Livres Conduite du changement dans l'Université algérienne. Objectif : Excellence. Etude de Zoubir Benleulmi et Rachida Hadiby-Ghoul. Collection White Sea Business School, Alger ( ???) , 2015, 139 pages, 700 dinars Ce n'est pas à proprement parler une étude, si l'on s'en tient aux critères habituels de l'écriture. C'est, en fait, une analyse approfondie, mais présentée de manière originale. Originale ? Pas tout à fait, car elle emprunte la voie la plus difficile ; celle qui fait appel à une approche tentant de capter et de retenir l'attention des lecteurs et, surtout, de les intéresser afin qu'ils s'en imprègnent. Pas facile, il faut le reconnaître, surtout face à un lectorat (des universitaires enfermés dans leurs bulles, des journalistes toujours à la recherche de synthèses faciles à reprendre, des étudiants perdus entre leurs études et les problèmes quotidiens ) quelque peu disparate au niveau de ses intérêts et de sa compréhension des choses de l'Université et de l'Education nationale. Il y a donc une écriture à plusieurs voix, des dialogues sur des problèmes précis rencontrés ou à soulever, des anecdotes (un peu trop, peut-être), une convivialité dans le ton Comme l'indique si bien le préfacier, un cadre supérieur à la retraite, anciennement chargé de l'Innovation au ministère de l'Industrie et des Mines (c'est tout dire !), les auteurs «ont résolument opté pour une démarche «ici et maintenant», une démarche alliant compréhension, action et évaluation dans un même mouvement» Comprendre, c'est l'étude de l'existant. Agir, c'est comment insuffler la vie à l'université (dont la formation des jeunes enseignants et la gouvernance avec un point qui me paraît crucial, en tant qu'enseignant associé depuis si longtemps, la pédagogie, avec ses bases et ses outils expliqués «sur le terrain»). Enfin évaluer tous les bénéfices retirés par les participants, les formateurs, l'université Les Auteurs : L'un est fondateur et directeur de White Sea Business Scholl au cyberparc d'Alger, titulaire d'un doctorat en contrôle des systèmes, d'un Dea en électronique, d'un master en management... et d'une riche expérience internationale. L'autre est docteure d'Etat en automatique et productique de l'Université de Annaba, présidente du Comité scientifique du département d'Automatique à l'Usto-Mb Avis : Destiné à ceux qui n'aiment pas (ou doutent) l'Université et le Lmd actuels, ainsi qu'à ceux qui voudraient qu'ils s'améliorent. En tout cas, un travail qui peut fortement contribuer à l'évaluation et à l'amélioration du système universitaire actuel. Une initiative éditoriale à saluer car, on le ressent, venant de personnes voulant contribuer effectivement et sincèrement à la réussite de l'Université. Citations: «Le processus d'enseignement supérieur en Algérie est-il altéré ? Certainement. Pour preuve, le niveau scientifique déplorable de beaucoup d'étudiants et le mécontentement général de la communauté universitaire et scientifique» (p 13). Dimensions du champ éducatif algérien. Analyses et évaluations. Recueil d'articles de Mustapha Haddab, Arak Editions., Alger 2014, 262 pages, 650 dinars En quatorze (14) textes, l'auteur nous permet d'avoir une vue quasi complète sur l'évolution historique du système éducatif algérien. «Contribuer à la constitution d'une histoire sociale du champ éducatif en Algérie depuis l'indépendance», telle est son ambition. Les articles (études est le terme plus approprié car relevant bien plus de l'analyse que du simple compte-rendu ou de la description) réunis font écho à bon nombre des changements connus depuis 1962 et essayent d'en préciser la nature, les causes, l'ampleur et leurs significations sociologiques et anthropologiques. Malgré l'insuffisance des données et des analyses disponibles et sur lesquelles peuvent prendre appui les chercheurs. Les dysfonctionnements et leurs raisons sont mis au jour : tendances à la fermeture, à la routine, à l'étroitesse relative de la culture générale et pédagogique L'auteur aborde, aussi, les stratégies sociales des individus et des groupes. Dans ce cadre, l'étude (datant de 1993, ce qui n'est pas si loin du point de vue générationnel) sur «l'évolution du statut des cadres en Algérie et ses effets sur les institutions de formation» est intéressante à plus d'un titre. Elle dégage les multiples facteurs qui ont contribué à contrarier la constitution d'un système stable de formation et de reproduction d'élites dans les différents secteurs d'activité du pays ce qui a facilité la production et la reproduction d'une domination par les différentes fractions de la classe dominante dont il faut rechercher la source dès 1962. Quelques autres études : «La déperdition scolaire : thème idéologique ou objet d'évaluation qualitative» / «Arabisation de l'enseignement des sciences et mutations dans le champ sociolinguistique en Algérie » / «Maltraitances scolaires : projections et réalités» / « Evolution morphologique et institutionnelle de l'enseignement supérieur en Algérie. Effets sur la qualité des formations et sur les stratégies des étudiants»... L'Auteur : Professeur à l'Université d'Alger, conseiller à l'Inesg, formation en philosophie, chercheur en psychologie sociale, nombreuses recherches sur divers objets de socio-anthropologie. Il a longuement travaillé sur le système éducatif algérien, sur le statut des élites et des cadres sur l'évolution des langues en Algérie depuis l'Indépendance. Plusieurs publications consacrées à des figures de la culture algérienne (Ibn Khaldoun, Jean Amrouche, Frantz Fanon, Al Mahdi Bouabdelli). Avis :Des études qui datent certes, mais très utiles au chercheur car elles fournissent les éléments très bien réfléchis et essentiels pour comprendre le présent. Citations: «La langue arabe est demeurée dans une position seconde par rapport au français, tant qu'elle n'est pas devenue l'instrument indispensable à la réussite scolaire et à la réussite sociale» ( p 67), « La valeur sociale réelle des titres que confère une institution de formation, même lorsque celle-ci est en principe destinée à la formation d'une élite, ne dépend pas seulement des mesures formelles prises pour sélectionner ses étudiants, et pour y instaurer une didactique exigeante, mais surtout du degré auquel cette institution est objectivement intégrée dans les stratégies conscientes ou inconscientes des différentes fractions de la classe dominante, par lesquelles elles tendent à se reproduire et surtout à reproduire leur domination» (p 168). Sortir des extrêmes. Ni intégrisme, ni perte d'identité. Essai de Mustapha Chérif, Casbah Editions, Alger 2015, 166 pages, 650 dinars Cette fois-ci, c'est pour lutter contre les extrêmes de tous bords que l'auteur, déjà bien connu sur la scène intellectuelle, tout particulièrement dans le domaine des essais philosophiques s'intéressant à la foi, s'engage. Pour dénoncer les deux extrémismes contemporains qu'il trouve nuisibles pour la compréhension de l'Islam (et de toutes les autres religions). Et, pour dégager une voie médiane, celle de la wassatiya, ouverte sur l'algérianité (pour ce qui nous concerne) et aussi à la mondialité. Pas facile ! Car, les extrêmes qui «occupent les espaces médiatiques, politiques et religieux» sont là, perturbant la cohésion sociale et le «vivre ensemble». Les extrêmes ? L'un veut imiter un Orient fantasmé (avec des pratiques archaïques versant dans l'interdit, l'apologie de soi, l'intolérance, voire la violence, l'instrumentalisation du sacré par des groupes, favorisant l'ingérence, l'autoritarisme et l'obscurantisme ). L'autre, avec des courants de pensées, «modernistes», appelant à imiter (ou imitant) aveuglément l'Occident versant parfois, sinon souvent dans l'athéisme dogmatique, réduisant la croyance religieuse et les rites à des formes d'aliénation et versant (ou faisant verser, sans se rendre compte) dans l'islamophobie. Les tenants du premier veulent revenir aux sources et s'opposent aux innovations «un combat d'arrière-garde voué à l'échec» ceux du second veulent réformer et moderniser l'Islam au lieu d'éduquer le musulman. Mais, les premiers sont piégés «par la nostalgie d'un passé déformé» et les seconds le sont «par les pesanteurs du temps présent». Deux approches en fait «idéologiques» que l'auteur estime non alternatives mais bien plutôt «impasses». D'où sa «défense et illustration» de la «voie ouverte du juste milieu», pour la promotion d'un humanisme musulman, de la fraternité abrahamique et de la refondation du fait religieux à partir de l'expérience prophétique pour notre temps. La solution pour s'en sortir ? Trois volets qu'il développera : celui de la réforme politique «afin de traduire la volonté populaire, selon des règles constitutionnelles conformes» ; celui éducatif fondé sur l'éveil à la responsabilisation, la cohérence des savoirs et la formation religieuse ouverte»; celui, enfin, économique, «afin d'allier productivité et justice sociale, culture du mérite et éthique». Vaste et ambitieux programme ! L'Auteur : Docteur d'Etat en philosophie et en sociologie, professeur des Universités, ancien Recteur de l'Université de la Formation continue, ancien ministre de l'Enseignement supérieur et ancien ambassadeur d'Algérie (en Egypte), figure du dialogue des civilisations (il avait été reçu par le Pape), Prix Unesco pour le dialogue des cultures et Prix italien de la culture de la paix, auteur de plusieurs ouvrages Avis : Pas facile de vivre (et de comprendre) la voie du «juste milieu». Il faut espérer et, surtout, persiste... dans la construction de la nouvelle «Maison de la sagesse», de la «médianité» Une ambition de croyant tolérant et ouvert sur l'universel ? Un rêve d'intellectuel musulman «moderne» ? Un peu trop sévère ou même injuste pour les auteurs «musulmans» «modernistes» (les guillemets sont de lui) qu'il classe dans deux camps : ceux qui pratiquent, dit-il, la critique constructive et ceux qui pratiquent le dénigrement. Citations: «L'islam est incompris, déformé et trahi d'abord de l'intérieur. Les sociétés musulmanes sont fragilisées, soumises aux manipulations et dictats extérieurs» (p 36), «Se libérer, c'est assumer ses responsabilités, ce n'est pas seulement croire ou mécroire» (p 39), «Aucune sagesse, ni spiritualité et raison ne dominent la doctrine idéologique des intégristes» (p 43), «Expliquer le terrorisme, l'extrémisme et le rigorisme par la religion est un contre-sens. Les terroristes doivent être considérés comme tels, et non point comme des «croyants» comme ils le prétendent dans leur délire» (p 61). PS : J'ai noté la réapparition (car la «chose» avait existé puis disparu), en bas de la page consacrée à la religion («Islamiyate») d'un quotidien arabophone respecté et à gros tirage, cette note (remarque ? injonction ?) destinée aux lecteurs : «S'il vous plaît, ne jetez pas le journal car il renferme des versets coraniques et des hadiths du Prophète». On aurait compris si ce n'était que la page en question. Mais tout le journal qui devient donc sacré ! Mais, quoi en faire ? Le vendre au poids mais, on a remarqué que les acheteurs habituels refusaient de le prendre. Le détruire avec le risque de mettre le feu à la maison? Impensable car de mauvais exemple pour les gosses, et où ? Le déchirer et le mettre subrepticement à la poubelle ? Sacrilège. Le relier ? Où classer les volumes encore qu'il faille obtenir l'autorisation de Mme. Voilà donc qu'après les fatawis débiles entendues sur les chaînes satellitaires de télévision (la dernière concerne les bonhommes de neige en Arabie saoudite), sur des réseaux sociaux et dans certaines mosquées, une autre problématique (insoluble, tant qu'une industrie nationale «islamique» de récupération efficace n'existe pas encore) à résoudre est donc imposée aux croyants. On attend avec impatience une autre fetwa qui fournirait une solution acceptable pour l'économie, pour l'environnement et surtout pour la foi.