L'affaire du navire de l'association SOS Méditerranée a fait sombrer l'Europe dans une valse-hésitation sur quel pays devait accueillir les malheureux naufragés. Dans le fond, l'affaire n'est pas nouvelle. Une pétition avait été publiée quelques jours plus tôt dans le quotidien Libération. Ce texte ne faisait que s'ajouter aux autres contributions du genre régulièrement livrées à la presse. D'abord par le niveau politico-philosophique et humaniste des signataires, mais aussi pour les solutions, dont une d'entre elles apparaît assez novatrice sur le fond : «Nous demandons que soit étudiée sans délai la possibilité de conférer des droits locaux à tous les migrants qui en font la demande, à l'instar des villes sanctuaires américaines, afin que les villes qui en feront la demande puissent bénéficier du statut de ‘‘villes refuges'' et bénéficier à ce titre du label ‘‘ville accueillante'', qui ouvre toute une série de droits aux migrants, parmi lesquels le droit de travailler, de s'inscrire à la mairie, à la bibliothèque, aux écoles, aux installations sportives, à l'hôpital, sans être pour cela en position d'expulsable.» Les signataires estiment qu'il faut «un projet de société fondé sur l'hospitalité». Ils s'étonnent qu'on puisse penser que «l'accueil de 20 000 personnes en cinq ans est une chose impossible, alors que cet accueil avait pourtant été fixé par l'Union européenne (UE) qui n'est pas réputée pour son audace particulière. (...) Nous reculons chaque jour davantage devant une peur entretenue sciemment pour ne laisser aucune autre alternative que l'exclusion des plus fragiles. Nos gouvernants sont tellement arc-boutés sur l'impératif, légitime au demeurant, de la sécurité qu'ils identifient par avance le migrant à un terroriste dont il faut se prémunir en l'éloignant, en rendant son existence spectrale». Un spectre ! C'est ce que l'opinion publique mondiale a ressenti en voyant le bateau l'Aquarius, tel un vaisseau fantôme, avec plus de 600 personnes à bord, ballotté entre Italie, qui applique la nouvelle politique de son gouvernement élu par un élan anti-migrants, la France gênée de devoir recevoir ces migrants, et finalement l'Espagne, nouvellement gouvernée par un cabinet ministériel socialiste. Sauf que le bateau était plus près d'Ajaccio. Ce qui a permis aux autorités corses de marquer un coup politique de premier ordre en annonçant leur accord pour recevoir les réfugiés. Face à la «métropole», cela sonnait comme un acte d'indépendance. En tout cas, pour les pétitionnaires, «il s'agit de proposer un contre-récit, une idéologie de l'hospitalité contre l'idéologie de la sécurité». Pour le reste, le texte demande l'abrogation de toutes les dispositions dites ‘‘Collomb'', du nom du ministre de l'Intérieur, concernant l'asile et l'immigration.