme vous y étiez.
L'importance de ce lieu ainsi que le facteur déterminant ayant recommandé justement l'édification d'un tel espace et l'élévation d'une stèle commémorative se confinent dans la valeur historique de l'habitation jouxtant le musée. Appartenant à la famille du grand moudjahid Benchaiba, cédée à contenir l'histoire, cette demeure encore intacte et à l'état d'alors avait servi au fameux regroupement devant agir sur plusieurs opérations la veille du 1er novembre 54. C'est là, dans cette maison, faite de pierres, de troncs d'arbres en guise de poutres et de poteaux, de parterre en terre battue que Benboulaïd supervisait et traçait les objectifs stratégiques du déclenchement de l'insurrection nationale armée. 350 hommes y étaient stationnés.
Ces hommes, tous acquis au grand idéal devenu sacro-saint de vouloir libérer le pays du joug colonial, furent cantonnés dans cette bâtisse, un certain temps avant l'assaut final et rédempteur. Pour le visiteur que j'étais, ce fut un moment ardent qui, charge sentimentale aidant, m'aurait permis entièrement l'interversion temporelle à cette scène, où je devais voir des hommes et des hommes hardis, animés unanimement par la vigueur nationaliste, allant et venant entre les couloirs bas et étroits de la demeure, épiant par les lucarnes les abords boisés et touffus, illuminés par l'espoir de gagner ce qu'ils allaient entreprendre. La hotte installée au coin d'une immense pièce reste l'unique indicateur qu'il s'agissait là d'une cuisine où les femmes aussi combatives que les hommes, s'affairaient à assurer la nourriture nécessaire. Même l'odeur culinaire semblait y être ! Ma transposition serait embrouillée par le son explicatif de notre guide. J'aurais voulu dans mon intimité entendre les murs aphasiques, le mutisme des claustras, les mansardes silencieuses et les passages étroits et réduits me faire leur aveu. Me narrer cette partie de début d'épopée. Me raconter la légende des Aurès. J'aurais voulu me pérenniser davantage dans cette honorable et auguste tranche de vie.
A l'instant où nous nous apprêtions à quitter les lieux de ce musée, une caravane de jeunes étudiantes et lycéennes était là, dans le cadre d'une visite programmée. L'aubaine est inouïe. Cette jeunesse eut droit à une explication sur le père de la révolution par son fils. Ces jeunes bouillonnaient de questions. Ils voulaient tout savoir, d'un seul trait. L'on sentait dans leurs yeux l'émerveillement, mais aussi la fierté d'être la progéniture de Mostefa Benboulaïd. Ils ne cachaient point cette douce fierté nationale qui particularise les enfants de cette région, à l'instar d'ailleurs de tout le peuple algérien. Parmi le lot, une jeune fille se distinguait tant par sa frêle silhouette que par sa visible timidité. L'ayant abordée par le pourquoi d'une telle sortie vers ce musée ? Elle s'exclama sans frémir et avec enthousiasme «pour voir cheykhouna !». De qui s'agit-il ? devrions-nous lui préciser. «Echahid el batal Benboulaïd». Moi, pantois et enchanté, je restais figé sur le parvis. Elle, sourire aux lèvres, alla sereine et joviale se confondre à la foule attentionnelle entourant le narrateur Khallil.
Le trajet continue sur la route Ichmoul/Arris qui, étriquée par défaut d'entretien de part et d'autre, suscite la solitude plombant majestueusement les lieux. Cette sensation d'isolement vous laisse conséquemment libre à la contemplation de l'environnement, qui eu égard à sa nature, n'aurait inspiré aux occupants que danger, menace et désarroi, avant d'être pour eux un sarcophage, une mort et une déroute ; au moment où il n'inspirait aux moudjahidine que quiétude, assurance et fermeté, avant d'en être une arène de combats héroïques, de stèles de martyrs, de bravoure et de guerre épique. La pierre et les buissons dans cet espace forment un couple idoine. Ils font une icône exclusive dans ce monde des grands Aurès.
Arris aurait été une daïra comme les autres, si ce n'était la valeureuse histoire révolutionnaire l'ayant honorablement singularisée. Sinon il s'agirait d'une petite ville aux habitations éparses et éparpillées à travers les monts et les sommets qui dessinent abruptement la ville. Les gens commerçants par excellence vaquaient à leurs occupations. L'on constate dans leur mine la fierté que leur aurait attribuée l'appartenance à cette contrée. Tout indique qu'un héros dont l'effigie, le buste ou le nom s'affiche, s'érige ou se baptise, d'entre places, rues et carrefours est là, veillant comme un saint patron sur l'éternité de la ville et de son histoire, avec ses monts et ses flancs.
Justement c'est sur les hauteurs d'un de ces flancs que se trouve la demeure de Benboulaïd. Une vraie maison de maître. Il se dit que celle-ci serait dans un proche avenir édifiée en un musée national du leader de la révolution. Certains diraient que la ville aurait pu porter le nom de celui sans lequel elle n'aurait émargé dans les cahiers de l'histoire. Cela ressemblerait à l'approche didactique que tant de villes et de villages portent le nom de valeureux martyrs. D'autres diront que la dimension de l'homme dépasse par le symbole celle de la ville. En somme, avec ou sans distinction nominative, l'âme et l'esprit de l'homme d'Arris flânent en perpétuité dans l'air de la contrée, se répandant par ailleurs à toute la région pour finir par se diffuser à l'ensemble du territoire. Comme une légende. Un conte. Une réalité.
Notre virée prendra fin dans la compagnie fortement multi-éducative de personnes, encore marquées par les stigmates du temps, dans ce temps-là où chacun officiait à sa manière mais conformément aux commandements de la révolution à la réalisation des missions dévolues. Ils sont peu bavards. Ils mesurent lourdement les paroles. Conscients de la haute responsabilité narrative et testimoniale quant à la portée d'une quelconque déclaration sur l'histoire du mouvement insurrectionnel, ces moudjahidine de la première heure estiment parfois, nous semble-t-il, avoir compris que l'histoire est le produit éternel, définitif et inaltérable de tout un ensemble de faits et non d'une position personnelle ou d'un récit individuel. Nos interlocuteurs sont la modestie même. Celle-ci prend son apparence dans la sincérité des propos que confirme le regard serein et puise son authenticité dans la justesse du mot et du comportement que légitiment la mesure, la décence et la simplicité. Chez ces hommes-là, le souvenir, croit-on savoir, n'est pas un défilé d'images et de séquences rattachées à un passé lointain. Il n'est qu'un vécu, toujours omniprésent. Réel et référentiel. L'illumination que dégagent leurs yeux d'héros, encore vigilants, est une autre preuve que le nationalisme ou la révolution ne sont pas d'aussi simples cours d'éducation civique ou d'histoire. La réalité en est un fondement permanent. Le repère dans le cœur.
Notre visite allait prendre fin dans la bravoure de ces personnages. Elle s'est faite, croyons-nous, entre les pages glorieuses d'une région dont les lettres de noblesse furent sculptées sur les parois de ces djebels par ces artisans imprenables. Le sang, le fer, la mort et la torture seront par cette détermination de novembre éclipsés par l'espoir, la lueur et l'indépendance de la mère patrie. Ils formeront avec d'autres la trame de fond de la belle fresque des Aurès qui s'étendra à partir de novembre 54 sur toute la toile de l'oeuvre nationale algérienne.
Nous laisserons Arris dans sa vie continuelle de ville ordinaire, mais loin s'en faut que sa mystique puisse nous laisser sans émoi. Le retour est à l'inverse de l'aller. Plein de rêveries et de souvenances. Empruntant un autre chemin direct Arris/Batna, nous retrouvons vite la capitale des Aurès telle que nous l'avons quittée. Bruyante et brailleuse.


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