Contrairement au projet de construction d'une économie performante, nécessitant la mobilisation et la conjugaison d'énormes énergies et des compétences pluridisciplinaires, la mise en place d'un système démocratique ne commande que la seule volonté politique, celle de permettre la liberté d'expression et d'organisation et de garantir une compétition électorale régulière. Le pouvoir en place donne chaque jour la preuve qu'il a échoué sur tous les plans, à commencer par le rétablissement de la souveraineté populaire qui devait couler de source dès l'accès à l'indépendance. La pathétique fin de semaine vécue au FLN montre que le système est toujours réfractaire à toute forme de souveraineté, même celle à laquelle peuvent prétendre les organisations partisanes, indépendamment de leurs liens avec le pouvoir. La situation est tragique dès lors que c'est le parti historique, incontestablement libérateur, qui recueille les fruits amers de la gestion antidémocratique cultivée par les élites dirigeantes, d'un coup d'Etat feutré à l'autre. Depuis la victorieuse Guerre de Libération nationale, seul l'assassinat politique a été durablement enraciné dans «l'Algérie indépendante». Il est inutile de savoir si le malaise cardiaque du désormais ex-SG du FLN a suivi ou précédé la «démission», la conclusion est la même : les mœurs politiques sont loin d'avoir été révolutionnées depuis la liquidation de Abane en 1957 et les comptes-rendus fabriqués par ses compagnons pour expliquer sa mort. Quelques jours avant la brutale mise à l'écart du chef de l'ex-parti unique, c'est l'institution la plus emblématique du système politique, l'Assemblée populaire nationale, qui a vu son président éjecté avec une violence qu'il avait cru clôturée au sortir de la lutte pour l'indépendance. Dans cette guerre sans fin entre des hommes qui ont chevauché les décennies, parfois les générations, il n'y a pas de vainqueurs. Ceux qui restent encore debout et feignent de s'occuper des affaires nationales savent qu'ils vont tomber entre deux réunions informelles ou après un conciliabule inopiné. La plus exceptionnelle des élections, présidentielle fût-elle, ne peut justifier un tel climat de chasse à l'homme, avec des incidences intolérables sur des citoyens qui croient exercer la liberté d'expression ou s'impliquent, par la plume ou l'action politique, dans le débat public. Les annonces concernant les questions économiques ont perdu tout écho, voilées par une chronique politique chaotique. Même le vote du projet de loi de finances pour 2019 est apparu comme un détail dans une conjoncture aussi tourmentée, où le pays «fonctionne à crédit», selon l'expression de l'un des artisans de l'échec national. A un moment où le sérail se focalise dans un silence assourdissant sur l'élection présidentielle, les Algériens n'aspirent même plus à une véritable démocratie ou à un improbable essor économique, mais simplement et prioritairement à sortir le pays de l'ornière de la violence.