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Parc national du Djurdjura : «Nous n'avons pas la qualité de puissance publique» (2e partie et fin)
Publié dans El Watan le 03 - 09 - 2018

Le Parc national du Djurdjura (PND) est régulièrement cité chaque fois que le problème du singe magot est posé. Créé par décret présidentiel sous Chadli le 23 juillet 1983 et érigé en Réserve de la biosphère par l'Unesco en décembre 1997, le PND s'étale sur une superficie de 18 550 hectares. Il compte quelque 1640 espèces entre faune et flore, dont 89 protégées.
Parmi elles : le Macaca sylvanus alias le singe magot. Le PND est considéré dès lors par la population du Djurdjura comme la première institution qui s'occupe du singe magot en Kabylie, sachant que «les populations riveraines (du parc, ndlr) sont réparties sur 68 villages (…).
Leur nombre total est estimé à 80 000 habitants dont deux tiers sont localisés sur le versant nord», indique une brochure du PND. Une bonne partie de l'opinion villageoise tient même le Parc pour «responsable» de la prolifération des singes quand il n'est pas tout bonnement suspecté d'avoir procédé à des «lâchers» de macaques dans la région.
Enfin, certains élus reprochent au PND d'être un «facteur de blocage» du développement local par son opposition à des projets jugés anti-environnement. Et devant ce «désert des investissements», la nature ayant horreur du vide, cela aurait favorisé la progression du singe magot.
Nous nous sommes déplacés au siège du Parc national du Djurdjura à Bouira et nous avons exposé l'ensemble de ces griefs à Youcef Meribaï qui dirige le PND depuis treize ans. M. Meribaï nous a fort aimablement reçus, accompagné des chefs des secteurs d'Aït Ouabane, Tikjda et Tala Guilef.
«Certains accusent le Parc là où il n'est pas»
D'abord, sur les raisons de la présence intrusive du singe magot dans les villages, cela n'est nullement dû à un quelconque lâcher de singes, insiste M. Meribaï. «C'est une espèce strictement endémique», argue-t-il. Autrement dit : elle est issue de ce territoire, on ne peut pas l'importer. Il faut donc y voir plutôt le signe et le résultat d'un processus de dérèglement de son écosystème, ce qui a obligé le singe magot à quitter son habitat naturel pour aller chercher sa ration alimentaire dans les hameaux les plus proches.
Youcef Meribaï souligne que le Parc national du Djurdjura «a une délimitation géographique» en ajoutant que «le singe magot transgresse le territoire de délimitation du parc». Cet espace «est petit par rapport au territoire où vit le magot dans le Djurdjura». Ainsi, le PND ne saurait être responsable de tout pour la simple raison qu'il est loin de couvrir l'ensemble du massif du Djurdjura «qui s'étend jusqu'à l'Akfadou». «Localement, le parc épouse la calotte sommitale. Certains accusent le parc là où il n'est pas. Il y a des villages situés en dehors des limites du parc», précise-t-il encore.
«Quand le singe ne trouve pas sa ration alimentaire dans son milieu naturel, il va au territoire voisin», explique le directeur du PND. «Il va faire de la transhumance». M. Meribaï affirme qu'auparavant, «cette espèce vivait en harmonie avec son territoire». «Quand le Parc a été créé en 1983, à l'époque le problème ne se posait pas», appuie-t-il en parlant des nuisances causées par le singe.
«Une forme de perversion comportementale»
Selon le directeur du Parc national du Djurdjura, il y a plusieurs facteurs qui ont poussé le singe magot à migrer de son habitat naturel vers les centres d'habitation. Parmi ces facteurs : la dégradation du couvert forestier, que ce soit par les incendies, les coupes illicites ou encore le surpâturage à raison de 5 à 7 têtes par hectare au lieu du taux de 0,75 tête/ha réglementaire.
Durant la décennie noire, cette dégradation était manifestement causée aussi par le fait que les maquis qui se trouvent au milieu du couvert forestier et en zones montagneuses se sont transformés en repaires et zones de repli pour les groupes terroristes et en terrain des opérations pour l'ANP.
Il faut croire qu'une partie de ce tissu végétal qui constituait l'habitat naturel du singe magot, a elle aussi fait les frais des années 1990. M. Meribaï mentionne également la raréfaction des sources d'abreuvement pour les singes à cause, notamment, des captages abusifs de l'eau en haute montagne par les collectivités riveraines. Il évoque dans la foulée un autre passif de la décennie noire : l'affaiblissement de l'action publique dans les communes reculées, dont l'une des manifestations est la collecte des ordures ménagères qui se faisait de façon moins assidue.
«Durant la décennie noire, il y a eu des négligences de la part des collectivités locales. Il y avait des dépotoirs un peu partout. Et le singe avec son intelligence, a évolué vers ces dépotoirs où il a trouvé une nourriture abondante et facile d'accès», dit M. Meribaï.
Résultat des courses : pour tous ces facteurs, le modèle alimentaire du singe magot a mué vers ce que les scientifiques désignent sous le terme «mendicité». Le directeur du PND rappelle que le macaque berbère «est une espèce farouche» à la base. Pour lui, le fait que le «macaca sylvanus» en vienne à quitter l'état sauvage pour se livrer à la «mendicité» est une «forme de perversion comportementale».
«Un bio-indicateur fiable de l'état de santé de la forêt»
Youcef Meribaï récapitule : «Toute infiltration humaine en milieu forestier, toute exploitation démesurée, constituent un facteur de dégradation.» Un document de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN) qui repose sur des études fournies par le PND, constate : «Ce singe est un bio-indicateur fiable de l'état de santé de la forêt». «Le territoire du PND est fortement touché par l'exploitation anarchique des ressources naturelles par les riverains, conjuguée à une intense activité agropastorale qui a fortement contribué à l'aspect actuel des paysages du Djurdjura. Ce dernier est la résultante d'un ensemble de facteurs naturels (érosions et plus récemment sècheresse prolongée et cumulative) et de perturbations d'origines diverses : défrichements, mises en culture, incendies, coupes de bois, surpâturage, surfréquentation humaine, prolifération de déchets ménagers, carrières, tourisme non contrôlé, extraction de la pierre, etc.».
Selon une étude du PND intitulée «Inventaire à caractère démographique du singe magot», le nombre de macaques berbères s'élève à un peu plus de 4600 individus au sein du Parc national du Djurdjura et ses zones périphériques (sans l'Akfadou). Sachant que ce primate ne se trouve qu'en Algérie et au Maroc, à quoi il faut ajouter quelque 200 individus à Gibraltar, le tout pour une population globale qui ne dépasse pas les 20 000 individus, il ne fait aucun doute que le singe magot est en danger. Il figure d'ailleurs sur «la liste rouge mondiale des espèce menacées» établie par l'UICN.
«Nous avons une mission purement technique et scientifique»
«Je suis là pour assurer la préservation de cette espèce dans son habitat naturel. C'est une espèce protégée par la législation nationale et internationale», clame Youcef Meribaï. Concernant les nuisances provoquées par le singe, il nous confie : «Parmi les orientations de notre étude, nous avons proposé que les pouvoirs publics engagent des vigiles qui se chargeront de la traque du singe pour le chasser en dehors du périmètre stratégique des villages.» L'étude, apprend-on, est entre les mains de M. Ouyahia.
«Le seul document de travail est celui-là», insiste le directeur du parc. Toute action «ne pourra être initiée que par l'administration souveraine», indique M. Meribaï. «Nous avons une mission purement technique et scientifique», précise-t-il. «Nous sommes un EPA, un établissement public à caractère administratif. On n'a pas la qualité de puissance publique.
On fait des études et on éclaire l'opinion.» «Le travail du PND, poursuit-il, est de répondre par des éléments d'information d'aide à la décision en notifiant les informations pertinentes au profit de l'administration qui a la qualité de la puissance publique.» Il souligne, par ailleurs, que «les effectifs (de singes magots, ndlr) les plus importants sont en dehors des limites du parc». «Pourquoi ils ne s'attaquent qu'au PND ?» s'agace le gestionnaire du parc. Pour lui, «c'est la responsabilité de tous les services, au niveau local et national». Parmi les départements ministériels et les directions territoriales concernés : les Forêts, l'Environnement, l'Agriculture ou encore le Tourisme.
Droit de veto
Le Parc national du Djurdjura compte 85 employés, tous corps confondus, dont 25 relevant des corps techniques pour superviser 19 communes. Le parc compte cinq antennes (appelées secteurs) : Aït Ouabane, Tala Guilef, Tikjda, Tala Rana et Tirourda. Selon la direction générale des Forêts, le parc national du Djurdjura reçoit une moyenne de 1,5 million de visiteurs par an. Une fréquentation jugée «suffisamment nuisible» par les cadres du PND. Le directeur du Parc ne ferme pas toutes les portes à la fréquentation, mais appelle à la rationalisation des flux. «On ne peut pas priver les gens d'entrer au parc national», dit-il en suggérant de créer les conditions d'une «canalisation de la fréquentation touristique». «Nous avons des circuits de visites scientifiques, des circuits de randonnées touristiques, des circuits de pratique de sport : spéléologie, sports de montagne, parapente, ski…
Nous avons situé ces endroits et nous avons l'aptitude pour les accompagner», développe-t-il. Outre les circuits destinés aux différents publics, «nous sommes disposés à proposer des formules d'investissement moyennant un cahier des charges de protection de l'environnement», assure M. Meribaï. S'agissant de l'impact négatif de certains projets sur l'environnement, il prévient : «Nous avons un droit de veto dans le cadre des lois de la république.» Un droit «que beaucoup veulent bien nous confisquer», glisse-t-il.
Il convoque la loi 03-10 du 19 juillet 2003 «relative à la protection de l'environnement dans le cadre du développement durable» qui instaure le «principe de précaution», principe que le PND n'hésite pas à faire valoir. «Moi en tant que gestionnaire de l'environnement, tu viens proposer un projet en milieu naturel et que je suspecte d'être nuisible à la nature, je me permets de m'y opposer. On nous a collé une étiquette : gallek vous êtes contre le développement.» Il cite en exemple le parc national du Mercantour, en France. «C'est un parc similaire à celui du Djurdjura. Quand tu rentres à l'intérieur, c'est l'autorité suprême du parc qui prime», dit-il.
Et de faire remarquer : «Depuis la baisse de la rente pétrolière, l'Etat a voulu privilégier les options d'exploitation de la ressource naturelle dans un cadre touristique. Sauf que les parcs nationaux sont des territoires qui sont faits pour la préservation.» «Nous n'avons pas trouvé un écho favorable pour tenir nos engagements en termes de respect de l'environnement : ne pas empiéter, ne pas laisser de déchets, ne pas faire des coupes illicites, ne pas braconner», regrette-t-il.
«On a retrouvé la paix sans le mode d'emploi»
Le territoire du parc et sa périphérie feraient même l'objet de convoitises foncières insistantes. «Nous sommes la cible privilégiée pour des tentatives qui veulent mettre à disposition des parcelles de terrain», dénonce-t-il. Youcef Meribaï en est persuadé : «La portée de ces gens est de faire de l'investissement à l'image de ce qui se fait en ville, c'est-à-dire de faire du commerce. Ces projets n'ont pas la dimension environnementale», observe-t-il.
Loin de craquer sous la pression, il se montre étonnement serein : «Nous sommes libres. Nos avis sont dictés par la conscience et par la législation», fait-il savoir. «En Algérie, nous avons 8 parcs nationaux qui totalisent 165 000 hectares. C'est négligeable. Foutez la paix aux parcs nationaux !» martèle-t-il. M. Meribaï déplore au passage les dégradations causées par les chantiers engagés à Tala Guilef autour du complexe hôtelier El Arz qui est en rénovation, et ses dépendances.
«Ils ont implanté ces infrastructures sans aucune étude d'impact sur l'environnement», charge-t-il. «Ce sont de véritables ennemis de la nature.» «Il y a plus de 10 bouches d'évacuation des eaux usées (émanant de ces infrastructures, ndlr) qui descendent vers des sources qui servent à alimenter la population». Le chef du secteur de Tala Guilef, Mahdi Abdelaziz, abonde dans le même sens.
Il pointe le rôle des «opérateurs Facebook» qui s'improvisent agences touristiques et concoctent des circuits vers le lac Goulmim et d'autres sites sensibles de cette aire protégée «sans la moindre précaution», sans connaissance réelle du terrain et des spécificités de l'écosystème local. Il se dit peiné par le délabrement des mentalités, le «tag âla men tag» érigé en mantra, la «liberté dévoyée»…
Et le Djurdjura profané, «transformé en dépotoir par ses propres enfants». Et de lâcher cette boutade qui claque comme une vérité cinglante : «Nous avons retrouvé la paix sans le mode d'emploi.»


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