En définitive, cette navigation à vue ne peut perdurer. La situation est certes complexe et la sortie de crise n'est pas aisée mais "On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui a généré le problème". C'est le sens même de l'expression "Yetnahaw ga3″ devenue emblématique de l'expression citoyenne. Pour garder le cap sur la destination à atteindre – à savoir que le peuple algérien soit heureux de vivre dans son pays et qu'il ne soit plus dépossédé des richesses de son sous-sol par des prédateurs algériens et étrangers –, seule une vue claire nous permettra de nous guider. Mais, pour disposer de cette clairvoyance, seule l'acception de la réalité – de ce que sont les Algériens en tant que peuple et de ce dont ils ont besoin – nous permettra de nous doter de ce sésame, certes rêche, mais jamais trompeur : la lucidité. Dans nos courtes vies, l'expérience humaine la plus difficile à mener est la lutte contre nos illusions personnelles – et collectives. Comment devons-nous procéder pour ne pas échouer ? Comment devons-nous procéder pour ne pas nous perdre ? Comment devons-nous procéder devant les défis qui attendent l'Algérie ? Les illusions sont attrayantes de prime abord, évidemment, mais elles sont comme les mirages du désert : elles nous attirent irrésistiblement, puis nous abandonnent à nous-mêmes, sans même une consolation pour nous avoir aussi bien dupé. Elles nous renvoient, de face, notre volontaire aveuglement. Elles nous renvoient la vanité de notre insensée obstination. Impasse ! Nous restons alors seuls, dans les errances de nos illusions, sans que nous n'ayons pu panser nos blessures. Nous aimerions tant retourner en arrière et, devant cette impossibilité, nous restons alors sous la sidération des ruines de nos faillites personnelles et collectives – les années noires du terrorisme ayant frappé l'Algérie pendant une décennie entière sont les ruines de cette faillite collective. Car s'il est une denrée existentielle, indispensable, non renouvelable et qui ne nous attendra jamais de surcroît, c'est bien le temps qui passe.