Huit millions d'élèves sont programmés, aujourd'hui, pour un retour vers l'abattoir, euh vers l'école. Si les chrétiens ont leur croix, huit millions d'Algériens, dont l'âge varie de 4 à 18 ans, ont de gros et volumineux cartables sur le dos. Aujourd'hui, l'année scolaire débutera officiellement, et avec elle son lot de menaces de grèves, d'arrêts de cours intempestifs, de cycles de pourparlers entre syndicats et tutelle, à n'en plus finir. Les vacances terminées, à l'étranger pour certains, à la plage gratuite pour d'autres et à se faire rôtir sous le soleil d'été pour le reste, l'école ouvre grandes ses portes. Au programme, une réforme, une de plus, pondue par des experts, selon la terminologie officielle, qui vont succéder à d'autres experts et parfois à eux-mêmes pour nous apprendre que l'Ecole algérienne, avant cette année, faisait fausse route. Qu'il est temps de laisser les génies penser l'école et nous dire ce qu'il faut faire. Malgré toutes les annonces de bonne volonté, comme l'enterrement de la hache de guerre entre Benghebrit et les tribus des syndicalistes ou encore la création d'autres commissions qui auront à rectifier le boulot de commissions convoquées avant elles, on voit mal le visage bouffi de l'école, changer. On promet la suppression de l'examen de la cinquième, ex sixième, on veut réduire les charges horaires du Bac et le diviser en deux sessions, en copiant toujours la France, on parle d'un bouquin unique pour les matières scientifiques et un autre pour les matières littéraires, mais qu'il faut un peu de temps pour que les enseignants s'adaptent et que les coquilles soient corrigées. Parmi ces nouveautés, certaines n'attendent que le quitus du gouvernement. Benghebrit promet, aussi, la généralisation du pré-scolaire, sur tout le territoire national, sans pour autant préciser quel sera le sort de ces élèves de l'Algérie profonde qui doivent se taper plusieurs kilomètres sur les routes boueuses de leurs douars ni comment vont-ils faire pour se réchauffer dans des classes frigo et manger un sandwich, pas plus épais qu'une feuille pour tabac à chiquer. L'école c'est tout ça et beaucoup de choses qui font que l'élève ne veut plus se lever le matin pour aller voir ce qui s'y passe. C'est aussi, cette violence urbaine qui gravite autour de ses murs, ces agressions quotidiennes de voyous décérébrés qui s'en prennent aux cartables. C'est, également, cette impuissance devant le diktat d'un directeur ou le niveau affligeant d'un enseignant qui attend la moitié de l'année pour ouvrir son usine de cerveaux. Aujourd'hui, des millions de potaches vont rejoindre leurs bahuts et le seul truc qu'on peut leur souhaiter c'est de tomber sur un bon prof qui leur apprendra des choses sur la vie.