En introduisant les incitatifs fiscaux dans la loi sur les hydrocarbures, adoptée la semaine dernière, par Conseil des ministres, l'Algérie ne cherche pas seulement à attirer les investisseurs étrangers dans le secteur de l'Energie, elle vise surtout à garantir la sécurité énergétique à long terme, dans un environnement marqué par une hausse inédite des besoins. C'est, en substance, ce que le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, a affirmé, hier, sur les ondes de la radio Chaîne 3, en indiquant que les Algériens consomment chaque année 40 millions de tonnes d'équivalent pétrole - consommation qui risque de doubler dans les dix ou quinze ans - que la consommation d'électricité connaît un rythme annuel de hausse de 14 à 18%, et que celle des carburants enregistre une hausse de 15 à 20% : «Il faut donc mobiliser toutes les énergies disponibles dans le pays (hydrocarbures, énergies renouvelables, charbon, nucléaire, les économies d'énergie...)» pour espérer assurer une sécurité énergétique pour les décennies à venir. Et, autre objectif ciblé par les amendements apportés à la loi 05-07 de 2005, parvenir à maintenir un niveau d'exportation des hydrocarbures compatibles avec les besoins de financement de l'économie nationale, à moyen et long termes. De ce fait, les nouveaux amendements prévoient l'intensification des explorations dans les régions peu prospectées du sud-ouest, du nord et en off-shore, et l'augmentation des réserves des hydrocarbures par exploitation des petits gisements, à la limite de la rentabilité ou exigeant des technologies particulières (telle que la récupération tertiaire ou les opérations de stimulation). Comme ils prévoient une meilleure sécurité d'approvisionnement par la réintroduction de la mesure portant possibilité pour l'Etat d'exiger le paiement de la redevance en nature, si le besoin se faisait sentir : «Si l'Etat a besoin de plus de pétrole ou de gaz pour approvisionner le pays, il peut exiger que Sonatrach s'acquitte de la taxe en nature», a expliqué le ministre, en soulignant également que SH sera désormais propriétaire à 100% des 18.000 km de canalisations de transport des hydrocarbures, que les partenaires intéressés pourraient utiliser aux «tarifs raisonnables» que l'Agence de la régulation des hydrocarbures établira en toute souveraineté (soit, en dehors de SH). INCITATIFS FISCAUX Le deuxième aspect de la sécurité énergétique, évoqué par le ministre, réside dans les investissements dans les raffineries pour assurer l'approvisionnement en carburant, à long terme. Youcef Yousfi a indiqué, à ce propos, qu'outre la réhabilitation des raffineries qui existent, il est question d'augmenter les capacités de raffinage et d'améliorer la qualité des carburants. Cela par la construction en cours de cinq nouvelles raffineries dotées de pôles de pétrochimie : quatre de 5 millions de tonnes chacune (trois sont situées sur les Hauts Plateaux et une au Sud) et une de 10 millions de tonnes, sur la côte. Par ailleurs, il est également question de bacs de stockage qui permettront d'avoir une autonomie de consommation d'un ou deux mois, au lieu des quelques jours, en vigueur aujourd'hui. A propos des incitatifs fiscaux en direction des partenaires étrangers, le ministre de l'Energie et des Mines a expliqué que les amendements qui gardent la même architecture fiscale (les taxes à payer pour l'exploration sur terre, sur l'eau, l'impôt complémentaire sur les revenus et la redevance ne changent pas) prévoient, selon les zones d'exploration, de moduler le critère de changement entre les paliers (30 à 70%) de la taxe sur les revenus pétroliers (TRP): «Dans la loi 05-07 de 2005, le critère basé sur le chiffre d'affaires alors qu'aujourd'hui, il dépend du taux de rentabilité, usage dans l'industrie pétrolière, qui est de 10 et 20%», a-t-il souligné en ajoutant que ces nouveaux amendements n'avaient pas d'effet rétroactif et ne concernent pas les gisements en exploitation. Quant à la taxe sur les superprofits, il a indiqué qu'elle concernait exclusivement les contrats qui ont été établis, dans le cadre de la loi 1986, et que les amendements introduits permettaient l'écrémage des superprofits selon un certain niveau de taux de rentabilité : « Lorsque ce taux de rentabilité dépasse ce niveau, l'Etat prend une bonne partie pouvant atteindre les 80 % des superprofits.» AUGMENTATION DE LA PRODUCTION DE BUTANE Sur les dispositions prises pour éviter la réédition des problèmes d'alimentation en électricité, survenus cet été dans certaines régions du pays, le ministre a reconnu que Sonelgaz connaissait un certain retard dans le transport et la distribution, en raison de problèmes d'opposition d'habitants, à l'installation de pylônes dans une quinzaine de zones, à travers le territoire national et l'indisponibilité d'assiettes foncières dans les grandes villes pour la mise en place de 7.000 postes de transformation : «Mais le parc des centrales électriques est suffisant pour répondre aux besoins et nous travaillons à lever les contraintes qui freinent la distribution et le transport», a-t-il assuré un tantinet agacé. Quant aux graves défaillances constatées l'hiver dernier dans l'approvisionnement en gaz butane et l'alimentation en électricité, un certain nombre de zones enclavées, notamment dans la région de Kabylie, Youcef Yousfi a certifié que des mesures ont été prises, cette année par Naftal, pour que pareille situation ne se reproduise plus: augmentation de nombre de bouteilles de butane, constitution de stocks partout, préparation d'équipes supplémentaires pour augmenter la production, actions dans les communes pour constituer des stocks dans les villages isolés, installation de mini-centres enfûteurs pour alimenter ces villages enclavés, installation d'équipements de propane pour les aviculteurs et possibilité d'équiper les véhicules de distribution de chasse-neiges : «Nous faisons tout pour éviter la réédition de ces situations-là», a conclu le ministre.