L'enjeu géopolitique énergétique s'impose comme un atout majeur entre les mains de la Russie dans sa guerre d'usure contre les Occidentaux. Ces derniers ont mis en branle, depuis le 24 février, des sanctions économiques très dures contre Moscou, jamais décidées par le passé, mais cela n'a pas fait plier la Russie, qui n'a pas freiné ses opérations militaires sur le sol ukrainien. Est-ce à dire que les sanctions économiques en question n'ont eu aucun impact sur l'économie russe ? Des effets inflationnistes se font visiblement ressentir, avec des prix à la hausse et des pertes considérables sur le plan des échanges commerciaux, mais l'économie russe résiste plus et mieux que toutes les prévisions qui misaient sur son effondrement rapide. Grâce à quoi ? L'arme énergétique, qui s'est avérée imparable. Les Occidentaux ont décidé un embargo économique tous azimuts contre la Russie, mais ne pouvant se passer de son gaz et son pétrole, on continue encore, en Europe, à acheter ces produits énergétiques auprès de la Russie. A l'exception des Etats-Unis, du Canada, de l'Australie et du Royaume-Uni, moins dépendants du pétrole russe, et qui ont appliqué un embargo sur les hydrocarbures russes, aucun autre pays n'a pu suivre l'exemple sur le vieux continent. Dans cet esprit, on se rend compte que les sanctions économiques ne sont que des coups d'épée dans l'eau et on cherche à couper les vivres aux Russes en bloquant ses ventes des hydrocarbures, qui constituent une bouffée d'oxygène pour l'économie russe, notamment à la suite de l'envolée des prix du gaz et du baril dans le sillage de ce conflit en Ukraine. Certains pays de l'Union européenne n'ont pas trouvé une autre alternative au gaz russe dans le court terme, d'où la volonté de chercher à imposer un embargo sur le pétrole russe. Mais que faire quand on sait que la Russie fait partie de l'Opep+, et que de ce fait, on ne peut l'attaquer isolément ? Des appels du G7 et de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) ont été lancés aux pays producteurs pour augmenter leurs livraisons pour faire baisser les prix du baril, mais l'Opep+ a ignoré ces appels pour des raisons politiques et purement commerciales. D'une part, un prix du baril élevé bénéficie aux pays du cartel pétrolier et, d'autre part, on ne peut jouer le jeu des Occidentaux et se liguer contre la Russie, qui est un membre important de l'Opep+. Peine perdue pour les Occidentaux de faire pression sur les pays producteurs pour inonder le marché en pétrole, afin de faire baisser les prix du baril et avoir la latitude de mettre en place un embargo sur le pétrole russe ? Vraisemblablement, on ne desserre pas la pression sur les pays producteurs pour les amener à épouser cette stratégie. Dans l'après-midi du lundi 12 avril, des fonctionnaires de l'Union européenne se sont entretenus à Vienne avec des représentants de l'OPEP, en vue de plaider encore une augmentation de la production, afin d'envisager d'éventuelles sanctions contre le pétrole russe. Mais, même si on le pouvait, un embargo sur le pétrole russe porte en lui le risque de provoquer une autre envolée des prix de l'énergie, qui fait reculer de ce pas plusieurs pays de l'Union européenne. Aucune partie ne s'avoue vaincue dans cette mère des batailles sur le front économique, mais jusqu'à quel point la Russie peut-elle résister et jusqu'à quel point les Occidentaux peuvent-ils assumer l'impact de ces sanctions sur l'économie mondiale ?