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La pièce de monnaie
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 17 - 12 - 2009

Nous étions attablés dans un café bondé de monde. Il était peut-être dix heures du matin. L'homme jeta un coup d'oeil rapide sur le dossier que je venais de lui remettre et affirma : « C'est parfait ! Elle commencera son travail demain matin à huit heures,si Dieu le veut. »
Une émotion violente m'a envahi et j'ai failli fondre en larmes. Cette peur que la demande d'emploi de ma fille soit rejetée, qui m'avait torturé pendant des jours, fut balayée par ces quelques paroles et remplacée par un bonheur intense, indicible. Mais j'ai réussi à dominer mon trouble et à le remercier en lui serrant la main : « Dieu vous récompensera, mon frère, pour ce bienfait. » Un sourire éclaira son visage.
- Ne me remerciez pas, me dit-il, votre fille mérite ce travail. Le jour où elle est venue dans nos bureaux chercher un emploi, j'ai vite détecté en elle des prédispositions certaines. Il m'arrive rarement de me tromper quand il s'agit de repérer chez une personne les ressources dont elle dispose. Sa timidité de jeune fille, rigoureusement bien éduquée, ne m'a pas empêché de mettre à jour ses capacités. Je l'ai longuement et attentivement interrogée sur sa vie et ses études. C'est ainsi que j'ai découvert que nous avons des racines communes enterrées dans un village nommé Sidi-Ben-Adda. Nous sommes obligés de leur faire subir un entretien détaillé. Ce sont des consignes qui nous sont imposées par l'Etat. Je n'ai pas été déçu. C'est pourquoi je lui ai demandé de constituer ce dossier avec la stricte instruction de ne pas me le remettre dans mon bureau. J'aime travailler dans la prudence et la discrétion. Une affaire exposée aux regards et aux yeux devient la cible du mauvais oeil...
Il se tut, interrompu par la sonnette de son téléphone portable. Il colla l'appareil contre son oreille et se mit à discuter avec la voix qui l'avait appelé, amicalement. Visiblement, c'était un homme honnête et plein de bonté. Elle avait raison, ma mère, qu'Allah élargisse sa tombe et la remplisse de lumière. Le monde est peuplé de deux races : les bons et les mauvais. Encore aujourd'hui, je me souviens de ses leçons de sagesse. Elle savait comment choisir ses paroles et les tresser, quand elle voulait m'instruire sur les créatures et les choses de ce monde. J'entends encore sa belle voix qui apaisait mon âme et m'aidait à supporter la vie et ses tracasseries :
- Apprends mon fils que les êtres humains forment deux grandes tribus. Les membres de l'une dégoulinent de miel pur et nous donnent cette envie folle de les lécher. Ils sont tellement sucrés qu'on ne comprend pas pourquoi les abeilles ne viennent pas butiner sur eux. Par contre, Dieu fasse que tu ne les croises jamais sur ton chemin, ceux de l'autre tribu ruissellent de bile. Dès que tes yeux se posent sur l'un deux, tu éprouves le besoin de te précipiter vers une boutique pour t'acheter une corde ou un raticide. Tu ne désires plus vivre. Ils possèdent ce pouvoir de métamorphoser une tombe en un lit confortable et moelleux qui t'appelle. Si tu veux un exemple, pense à nos voisins du dessous. Le mari est un ange. Fouille ta mémoire de fond en comble et dis-moi s'il t'est arrivé de le voir le visage sombre et la langue mauvaise. Toujours souriant, toujours plein de sollicitude, toujours rayonnant, c'est le seul souvenir que tu possèdes de lui. En revanche, sa femme est un corbeau. C'est un moulin qui broie du malheur à longueur de journée. Ses yeux me donnent la chair de poule. Il n'y a que ton père qui ne sent pas la bave toxique qu'elle transpire abondamment. Comme la vie est bizarre et désordonnée !... C'est Dieu qui en a décidé ainsi... Pour éprouver notre foi. Cet homme méritait mieux que cette chouette... Que Dieu me pardonne ! Satan s'est emparé de ma langue et me pousse à prononcer des mots que je n'ai pas l'habitude d'employer ! Je voulais tout juste illustrer mes paroles. As-tu bien compris ce que je viens de te dire, mon fils ? Ne crains rien ! Ta maman sera toujours là pour éclairer ton chemin...
La voix de mon bienfaiteur m'arracha au souvenir de ma mère. Il avait déjà rangé son portable.
- Il est difficile de se faire entendre dans ce vacarme et cette fumée épaisse qui jaillissent de toutes les bouches. Les Algériens sont tapageurs et bons vivants. Regardez-les ! Ils s'amusent et plaisantent comme des enfants ! Ils sont heureux ! Où trouverions-nous un pays aussi généreux ! Sinon, comment expliquer que les cafés ne désemplissent jamais ? Comment expliquer que les fonctionnaires peuvent quitter leurs bureaux à n'importe quel moment pour y venir fumer une cigarette en dégustant un café noir bien fort ? Jetez un coup d'oeil par la fenêtre : la place grouille de monde. Nous sommes un peuple éternellement en vacances. C'est un bienfait de Dieu ! Ce n'est pas comme en ce pays qui s'appelle l'Egypte. La misère fait des ravages là-bas. C'est un immense dépotoir grouillant de mendiants et de rats. Pendant ce temps, la caste au pouvoir et ses courtisans, corrompus jusqu'à l'os, se roulent et s'ébattent sans pudeur dans le luxe, prêts à tout pour conserver leurs privilèges. Des vauriens qui ne foutent rien sont payés grassement et gratifiés de cadeaux, et ceux qui s'esquintent au boulot périssent lentement par la malnutrition. La drogue et l'alcool métamorphosent leurs enfants en avortons effrayants. Le Président s'est transformé en Roi et se prépare à léguer le pays à ses fils. La masse des Egyptiens est chloroformée par ses discours et surveillée étroitement par ses sbires. Cependant, le peuple le plus endormi reste quand même imprévisible. Il ne faut pas qu'il se réveille. C'est pourquoi ce Président-Roi tenait à ce que son pays soit qualifié pour la Coupe du monde 2010. C'était le somnifère rêvé pour prolonger de six mois le sommeil profond de ses sujets. Malheureusement, notre équipe nationale est venue déranger ses plans. L'Algérie a gagné le match contre l'Egypte. L'heure était grave et dangereuse. Ce peuple pouilleux aurait pu descendre dans la rue et exiger des comptes. Comment éviter cela ? L'idée est vieille comme le monde. Il fallait détourner son attention, lui indiquer du doigt un ennemi sur lequel il pouvait dégueuler ses aigreurs et soulager ses nerfs. L'Algérien joua ce rôle. Mais vous savez tout cela. Je ne sais pas pourquoi je suis en train de vous casser la tête avec cette histoire. Revenons au sujet qui nous intéresse.
J'étais de plus en plus fasciné par cet homme que Dieu a mis sur mon chemin. Ses paroles m'apaisaient, versaient un baume sur mon coeur, me ravissaient. Mes soucis disparurent. J'étais heureux. C'est pourquoi lorsqu'il se remit à parler, je tendis l'oreille, pour le plaisir de l'écouter :
- Etant donné que vous habitez très loin de la ville, votre fille pourra rester au bureau à la pause de midi. Quand elle sera obligée de s'attarder un peu, quand le travail l'exigera, elle sera sous ma responsabilité. Je ne laisserai pas une cousine rentrer seule chez elle. J'appellerai un de mes amis chauffeur de taxi. C'est un homme âgé qui n'a jamais posé le pied en dehors du droit chemin. Nous faisons appel à lui chaque fois qu'une de nos secrétaires est retenue par le boulot. Ne vous inquiétez pas. Je m'occuperai d'elle. Maintenant, avant de nous séparer, j'avais encore quelque chose à vous dire au sujet de votre autre fille, celle qui accompagnait sa soeur, le jour où cette dernière est venue pour chercher un emploi. Mon ami qui était là pour une affaire nous concernant, a été vivement touché par la délicatesse et l'éducation des deux enfants. Sa mère vit seule. Il vient de répudier la diablesse qui négligeait impitoyablement cette vieille femme presque aveugle. Il cherche une jeune fille de bonne famille qui s'occuperait de la maison et de cette pauvre dame. Il est souvent absent, son travail l'accapare. Je le connais comme ma poche, il comblera de cadeaux celle qui accepterait ce petit job. Il adore sa mère. Il sera très généreux. Elle vivra à la maison. Comme sa propre fille. Elle sera très bien payée. Il m'a avoué qu'il serait ravi d'engager votre fille. Il n'arrête pas de m'appeler au téléphone. Mais ne vous pressez pas. Votre épouse voudra d'abord voir la vieille femme et la maison où elle habite. Elle aura raison. Prenez tout votre temps. N'oubliez pas ! Elle commence demain matin à huit heures. Maintenant, avant que midi ne sonne, il faut que j'aille voir si on n'a pas besoin de moi au bureau.
Je lui ai serré la main longuement et j'ai dit, ému :
- Je vous confie ma fille au nom de l'aieule qui nous est commune. En rentrant chez moi, mon regard fut attiré par une bande joyeuse d'adolescents, chantant et brandissant le drapeau national. Insouciants et heureux, ils s'étaient répandus sur la route, gênant la circulation et s'exposant au danger. Un conducteur se mit à klaxonner rageusement pour s'ouvrir un passage au milieu de cette masse de joie désordonnée. Il n'aurait pas dû. Des grossièretés fusèrent de la bouche des enfants qui encerclèrent sa voiture. Mais des automobilistes intervinrent et calmèrent les gamins. J'ai continué mon chemin, la main droite fourrée dans la poche de mon pantalon, palpant rêveusement une pièce de monnaie.


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