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«Il y a un consensus pour considérer que l'hypothèse du non-changement est plus rassurante...»
Luis Martinez. Directeur de recherche au CERI-Sciences Po
Publié dans El Watan le 25 - 06 - 2018

Luis Martinez est directeur de recherche au CERI-Sciences Po Paris. Il est spécialisé dans l'étude des processus et phénomènes politiques dans les pays maghrébins. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles académiques sur l'Algérie, dont le dernier en date est intitulé «Après Bouteflika... Bouteflika ?» (Politique Internationale, juin 2018). Dans cet entretien, il nous explique les facteurs endogènes et exogènes qui favorisent l'option d'une cinquième candidature de Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle 2019.
– Dans votre récente publication «Après Bouteflika... Bouteflika ?» vous qualifiez le système politique algérien d'«absurde». Pourquoi spécialement ce qualificatif ?
Je précise que ce n'est pas un constat mais plutôt un jugement. En fait, en observant ce système de près, on a l'impression que l'ensemble des acteurs de la politique algérienne n'arrivent pas à imaginer des mécanismes de transformation, de changement ou de transition en présence de Abdelaziz Bouteflika.
Dans les systèmes politiques qui fonctionnent normalement, la classe politique dispose d'un ensemble de procédures qui lui permettent de se renouveler sans attendre que le chef d'Etat parte ou meure.
C'est le principe même de la démocratie. Il y a surtout les élections libres pour revigorer et régénérer les cycles de transformation politique. Or, le statu quo qui dure depuis plusieurs années et va se poursuivre si la cinquième candidature de Bouteflika est officialisé illustre, d'une façon caricaturale, l'absurdité du système politique algérien.
– Comment voyez-vous justement l'élection présidentielle de 2019 ?
Si la candidature du président sortant est confirmée, il n'y aura qu'une élection formelle pour l'enregistrement électoral du cinquième mandat. Sa défaite est inconcevable. Sinon ce serait une surprise originelle. Pour être franc, c'est une hypothèse vraiment improbable. En revanche, si Bouteflika décide de ne pas se présenter, de nouvelles perspectives intéressantes vont s'ouvrir.
La vie politique se revivifierait avec de nouveaux projets et la population se mobiliserait après avoir largement boycotté le scrutin présidentiel et les élections d'une manière générale pendant plusieurs années. On pourrait avoir un taux de participation plus élevé et une concurrence démocratique plus loyale.
Pour l'instant, l'annonce de la candidature ou non du président est l'enjeu le plus important. S'il se porte candidat officiellement dès maintenant, aucun des prétendants sérieux ne se lancera, car cela n'aurait aucun sens.
– En parlant de sa prise de décision à ce sujet, quelle influence pourront avoir sur lui ses proches, notamment son frère Saïd que vous appelez «vice-roi» dans votre article ?
Il est difficile de s'aventurer dans l'évaluation de l'influence de ses proches, membres de sa famille et ses conseillers. Mais en ce qui concerne Saïd Bouteflika, on peut facilement imaginer que c'est le plus influent auprès du président Bouteflika, non seulement parce que c'est son frère, mais aussi par ce que c'est son conseiller spécial, poste très important par définition. Il s'agit aussi de son avenir politique à titre personnel.
Etant donné que son frère est malade, il ne peut pas tout gérer et assumer pleinement ses responsabilités. Donc, Saïd assure un certain rôle à la fois de régulation, de médiation et d'organisation au sein de la présidence.
On a vu la même chose à Cuba avec Raùl Castro qui a accompagné son frère Fidel, malade et vieillissant, durant ses dernières années de règne avant de lui succéder, en sachant néanmoins que Raùl avait aussi la légitimité révolutionnaire qu'avait son frère.
Ce qui n'était donc pas choquant pour les Cubains. Cependant, une telle succession est peu probable en Algérie. Il serait très difficile de la faire accepter politiquement car Saïd n'a pas la légitimité historique de son frère et cela voudrait dire que le pays basculerait vers un système de dynastie familiale, chose qui pourrait provoquer la révolte du peuple algérien.
Donc, au lieu d'aller vers un transfert institutionnel de la présidence de la République, il préfère une solution facile, moins exposée et plus gérable, politiquement et juridiquement. C'est-à-dire rester dans l'ombre auprès de son frère et gérer le pays avec lui.
C'est pourquoi, à mon avis, il sera plutôt favorable à l'idée du cinquième mandat car tant que son frère est président, il est sûr de garder sa position d'homme très influent au sein de l'Etat algérien.
Si Saïd décide de se lancer dans le jeu électoral à la place de son frère, ce serait vraiment une surprise majeure ! Mais tout reste possible en politique.
– A votre avis, pourquoi les tenants du pouvoir en Algérie n'arrivent toujours pas à trouver un potentiel successeur à Bouteflika ?
La raison principale, c'est qu'il y a eu une sorte de consensus entre les différentes parties influentes ou ce qu'on peut appeler groupes d'intérêts (acteurs institutionnels, partis au pouvoir et lobbys économiques) pour considérer que l'hypothèse du non-changement est plus rassurante que celle du changement. C'est-à-dire que le simple fait de penser au changement soulève pour eux plusieurs inquiétudes.
Cela relève d'ailleurs de la faiblesse des institutions politiques en Algérie. Dans les Etats à forte tradition démocratique, de différentes institutions politiques sont chargées de réduire les incertitudes. Elles font en sorte que, quel que soit le scénario politique envisageable à l'avenir, l'Etat n'aura pas à craindre sa déstabilisation.
Elles prévoient des issues à chaque phénomène politique et ses étapes. Les institutions algériennes semblent être incapables de garantir une telle sérénité.
Donc, les groupes d'intérêts craignent que la non-candidature de Bouteflika engendre une vraie compétition politique, des rivalités, de la violence, etc.
Ce qui est normal dans une vie politique démocratique. Cela leur fait peur et ils préfèrent finalement ce qu'on peut appeler un «système anesthésiant» ; anesthésier la vie politique au lieu de l'animer en acceptant ses enjeux et les inquiétudes qu'elle soulève.
– Dans ce contexte, quel est le vrai rôle de l'armée, l'un des plus importants acteurs institutionnels en Algérie ?
D'une façon générale, l'Etat algérien est façonné par l'armée de par l'histoire du pays durant la période coloniale et après l'indépendance. Cela n'est évidemment pas spécifique à l'Algérie.
On connaît le même phénomène en Egypte et en Syrie, sans oublier les exemples de l'Irak, sous le règne de Saddam Hussein, ainsi que l'Argentine et le Brésil des années 1980. Dans tous ces cas de figure, les armées nationales prennent plus d'importance et de puissance que les autres institutions de l'Etat. En Algérie, c'était et c'est toujours le cas.
Actuellement, l'implication de l'armée algérienne dans la vie politique est dictée surtout par plusieurs facteurs liés à la situation géopolitique régionale, marquée par le terrorisme islamiste et les violences politiques qui déstabilisent plusieurs pays frontaliers et voisins.
Dans ce contexte, les militaires algériens ne se posent même pas la question de savoir s'il faut prendre le risque d'intervenir de quelque façon que ce soit pour provoquer un changement politique dans le pays. Ils ne vont jamais prendre un risque pareil.
Pour le faire, il faudrait qu'ils aient des preuves irréfutables que le danger de ne rien faire soit largement supérieur au danger de faire quelque chose. Ils considèrent que Bouteflika, même vieillissant et malade, reste rassurant tant qu'il est silencieux et inoffensif.
En plus, l'absence d'une réaction importante de la part de la population par rapport à l'éventualité qu'il se présente pour un cinquième mandat amène l'armée à considérer qu'il y a finalement une sorte de compromis, accepté par tout le monde, pour maintenir la situation actuelle pour l'instant.
Ce qui ne gêne pas l'institution militaire. Je pense que l'armée restera neutre du moment qu'il n'y a aucun des trois scénarios suivants en Algérie : soulèvement populaire selon le modèle tunisien de décembre 2010 ; faillite économique de l'Etat ; dégradation de la situation sécuritaire.
Il faut mentionner que, contrairement aux autres institutions algériennes, l'armée a réussi à se renouveler et à changer sa vision sur la vie politique.
Quand le pays était confronté au terrorisme, elle s'est trouvée dans l'obligation de se réformer afin de réussir à rétablir la stabilité. Il fallait qu'elle soit moderne car, comme nous l'avons dit tout à l'heure, c'est la colonne de l'Etat algérien. Elle a évité ainsi de se tribaliser et de s'enfermer sur elle-même.
Au-delà de son chef d'état-major, qui incarne un peu la vitrine ancienne, l'institution militaire a opéré un réel rajeunissement au niveau de ses officiers et de ses corps intermédiaires. Ce qui lui a garanti une remise à niveau de ses compétences et une réadaptation aux défis contemporains.
Les jeunes officiers ont un regard moderne sur leur pays et sur le monde. On n'est plus dans l'armée des années 1970 dont les effectifs dirigeants étaient formés exclusivement dans les académies soviétiques qui leur inculquaient une certaine idéologie de ce que doit être l'Etat.
Depuis plusieurs années, l'armée algérienne a diversifié ses partenariats en matière de formation, s'ouvrant vers d'autres pays, notamment européens. Cela peut jouer un rôle positif à l'avenir, mais une armée, même forte et moderne, ne peut pas construire toute seule un projet de transition démocratique.
Il n'y a aucun exemple dans le monde où cela s'est passé comme ça. Une armée ne peut qu'y contribuer en assurant son rôle de garant de la sécurité nationale et de la souveraineté territoriale. Ce qui est déjà énorme quand on voit l'état global de la région. Mais l'armée ne pourra pas remplacer ce que peuvent donner les acteurs politiques, les entrepreneurs économiques et l'ensemble de la société civile.
– Puisque vous avez évoqué la situation régionale sur les plans géopolitique et sécuritaire, cette dernière s'est-elle améliorée par rapport à ce qu'elle était en 2014 ?
La situation est toujours très inquiétante à cause des contextes politique et sécuritaire dégradés dans plusieurs pays de la région (Mali, Libye, Burkina Faso, Cameroun, Nigeria, etc.).
Pour parler vraiment des pays frontaliers de l'Algérie, il n'y a que le Niger qui donne satisfaction de ce côté, avec un retour relatif à la stabilité. L'armée algérienne reste mobilisée et très vigilante sur ses frontières car les environnements régionaux ne sont guère rassurants.
D'une part, la Libye connaît un contexte de guerre civile et le Mali est quasiment un pays coupé en deux sur fond d'une grave crise politique. D'autre part, l'Algérie est confrontée à un phénomène migratoire sans précédent.
– On a bien compris que l'armée demeure l'un des principaux piliers du pouvoir algérien. Qu'en est-il du DRS après sa restructuration ?
Les services de renseignements continuent leur travail. Dans des environnements national et régional pleins d'incertitudes, il est inenvisageable de se passer de structures aussi performantes que celles du DRS, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
Le département s'est juste transformé avec le renouvellement de ses cadres dirigeants et de son statut juridique. Ses missions et ses pratiques restent ce qu'elles ont toujours été.
Ceci dit, ce qui est un fait nouveau important, c'est que le DRS a perdu la suprématie qu'il avait par rapport à l'institution militaire tout au long des années 1980 et 1990. Je pense qu'actuellement les rôles sont plus équilibrés. Ce qui est positif pour l'Algérie, car cela est primordial même dans les plus grandes démocraties au monde.
Voulez-vous dire qu'il a perdu son influence politique ?
D'abord, disons que c'est toujours difficile d'évaluer l'influence d'un service de renseignements sur les différents aspects de la vie en société, qu'ils soient politiques, économiques ou sociaux. Ensuite, quand on lit les écrits des anciens du DRS ou leurs témoignages rapportés par la presse, on a le sentiment qu'ils auraient bien aimé évincer Bouteflika dès son troisième mandat.
Or, on constate qu'il est toujours là. En conclusion, on peut émettre deux hypothèses : soit le DRS n'est pas influent, soit il n'a plus la liberté d'agir comment avant. Le deuxième postulat me semble le plus correct.
C'est cela qui a justement changé, le DRS ne peut pas imposer le changement d'un président alors qu'un ensemble d'acteurs militaires, politiques et économiques sont plutôt d'accord pour le maintenir. Dans le passé, il faisait ce qu'il voulait sans tenir compte des avis des autres parties influentes. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.
– En tant qu'observateur extérieur averti, qu'est-ce qui vous interpelle le plus dans la situation actuelle de notre pays ?
Ce qui interpelle généralement les observateurs extérieurs, c'est que l'Algérie n'arrive pas à entamer un processus de changement politique et, en même temps, elle ne fait pas de vraies réformes structurelles, notamment en ce qui concerne son économie rentière.
Ce dernier élément inquiète beaucoup ses partenaires régionaux et internationaux. C'est un pays bloqué alors qu'il a les capacités d'être la locomotive du continent africain, aux côtés de l'Afrique du Sud et du Nigeria en matière économique.
L'économie algérienne est toujours dépendante du marché international des hydrocarbures que l'Algérie ne contrôle pas. Entre 2014 et 2016, on craignait même que sa situation financière évolue vers un scénario catastrophe à la vénézuélienne, où l'Etat n'arrivait plus à réaliser ses transferts économiques et à tenir ses engagements financiers, engendrant une profonde crise sociale et des violences politiques.
Heureusement, ce chaos n'a pas eu lieu car le prix du pétrole a arrêté de chuter à temps. Le résultat aurait été certainement différent s'il avait descendu sous les 10 dollars le baril comme durant les années 1980 par exemple.
Or, on est resté à 50 dollars en moyenne. Ce qui a permis à l'Algérie de financer son budget, à hauteur de 30 milliards de dollars grosso modo. L'argent était redistribué sur les différents secteurs de la Fonction publique. Par contre, avec une telle somme le gouvernement était obligé de geler les investissements publics. En conséquence, il y avait moins de croissance et moins de revenus fiscaux.
Il faut que l'Algérie transforme son économie en suivant l'exemple des pays qui ont vécu la même situation. Je pense spécialement à la Malaisie et à l'Indonésie qui étaient hyper dépendants aux revenus du pétrole durant les années 1970 et 1980.
En l'espace de quelques années, ces deux pays ont réussi à transformer des économies rentières en économies diversifiées (industrie, agriculture, services, tourisme, etc.). D'ailleurs, à son arrivée au pouvoir, Bouteflika avait suscité un certain espoir par rapport à la transformation radicale de l'économie algérienne. Malheureusement, vingt ans plus tard, elle n'a strictement pas changé.
– Au lieu de cela, le gouvernement a recouru à la fameuse «planche à billets» pour produire de la monnaie nationale. Que pensez-vous de cette méthode ?
Les recettes en devises ont chuté à cause de la baisse des prix des hydrocarbures. Faire tourner la planche à billets permet donc au gouvernement de créer de la monnaie nationale sans prendre en considération ce que le pays a réellement produit comme richesses.
Cela engendre une inflation très importante, qui se traduit pour la population par l'augmentation conséquente des prix. C'est une méthode très dangereuse car on crée un cercle vicieux d'où il est difficile de sortir.
Elle doit être conjecturelle, un dépannage, et ne peut être en aucun cas une solution de longue durée. On ne peut absolument pas créer un développement économique sur de l'inflation. Les pays qui l'ont essayé, à l'instar de l'Argentine et du Venezuela, sont allés dans le mur. Le Brésil, qui a commencé à le faire, avait mis presque une décennie pour retrouver un équilibre macro-économique.
Au lieu de fabriquer de la monnaie, il faut penser plutôt à diversifier l'économie, surtout que le statut de l'Algérie comme pays mono-exportateur ne peut plus durer pour longtemps.
En effet, il faut savoir que le pays exporte plus de gaz que de pétrole. Or, avec la découverte de gisements gigantesques de gaz dans des pays méditerranéens (Chypre, Egypte, Liban, etc.), l'Algérie sera rudement concurrencée par ces pays qui ont déjà commencé à négocier avec l'Union européenne.
Par ailleurs, la consommation locale des énergies fossiles est en train d'exploser. Sachant que le pays va franchir la barre des 50 millions d'habitants d'ici 2030, il est fort probable que toute sa production en hydrocarbures sera destinée à répondre aux besoins du marché national.
– Dans ce paysage politico-économique que vous venez de nous présenter, où est la place de l'opposition ?
L'opposition algérienne bénéficie d'une série de facteurs qui lui sont favorables et qui devraient normalement lui faciliter la mobilisation de la société autour de ses projets d'alternance : sclérose de la vie politique, échec économique, situation sociale difficile, etc.
Toutefois, jusque-là, elle brille par son absence et son échec. Et ce, soit parce que les partis d'opposition n'ont pas construit des projets sérieux et portés par des personnalités crédibles, soit le régime a réussi à museler complètement les forces oppositionnelles, soit l'opposition politique fait encore peur aux Algériens à cause des séquelles des années 1990.
Il se peut qu'ils imaginent que s'il y avait une vraie ouverture et des élections transparentes, on assistera à l'arrivée des islamistes au pouvoir, comme c'était le cas en 2011 dans les pays voisins (Maroc, Tunisie et Egypte). Chacune de ces trois suppositions contient une part de l'explication...
– Il y a aussi l'émergence de certains discours autonomistes et sécessionnistes qui compliquent davantage la tâche de l'opposition. Est-ce qu'il y a un risque sérieux par rapport à cette nouvelle donne ?
Oui, c'est un risque à prendre en compte car ces discours font partie d'un phénomène global de recrudescence des mouvements sécessionnistes en Afrique et en Europe. Dans les années 1980 et 1990, on considérait que ce n'était pas sérieux, mais aujourd'hui on voit bien ce qui se passe dans plusieurs pays (Burkina Faso, Mali, Libye, Espagne, Italie, etc.).
Les mouvements qui portent les idées autonomistes ou séparatistes sont en force car les Etats sont faibles et n'arrivent pas à répondre aux préoccupations et besoins sociaux, économiques et politiques des populations. Moins les Etats seront capables de résoudre ces problèmes, plus ces mouvements vont prospérer. L'Algérie n'échappe pas à cette réalité, même si le pays est prémuni pour l'instant grâce au sentiment de patriotisme qui s'est développé chez l'ensemble des Algériens depuis la guerre de Libération nationale.
Cependant, cela ne suffira pas, à long terme, pour maintenir l'unité nationale. Il faut que l'Etat algérien trouve rapidement des solutions convaincantes, sinon ce patriotisme sera reconsidéré par certains d'un point de vue régional et local. Donc, toute la classe politique algérienne doit être extrêmement vigilante par rapport à ce phénomène très dangereux, qui sera encore d'actualité durant les années à venir.


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