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Démocrates et islamistes: l'impossible combat
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 11 - 2011

La démocratie n'est apparue qu'à la fin du XVIIIème siècle, elle reste encore confinée dans le temps et dans l'espace. Comme toute chose nouvelle et précieuse, elle nécessite une attention particulière dans les pays qui s'en glorifient.
Le monde arabe la boude toujours. Dans son livre : Que Veulent les Arabes ? l'écrivain iranien Fereydoun Hoveyda relate cette anecdote qui s'était passée entre les deux guerres mondiales. Les Anglais venaient de placer en Irak le roi Faycal, fils du cherif hachemite de La Mecque chassé du Hidjaz par Ibn Saoud. Cet ancêtre de l'actuel roi de Jordanie se voulait démocratique. Un jour, un chef de tribu est venu voir son Premier ministre. Ce dernier lui demanda s'il était démocrate. L'homme qui n'a rien compris et jugeant par le ton que la chose n'était pas agréable à son hôte, répliqua : «Par Allah, je ne suis pas ce que tu dis.» Voulant se moquer de lui, ce dernier lança : «Je suis le cheikh de la démocratie. »Alors le Bédouin susurra : «S'il est ainsi, je suis démocrate, car je ne demande qu'à te servir. Mais éclaire-moi là-dessus car je ne sais de quoi il s'agit.» Le politicien répondit : «La démocratie, c‘est l'égalité. Il n'y a plus de grands ni petits. Tout le monde est égal devant la loi et possède les mêmes droits et devoirs.» Epouvanté, l'homme se voyait déjà la risée de toute sa tribu s'il s'abaissait au rang de tout le monde, c'est fichu pour lui plus personne ne lui obéira : «Qu'Allah me soit témoin. Si c'est cela la démocratie, alors je n'en suis pas. » Même si la tribu élit parfois son chef, l'égalité de ses membres est une hérésie. Les 4 premiers Califes ont été élus mais on ne pouvait contester leur pouvoir que par les armes. Rapidement leurs successeurs se débarrassèrent de cette épée de Damoclès pour réserver le trône à leur famille. Leur pouvoir était quasi divin, personne ne pouvait s'opposer à eux sans avaler son extrait de naissance. Dans son Contrat Social, Rousseau affirme que le gouvernement dégénère quand il se resserre ou quand il faiblit. En basculant dans la transmission du pouvoir par l'hérédité, seule une guerre faisait l'alternance.
L'Islam devenait alliance et rupture. Chaque sultan était détrônait sous prétexte de n'avoir pas suivi à la lettre la parole de Dieu. «Toute notre l'histoire, ces derniers 14 siècles est jalonnée par la tentative d'instaurer le «vrai Islam» et partout ce ne fut que le pouvoir absolu.» écrivait Moncef Mazouki. Ce n'est qu'au XIXème siècle encore sous l'empire ottoman que les premiers contacts avec la démocratie occidentale inspirèrent le cheikh Al Afghani et Mohamed Abdou, séduits par les élites de la Sorbonne acquis à Voltaire. Malgré leur attachement à la charia, leurs idées scandalisèrent les oulémas. Les deux théologiens rêvaient d'extraire le monde arabe de sa décadence en prônant le principe d'un despotisme éclairé. Afghani publia au Caire un article paru en 1879 intitulé «Le gouvernement despotique» où il constata que la démocratie, un idéal à atteindre un jour, ne pouvait encore s'appliquait en Orient. Les causes : un passé de despotisme, persistances des superstitions, des siècles de rejet de la «vraie science», méfiance envers la «raison» etc.
Un despote «juste et paternaliste» ferait l'affaire. Deux siècles plus tard, le monde arabo musulman n'est pas toujours prêt même pas pour le minimum suggéré par ces deux sages. Pourtant les jeunes du «Printemps arabe» n'avaient à la bouche en versant leur sang que le mot: «Démocratie ! Démocratie !» Comment expliquer que c'est les islamistes hostiles à ce slogan qui récupèrent les fruits de leur sacrifice et non les démocrates ? Dans les années 50 des sociologues américains firent une enquête auprès des couches populaires et dans les classes moyennes qui confirmèrent que le citoyen arabe a un penchant pour l'autoritarisme. Dés l'origine, l' «Emir des Croyants» était là pour assurer la sécurité maintenir l'ordre. L'histoire en Orient n'a été qu'une succession de sultans autoritaires répressifs et d'incessantes luttes sanglantes qui semblent avoir traumatisé les peuples à tout jamais. Résultat : la pire dictature est préférable à la meilleure des anarchies. Les décennies noires qui ont suivi la révolte d'octobre 1988 sont là pour en témoigner et expliquer la prudence des Algériens, réputés pas facile à asservir, face au Printemps arabe.
En 1958 Nasser confiait : «Tous les obstacles qui se dressaient entre le peuple et nous, nous les avons renversés l'un après l'autre…Il nous a répondu par un tonnerre d'acclamations…»A la même période Bourguiba disait : «Ces gens ont besoin d'un guide. La démocratie ? Elle les effraierait…» Tant que le «père» est là, les «enfants» peuvent dormir. El Afghani et Mohamed Abdou avaient raison en parlant de «tyran juste». Et les islamistes sont dans le même objectif en changeant de costume et de termes, ils parlent de «guide suprême». Ils n'ont aucune fascination pour l'Occident sauf pour se réfugier chez lui quand ça va mal et pour lui emprunter sa démocratie le temps d'un vote.
Ils se méfient donc de nos deux théologiens et leur préfèrent ceux qui sont pour un rite plus strict : Ibn Hanbal, Ibn Taymiah, El Bana… Leur drapeau n'est plus le panarabisme qui a échoué mais le panislamisme qui ratisse large. S'il est facile de renverser un chef militaire c'est bien plus compliqué avec un religieux. Malgré les avertissements de ses conseillers, le shah d'Iran n'a pas osé éliminer Khomeiny ; chez nous, les leaders du FIS sont entourés d'une étrange aura qui jure avec les carnages du terrorisme. «Il est déjà tellement difficile de s'opposer à un tyran divinisé que s'opposer à un Dieu incarné en une tyrannie.»( Moncef Mazouki). La suprématie des sciences religieuses l'emporte sur toute autre science d'où la suprématie des religieux sur les démocrates. Un seul a parlé de la séparation de la religion avec l'Etat c'est Mustapha Atatürk en Turquie et on voit maintenant que même dans son pays, ses idées sont démodées. Au point de dire à Fereydoun qu'au contact de la civilisation scientifico-technique, les «modernisateurs» des pays arabes ont été davantage fascinés par ses produits que par son esprit. En important la technologie, les gadgets sophistiqués, le savoir faire et en envoyant ses élites se former dans les universités étrangères, l'Orient croyait qu'il pouvait retrouver son Age d'or et dépasser l'Occident. Sa dépendance est plus grande que jamais et sa seule richesse n'est plus que l'or noir.
« La religion est tout ce qui leur reste, quand on ne peut pas bouger horizontalement, on se déplace verticalement.» affirmait, Joyce Carol Oate dans Varsovie ô ma Varsovie ! Si on ne connait aucune autre voie, on s'accroche, et comme disait Shakespeare, rien n'est parfait qu'à sa place. Naguib Mahfoud, le seul prix Nobel arabe est mort dans l'indifférence totale, et dans la terreur à l'idée qu'El Azhar lance une fatwa post- posthume contre lui. Karadhaoui, Omar Khaled sont des stars adulés. Leur séduction est infinie et leur magie déroutante. Ils ne mouillent jamais leur djellaba et le fauteuil n'attend qu'eux. Malgré leurs cris de vierge effarouchée, les puissants du monde ont toujours privilégié les intégristes. Une peur venue de la nuit des temps ou l'attrait des «charges» contraires. Pour ne citer que les Anglais et le wahhabisme, les Américains et l'émergence de Ben Laden. Avec cette crise économique, les dirigeants occidentaux ont besoin d'argent et les régimes islamiques sont réputés très cools : laissez-nous nos tapis et nos palais et on vous laisse le sable et ses puits. La démocratie a toujours été un casse-tête qui coûte cher au propre et au figuré. On dit que les Berbères étaient condamnés à être colonisés car ils avaient cette ambition sans avoir les moyens financiers.
Ibn Khaldoun assurait que toute monarchie est fondée sur deux forces : l'armée et l'argent. On ne peut gouverner sans tuer l'autre. Les héros de Shakespeare ont tué au plus une dizaine de personnes, ils sont abominables et leur conscience torturée a causé leur mort. Leur tort : l'absence d'une idéologie. C'est ce qui a permis aux tyrans de massacrer des millions d'êtres humains sans regret en toute immunité et avec les honneurs. L'idéologie des religieux est de loin la plus fiable puisque sacrée. Ils s'autoproclament porte-parole de Dieu, leur cerveau n'est sollicité que pour faire du collé-copie sur une parole divine d'où l'impossibilité de les concurrencer. Le peuple martyrisé s'arrache des bras d'une dictature pour tomber dans une autre qui lui promet au moins le Paradis.
Déconnectés de la populace, les démocrates rêvent pourtant de faire son bonheur. Des intellectuels amoureux de la Déclaration universelle des droits de l'Homme à la liberté au bonheur à la justice. En un mot des utopistes qui utilisent une langue qu'ils sont seuls à comprendre. Méprisés par le citoyen lambda, accusés par le pouvoir de mécréants, ils sont bons pour le lynchage s'ils osaient monter sur le ring. Aucune psychologie, aucun savoir-faire, dépourvus de tout moyen financier et s'autorisant le luxe de la division. Qu'est-ce qui torture leur conscience, étouffe leur voix, voile leur regard ? On sait qu'ils n'ont pas de sang sur les mains mais on a l'impression à les écouter qu'ils revendiquent tous les crimes du monde. Ils nous font penser à ce qu'a dit Revel : «La civilisation démocratique est la première dans l'histoire qui se donne tort, face à la puissance qui travaille à la détruire.» On dit que l'échec de l'intelligentsia arabe est dû au temps : ils n'ont pas le temps de se protéger de penser. D'un combat à l'autre ; pourchassés et contraints à l'exil. Tandis que les islamistes s'octroient le privilège d'accaparer, en toute quiétude, la religion dans un pays où l'Islam est religion de l'Etat. Ils ont tout le temps pour peaufiner leur stratégie. Leurs représentants ont une aisance inégalable face aux cameras. Leur cerveau est vide mais leur cœur est infini. Leurs mots sont simples, leur message subliminal. On ne peut ni douter ni contredire et on trouve normal qu'ils remportent la victoire dans un combat où ils n'ont participé que comme spectateurs. Et surtout, ils ont le nerf de la guerre : l'argent. Ils vont vers les pauvres avec la bonne parole et la bonne méthode. On donne à manger au mendiant, on soigne le malade, on console le déprimé, on tourmente l'ennemi. On promet le ciel puisqu'il est à nous. Les habitants de l'île de Pacques ont démoli les statues de leurs dieux quand ils ont commencé à souffrir de la faim. Quels auraient été les résultats des élections de 1992 en Algérie et celles de Tunisie 2011 si ceux qui avaient donné les millions aux islamistes les avaient offerts aux démocrates ? Dans son livre l'Islamisme contre l'Islam, al-Ashmawy écrit : «Dieu voulait que l'Islam fut une religion, mais les hommes ont voulu en faire une politique». Une politique que personne ne peut contester sans personnifier le Mal en personne. Pour qu'un jour les islamistes puissent être battu, il faut utiliser la méthode qui a fait ses preuves : entrer dans le siècle des Lumières. Une bonne partie des électeurs doit accéder à l'histoire vraie aux sciences à la culture pour pouvoir faire le tri, tant que c'est l'inverse, ces derniers continueront à donner leurs voix aux religieux pour «sauver» au moins leur âme.
Les islamistes gagnent par la peur qu'ils suscitent et les démocrates perdent par leur manque de courage, de conviction. La dépression et le désenchantement qui sévissent en Occident sont loin de plaider en leur faveur. On a même l'impression qu'ils partent vaincus et ils le savent. Hichem Djait décrit bien ce pessimisme, ce verre à moitie vide: «Je suis humilié d'appartenir à un Etat sans horizon ni ambition, autoritaire quand il n'est pas despotique, où ne se trouvent ni science, ni raison, ni beauté de la vie, ni culture véritable. Cet Etat me réprime et dans cette société provinciale et ruralisée, j'étouffe, comme je souffre d'être dirigé par des chefs incultes et ignorants. En tant qu'intellectuel, je vis une névrose et il est humain et légitime que je projette ce malaise sur ma société...»


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