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Tébessa : le krach libyen fait carburer le trabendo avec la Tunisie
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 12 - 04 - 2011

Ils sont des centaines à faire la chaîne tous les jours pour abreuver de carburant leurs réservoirs toujours à moitié vides. La moitié d'entre eux veut remplir son réservoir pour ses besoins personnels ou professionnels (taxis, bus, camionneurs), l'autre moitié pour aller remplir les piscines – explosives à l'occasion – des contrebandiers qui alimentent le marché noir tunisien et qui, littéralement, nagent dans le bonheur depuis que la révolution a tourné au vinaigre en Libye. Reportage.
A Ain el Beida, le pompiste laisse échapper un petit rire sinistre lorsqu'il s'entend demander s'il est facile de trouver de l'essence sans plomb plus loin sur la route de l'est, du côté de Tébessa. «Sans plomb, avec plomb, super, gasoil, tu ne trouveras rien là-bas, tout, absolument tout va en Tunisie», répond-il en refermant le réservoir de carburant qu'il vient de remplir. «Vous serez très contents de vous être arrêtés ici.»
La scène tout au long de la route nationale menant à Tébessa, plus tard dans la soirée, est surréelle, absurde. Alors que la nuit tombe et que les routes sont presque entièrement vides, sur les bas-côtés des chaussées, des chaînes de voitures longues de plus de la moitié d'un kilomètre attendent immobiles et silencieuses, moteurs éteints. Les conducteurs traînent derrière les volants ou s'adossent à leurs voitures, fumant des cigarettes et bavardant nonchalamment en attendant que la file assoupie avance vers les pompes à essence. Plus loin, à l'intérieur de la ville, des scènes similaires se répètent à chaque station d'essence ouverte : depuis très tôt le matin jusqu'à la fermeture des stations à la tombée de la nuit, les conducteurs font la queue pendant des heures pour remplir leur réservoirs de cette essence algérienne bon marché, subventionnée, avant de prendre la direction de la proche frontière avec la Tunisie. Tébessa a encore de l'essence, mais elle part effectivement entièrement en Tunisie.
600 dinars de carburant maximum pour tous
A la station d'essence qui se trouve sur la grande route non loin de l'université, l'attente dure des heures. Le pompiste, un timide jeune homme âgé de 22 ans, demi-sourire flottant sur les lèvres, répond parcimonieusement aux questions et préfère ne pas voir son nom cité dans le journal. «Je n'ai pas le droit de remplir entièrement votre réservoir, le maximum que vous pouvez avoir est pour 600 dinars, c'est pour tout le monde pareil.» Une mesure que les autorités algériennes ont prise pour limiter (ou mettre fin à ?) la contrebande, il y a près de quatre mois de cela, au fur et à mesure que l'instabilité en Tunisie a commencé à faire monter les prix du carburant. Contrebandiers et citoyens, camionneurs et chauffeurs de taxi, quelle que soit la taille de leurs réservoirs, quelle que soit la soif de leurs moteurs, tous font la chaîne pendant des heures pour ne voir que la moitié ou moins de leur réservoir rempli. Deux jeunes gens, avec une R4 décrépite, moteur coupé et portes ouvertes, poussent la voiture vers la station (qui veut perdre de l'essence en faisant la chaîne pour en avoir ?) et arrivent enfin à la pompe, ils demandent pour 500 dinars d'essence. Ceux-là ne sont certainement pas des contrebandiers, sinon pourquoi ne demanderaient-ils pas le maximum autorisé. Derrière eux, un homme grassouillet, la quarantaine, se gratte l'arrière de la tête à l'extérieur de sa voiture : «Les autorités savent bien ce qui se passe ici et elles ne font rien», dit-il, «des jeunes hommes sont payés pour venir attendre dans des voitures dont ils vont remplir la moitié du réservoir pour le revendre aux grossistes qui le convoieront en Tunisie pour le double du prix».
Sur la voie rapide, à la sortie de la station d'essence, un gendarme de grande taille, régule la circulation. Interrogé sur ce qu'il pense de ces chaînes interminables de voitures qui bloquent la voie rapide derrière lui et sur les mesures limitant l'achat d'essence à 600 dinars, il hausse les épaules. «C'est une zone frontalière», est son explication laconique. «Si vous voulez faire le plein, allez à Meskiana» dans la wilaya d'à côté, plus lointaine de la frontière tunisienne.
«La contrebande,c'est notre vie»
Tébessa, dans un paysage montagneux à près de 30 kilomètres de la frontière tunisienne, a toujours été une terre de contrebandiers, depuis l'ère coloniale. Dans l'ère moderne, les produits algériens subventionnés – semoule, huile et même le pain – sont passés à travers la frontière pour être vendus aux grossistes tunisiens. Un biologiste pourrait comparer une frontière comme celle-là à une paroi cellulaire – de plus grandes quantités d'une substance d'un côté finissent inévitablement par forcer leur chemin à travers la barrière grâce au pouvoir de l'osmose. Il n'en demeure pas moins qu'il est difficile de ne pas se dire que l'Etat algérien subventionne sciemment, si ce n'est délibérément, les Tunisiens ou du moins les acteurs du marché noir tunisien.
Les Tébessiens ont toujours fait passer de l'essence de contrebande en Tunisie, mais la situation actuelle semble être due à deux facteurs. D'abord, la limite imposée de 600 dinars sur l'achat de carburant signifie que les contrebandiers ne peuvent plus simplement remplir un réservoir géant à l'arrière de leur camion et le conduire à travers la frontière, ils doivent d'abord collecter le carburant à partir des innombrables réservoirs des petites voitures qui ont chacun été remplis jusqu'à la limite. Plus important encore, la guerre en Libye a entièrement asséché l'autre source de carburant du marché noir tunisien ; les champs pétroliers de la Cyrénaïque sont à l'arrêt, le gouvernement lui-même à Tripoli n'a plus de carburant et du même coup la source du marché noir tunisien, dont les gens ici disent qu'elle a toujours été plus importante que la source algérienne, a totalement disparu. Les jeunes chômeurs de Tébessa sont en train d'essayer de pallier cette disparition subite.
A une autre station, plus proche du centre-ville de Tébessa, Abdennasser, 20 ans, et Noureddine, 19 ans, se montrent exubérants au moment où ils arrivent au niveau de la pompe. Sirotant du café noir et offrant des oranges, Abdennasser affirme qu'il a essayé de travailler comme chauffeur de taxi avant, «mais ils ne m'ont pas laissé, ils m'ont pris la voiture». «La contrebande c'est notre vie», dit-il. «Il n'y a rien d'autre à faire ici et nous n'avons pas honte de le faire. C'est notre part du pétrole algérien». Aujourd'hui, lui et son joyeux compagnon seraient donc en train de ponctionner «leur part du pétrole algérien», une part valant 600 dinars qu'ils vont conduire jusqu'à un lieu qu'ils appellent Falouja, à côté du poste frontalier de Bouchebka, et la revendre 1200 dinars.
A Tébessa, mieux vaut connaître un pompiste qu'un wali
Pour Abdennasser et Noureddine, la contrebande c'est évidemment mieux que le chômage. Mais pour les Tébessiens de manière générale la situation est clairement intenable. En dépit des apparences, la plupart des Tébessiens ne gagnent pas leur vie en passant du carburant de contrebande en Tunisie, et ils en ont marre de devoir d'abord attendre pendant des heures pour pouvoir remplir à moitié les réservoirs de leurs voitures pour pouvoir ensuite vaquer à leurs occupations. Pour certaines catégories de la population la situation est bien pire que pour les autres. Très peu le vivent aussi mal que les chauffeurs de taxi qui consomment le carburant bien plus vite que n'importe qui d'autre. D'ailleurs, quelques chauffeurs de taxi du centre-ville ont abandonné leur travail initial pour se consacrer à cette nouvelle activité : attendre tranquillement dans la voiture en bavardant avec les autres conducteurs au lieu de subir la circulation, les policiers et les clients.
A la fin de la journée, dans la proche petite localité de Youkous, Ouahab, la quarantaine, s'adosse à la clôture d'un jardin donnant sur l'avenue principale alors que deux de ses quatre enfants sont assis à l'avant de son taxi. «Je me lève avant l'aube» décrit-il sa journée de travail typique, «je fais la prière et je me dirige immédiatement à la station d'essence pour faire la chaîne et là je trouve déjà une vingtaine de véhicules dans la file alors qu'il est 6 heures du matin. Quand je ne peux pas être aussi matinal à la station d'essence, je suis obligé de passer quatre heures en pleine journée à attendre. Chaque moment de la journée où tu ne travailles et où tu escomptais régler tel ou tel problème, eh bien maintenant tu le passes à la station d'essence».
Pourquoi ne pas aller à Meskiana, dans la wilaya la plus proche, comme le suggère le gendarme ?
Les gens ont effectivement commencé à le faire lorsque la crise venait juste de débuter, explique Ouahab, mais très vite, la présence des Tébessiens a rallongé les files d'attente de Meskiana et les stations d'essence y ont arrêté de servir les voitures dont la plaque d'immatriculation porte le numéro 12, celui de la wilaya de Tébessa. «Ils nous ont dit : vous les Tébessiens vous ne faites que nous ramener les problèmes».
La contrebande de carburant ce n'est pas seulement l'affaire des petits revendeurs à mi-temps avec leurs réservoirs à moitié pleins, dit encore Ouahab dont la vie a tourné au calvaire, «on dit que les autorités ont trouvé des piscines remplies de carburant dans les jardins de maisons, en attendant d'être convoyés en Tunisie, on parle même de piscines qui explosent, de morts et blessés». Il est évident que la mesure limitant à 600 dinars l'achat du carburant n'est pas efficace et que les autorités doivent faire quelque chose d'autre: ou bien annuler cette limite pour alléger les attentes et souffrances des citoyens tout en laissant les contrebandiers faire ce qu'ils veulent ou bien fermer la frontière elle-même. En tout cas, ce qui est sûr c'est que tout le monde à Tébessa en a marre, renchérit Ouahab, «tout le monde, à l'exception des pompistes, dont certains ont leurs petites flottes de voitures dont ils remplissent les réservoirs entiers. Ces temps-ci, à Tébessa, mieux vaut connaître un pompiste qu'un wali».


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