Boubekeur Makhoukh, animateur culturel, dramaturge, metteur en scène et auteur d'une œuvre palpitante, est revenu cette semaine dans sa Kabylie natale, à l'occasion d'une manifestation grandiose, organisée pour honorer sa mémoire. Aussi loin que remonte le souvenir des Illiltène, un tel événement n'a jamais été organisé ni vu le jour dans la région. L'hommage rendu par l'association Tafat au dramaturge Boubakeur Makhoukh et son élève, Kheirdine Amroune, deux valeurs sûres des arts dramatiques et cinématographiques, a fait sortir le village Tifilkout, dans la daïra d'Iferhounène, à 70 km au sud-est du chef-lieu de la wilaya de Tizi Ouzou, de sa torpeur et de son anonymat, et ce compte tenu de la dimension de l'événement. Une semaine durant, cette localité, située au pied du Djurdjura, a eu droit à des journées théâtrales dignes d'un festival du 4e art. La cour de l'école primaire de cette bourgade, qui s'est transformée en une éphémère salle de spectacles, a de nouveau accueilli tous les amis de l'art des planches qui ont applaudi un style de théâtre amateur plein de fraîcheur, joué par des jeunes comédiens venus des différentes régions du pays. Des spectacles empreints de beaucoup d'originalité ont donné le ton à des soirées festives qui ont hautement marqué l'événement. Ce dernier ne passera aucunement inaperçu, étant donné que les activités de ces journées théâtrales ont suscité un engouement remarquable, aussi bien au niveau de la commune d'Illiltène que dans les régions limitrophes, comme l'a si bien souligné Madjid Aït El Hadj, président du comité d'organisation, qui a dit : « On a l'expérience dans ce genre d'activités, car il s'agit de la 4e édition des journées théâtrales Boubekeur Makhoukh. Cette année, la manifestation est dédiée également en hommage à Kheirdine Amroune, élève de Boubekeur. C'est quelqu'un qui nous a beaucoup aidés depuis la première édition de ses journées. Lui aussi a un grand parcours dans le domaine du théâtre. Concernant l'engouement ou plutôt l'impact suscité par ces activités, on a constaté que la manifestation a créé un mouvement magnifique, dans la région notamment. Le public a beaucoup apprécié le travail des comédiens. Il y a des personnes de tous âges, qui viennent assister aux présentations théâtrales. Sincèrement, je suis vraiment fier de voir les habitants de notre village se mobiliser comme un seul homme pour la réussite de ces journées théâtrales », a ajouté M. Aït El Hadj qui déplore, toutefois, l'absence de subvention spécifique destinée exclusivement pour l'organisation des journées théâtrales. « On reçoit une subvention dont le montant est beaucoup plus maigre par rapport à nos dépenses », a-t-il fait remarquer avant d'ajouter : « Hamida Aït El Hadj et Omar Fetmouche, respectivement directeur du théâtre régional de Tizi Ouzou et celui de Béjaïa, nous ont grandement aidés depuis le début de la manifestation. C'est un honneur d'avoir parmi nous ces grands compagnons de Boubekeur. » Une douzaine de troupes ont, tour a tour, régalé les férus du théâtre. Des jeunes talentueux ont magistralement présenté des pièces, des sketchs et des spectacles pour enfants, comme celui donné par la troupe locale Les Rigolos, qui a subjugué l'assistance. Le menu de ce rendez-vous culturel est aussi riche que varié. Outre les one man shows de Kamel Bouakaz et Mouhoub Letrach (Mohand Ouchabane), attendus pour aujourd'hui, samedi, d'autres pléiades de jeunes amateurs ont déjà mis du baume au cœur du public, à l'image des comédiens de l'association théâtrale Les fidèles, de Baraki. A l'occasion, le président de ladite structure, Noureddine Benima, estime : « C'est formidable. Je remercie les organisateurs qui n'ont ménagé aucun effort pour le bon déroulement de ces journées très bénéfiques pour la génération montante. Je voudrais seulement souligner que chez nous à Baraki, on devait organiser, cette année, la cinquième édition des journées nationales du théâtre, malheureusement on à quelques problèmes avec les autorités locales. L'APC n'a pas marché avec nous, on l'a reportée au mois d'octobre prochain. » D'autres jeunes nourrissent l'ambition d'aller aussi loin que possible dans l'activité théâtrale qui leur est devenue, disent-ils, plus qu'une passion. Ils sont venus de loin. De Sidi Bel Abbès pour faire rire, avec leurs merveilleux gestes scéniques, les habitants de cette région de la Kabylie profonde. M. Baroudi, secrétaire général de la coopérative Théâtre et Cinéma de Sidi Bel Abbès relève qu'il y a un public immense attaché à la chose culturelle dans cette région. « Ce public, on ne le trouve pas dans les grandes villes. L'organisation est impeccable, surtout lorsqu'on sait que les organisateurs sont tous des comédiens qu'on connaît depuis longtemps. » Des spectacles haut en couleur et diversifiés étaient à l'affiche à Tilkout, cette contrée oubliée, qui est devenue, une semaine durant, la capitale du 4e art. Une manière de donner un coup de pouce à cette classe juvénile farouchement attachée à l'art des planches. Ils sont nombreux à s'adonner avec abnégation au théâtre, en dépit du manque de moyens. L'association Thafath constitue, d'ailleurs, un vivier de jeunes talents. Elle a vu le jour à la fin des années 80. Par ailleurs, pour ceux qui ne le connaissent pas, Boubekeur Makhoukh, natif de Tifilkout, est l'un des illustres dramaturges ayant fait plusieurs adaptations en tamazigh, arabe, français, anglais et italien. Il était membre du centre algérien de l'institut du théâtre et président fondateur de la Coopérative du petit théâtre. Il a suivi une formation à l'école de mime corporel dramatique de Paris. Il a travaillé comme animateur culturel, auteur dramaturge, metteur en scène et comédien en Algérie, en Tunisie et en France. Aujourd'hui, pour que nul n'oublie le parcours et l'œuvre de cet artiste, l'association Tafat consacre des journées théâtrales, histoire de réhabiliter, chaque année, les hommes du 4e art. En effet, Mohia, Kateb Yacine, entre autres, ont été revisités à l'occasion de cette manifestation grandiose.
