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TROIS QUESTIONS à Emmanuel Blanchard
Publié dans Algérie Presse Service le 16 - 10 - 2011

PARIS - Connu pour ses recherches sur les polices en situation coloniale, l'universitaire Emmanuel Blanchard analyse pour l'APS l'attitude de l'appareil répressif du préfet de sinistre mémoire Maurice Papon dont le répertoire se radicalise entre 1958 et 1962, ouvrant le bal aux rafles, aux camps d'internement et aux retours forcés au pays.
QUESTION : Dans votre dernier ouvrage, "La police parisienne et les Algériens (1945-1962)", vous affirmez que le préfet de police Maurice Papon obtient, à l'automne 1961, un "chèque à Blanc" pour démanteler le FLN. Est-ce que cela le disculpe-t-il pour autant et est-ce que ces massacres pouvaient-ils être justifiés sous prétexte d'"éliminer les indésirables" ?
REPONSE : La violence policière du 17 octobre 1961 est exceptionnelle, inédite dans les sens où, en situation de maintien de l'ordre, il n'y a jamais eu de situation équivalente en Métropole au XXe siècle.
Ce jour-là, il s'est passé ce que l'historien Pierre Vidal-Naquet a appelé, dès novembre 1961, un quasi-Pogrom ou ce qu'on pourrait appeler, pour faire référence à une autre région géographique, un massacre colonial. Il y a d'autres épisodes dans l'histoire du XXe siècle où la police a pu tirer sur la foule, tuer des manifestants (massacres du 11 février 1934, Charonne le 8 février 1962).
Pourtant, ce qui se passe le 17 octobre 1961 est autre chose : une véritable chasse à l'homme dans le cadre d'une gigantesque rafle. Dès que la démonstration du FLN a été connue, l'objectif de la préfecture de police a été d'arrêter le maximum de personnes. Or, une police ne peut pas s'attaquer à un cortège pour arrêter des milliers et des milliers de personnes sans user d'une violence exceptionnelle.
Il y a eu 12 000 arrestations ce jour-là et surtout, pour mener à bien ce programme, les violences se sont poursuivies tout au long de la soirée, dans multiples points de Paris, et avec une dizaine de manières de donner la mort.
Certaines personnes sont mortes sous les coups, d'autres ont été tuées sous les rafales ou sous les balles, certaines sont mortes sur le coup, d'autres l'ont été au parc des Expositions. Donc, on a véritablement quelque chose d'exceptionnelle et qui mérite cette étiquette de massacre par sa durée, le nombre d'unités de police engagées, les dizaines de personnes impliquées du point de vue des forces de l'ordre, par la multiplicité des façons de donner la mort, mais aussi et c'est un peu moins connu parce qu'en certains points, il y a eu quelques passants, voire des pompiers, qui ont prêté main forte aux forces de l'ordre, notamment pour jeter les Algériens dans la Seine, en plus de passants qui montraient (à la police) où étaient les Algériens.
Il ne faut oublier non plus qu'il y a eu aussi des comportements de solidarité qui posaient problème à l'intérieur de la police. En interne, au sein du principal syndicat de police, des personnes se sont élevées, étaient émues, personnellement touchées et portaient la dénonciation de ce qui s'était passé ce jour-là.
QUESTION : Selon vous, il y a des éléments certifiant que les dirigeants de la préfecture de police planifiaient l'élévation du niveau de violence avec l'engagement des supplétifs (harkis) dont le contentieux avec le FLN n'est plus à établir. N'est-ce pas là une preuve que ce fût un crime d'Etat prémédité ?
REPONSE : Ce que je montre dans mon dernier ouvrage, ce sont des façons de faire ou des répertoires d'action policiers utilisés ce soir-là, et qui étaient utilisés depuis des années, voire des décennies.
Je remonte jusqu'à 1944 où l'on voit que le fait de chercher à encercler des groupes d'Algériens venant manifester, le fait de les rafler, dans des contrôles d'identités particulièrement violents dans des quartiers d'habitat algériens ont pu exister depuis la Libération.
Il ne faut pas oublier non plus que des tirs policiers avaient été exercés sur des manifestants algériens avant même le début de la guerre d'indépendance. On peut penser au 14 juillet 1953, une manifestation aujourd'hui très méconnue du PPA-MTLD au sein du Mouvement de la paix (ensembles des organisations syndicales et ouvrières plus ou moins proches du Parti communiste) et au moment de la dispersion du cortège algérien, la police ouvre le feu et tue six d'entre eux et un membre du service d'ordre de la CGT, venu prêter main forte aux Algériens.
Donc, on voit bien, à travers ces tirs policiers, au travers de la rafle, qu'il y a des façons de faire (répertoires d'action) qui se radicalisent pendant la guerre d'Algérie et qui deviennent de plus en plus violents, notamment parce qu'en réponse, ou au regard des attentats perpétrés contre les policiers, le préfet de police annonce très clairement qu'il couvrirait l'ensemble des violences policières qui auraient lieu dans le cadre de ce qui était appelé, à l'époque, la lutte entre le FLN et la police.
Et le 17 octobre 1961, ce ne sont pas simplement des militants qui défilent, mais une grande partie de la population algérienne de région parisienne (hommes, femmes et enfants), soit entre 20 000 et 30 000 personnes qui défilent pacifiquement en respectant des consignes données par la Fédération de France du FLN et qui sont l'objet justement d'une emprise policière qui n'est pas pré-organisée d'une certaine façon. C'est une possibilité ouverte par le fait que des habitudes ont été prises et par le fait qu'il a été dit que tous les moyens pouvaient être utilisés pour disperser ce qui n'était pas vraiment une manifestation.
QUESTION : 50 ans après les massacres, les plus hautes autorités françaises continuent dans le déni, de ce fait, de l'histoire et dans l'occultation, faisant que le quidam français connaît plus sur le massacre de Charonne que sur celui du 17 octobre 1961. Quelles sont, selon vous, les raisons d'une telle attitude ?
REPONSE : Aujourd'hui, le 17 octobre 1961 commence à être connu des jeunes générations. Si vous prenez les manuels d'histoire de l'enseignement secondaire, c'est un évènement qui est aujourd'hui abordé dans la plupart des manuels de ce palier dans le chapitre relatif à la question de la guerre d'indépendance algérienne.
On ne peut plus dire que cet évènement est inconnu. Il reste certes méconnu d'une partie de la population, mais aujourd'hui il est connu à l'égal de Charonne, d'une certaine façon. Tout simplement, parce que la mémoire communiste, qui était portée par ceux qui étaient dans ce qui était pour longtemps le premier parti de France, a tendance à s'effriter et, qu'au contraire, de nouveaux porteurs de mémoire, ceux qui sont dits "issus de l'immigration algérienne" ont contribué, avec des militants de la Gauche et de l'extrême Gauche, depuis les années 1980, à se faire les porteurs de cette mémoire. Et, depuis 1991 et le premier livre sur le sujet, à chaque commémoration décennale, on voit un certain nombre de manifestations, d'ouvrages, de reportages à la télévision, de films de cinéma et, cette année, on sent que ce cinquantenaire ne va absolument pas passer inaperçu.
Ce qui est vrai, ceci dit, c'est que pendant plusieurs décennies, il y a eu la volonté d'organiser un mensonge d'Etat, un secret d'Etat autour de ce massacre.
L'historien Alain Dewerpe a très bien montré que c'était la même chose autour du massacre de Charonne. Simplement, il y a avait une contre-mémoire organisée qui permettrait que Charonne ne soit pas oublié. Du côté des émigrés d'Algérie, les suites de l'indépendance ont rendu difficile l'organisation de cette contre-mémoire.
Et, de ce fait, l'évènement qui n'était pas passé inaperçu, au moment même, est passé par les pertes et profits des derniers mois de la lutte pour l'indépendance, à la fois du côté français qui tenait absolument à organiser ce mensonge d'Etat, mais aussi des mouvements en lutte du côté algérien, la priorité n'était pas de porter la mémoire de la Fédération de France.


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