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Ma rencontre avec Abou Amar
Publié dans El Watan le 13 - 11 - 2004

«De toute façon Ramallah est à une quinzaine de kilomètres de Jérusalem, nous pouvons alors d'ores et déjà fixer un rendez-vous», ai-je poursuivi.
Il y eut un long silence et je compris que j'avais commis une bourde. «Savez-vous que tous les territoires sont bouclés, que pour arriver à Ramallah il faut passer par deux check-point, que la Mouquata'a est encerclée par les chars israéliens, et que des snipers sont souvent postés sur le toit de certains des bâtiments proches de la Mouqata'a. Bref, Ramallah est assiégée de toutes parts et en plus il y a un couvre-feu depuis hier», m'a expliqué Tayssir. Je savais que Ramallah tremblait régulièrement sous la menace des chars et des hélicoptères de combat israéliens, je savais aussi que les soldats israéliens avaient même tenté de pénétrer dans ce qui était la chambre et le bureau de Yasser Arafat.
De plus, je savais que des femmes avaient perdu leur bébé dans des check-point et qu'il arrivait même que des soldats israéliens tirent dans le tas. En réalité, je ne savais pas grand-chose du bouclage des territoires, de l'horreur au quotidien, de l'ignominie de la colonisation. «Rappelez-nous lorsque vous serez arrivée à Ramallah, et à ce moment là, on verra comment faire et si on peut faire quelque chose», me précisa Tayssir. Comme je voulais consacrer mon après-midi à visiter quelques quartiers dans la ville, j'avais décidé de passer encore une nuit à l'hôtel dans lequel j'étais installée depuis deux jours et de me rendre à Ramallah le lendemain matin.
En soirée, au restaurant de l'hôtel, j'ai fait la connaissance d'une bonne sœur, une française installée à Jérusalem depuis une trentaine d'années qui me répétait inlassablement qu'elle était neutre, mais qu'«ils exagéraient» tout de même. Ils…les Israéliens. A la fin de la soirée, elle me confia, qu'au début de son installation à la ville sainte, elle n'était ni d'un bord ni d'un autre et que maintenant elle était sympathique aux Palestiniens. «Ces check -point, une horreur ! », me disait-elle. En effet, un véritable cauchemar ! J'en ai eu l'expérience le lendemain en prenant la route pour Ramallah. Deux check -point. Deux changements d'autobus. Deux files d'attente. Devant chaque check -point des Palestiniens attendaient, avec dignité, la bénédiction d'un soldat israélien, dans des nuages de poussière sous un soleil infernal. J'étais à quelques kilomètres de Ramallah et pourtant aucun Palestinien n'osait s'y rendre, tous se dirigeaient vers de petits villages voisins, seuls quelques rares taxis faisaient la navette entre le check-point de Qualandiya et Ramallah transportant essentiellement des étrangers. Tayssir, le collaborateur de Abou Amar fut content de me voir arriver à destination, fallait-il encore que je puisse pénétrer dans la Mouquata'a. Pied de grue, à nouveau, dans un hôtel de Ramallah non loin du quartier général du Raïs. Le couvre-feu avait figé Ramallah.
Des ruines
Les rues étaient vides, les volets des magasins baissés. Il fallait deviner si derrière le coin, un char ne nous surprendrait pas. Même les enfants restaient confinés à l'intérieur des maisons au risque de recevoir une balle. Ramallah était déserte! Spectacle ahurissant. Les chars israéliens montaient la garde autour de la Mouquata'a qui n'était qu'un décor de désolation.
Des pâtés entiers de bâtiments s'étaient effondrés avec leurs grandes poutres de fer tordues et le béton brisé en grandes dalles obliques. Le complexe était réduit à un champ de ruines. Des ruines, encore des ruines, que des ruines. C'est tout ce qu'il restait de la Mouqata'a de Yasser Arafat qui occupait un bâtiment, dont la sécurité avait été très renforcée portes et volets blindés mais qui restait désespérément fragile.
L'homme qui avait alors 73 ans vivait dans des conditions précaires en termes sanitaire et de sécurité. La fenêtre du bureau où il passait ses journées ne pouvait être ouverte sans danger (elle ne l'était donc pas) et il manquait horriblement d'air et de lumière. J'avais réussi à pénétrer dans le complexe à la faveur d'une accalmie dans la surveillance israélienne.
Au cœur du bâtiment Arafat disposait d'une chambre minuscule sans fenêtre, mieux protégée que son appartement officiel, que l'armée israélienne avait directement bombardé. La salle où il se réunissait avec son état-major était étroite, jaunie et vétuste. Il était entouré de tous ses collaborateurs comme pour me dire qu'il était encore le chef. Je me souviens de cette étincelle de lumière vibrante dans les yeux du vieil homme, de la pâleur de sa peau, de son sourire d'enfant, de sa fougue infatigable, de son costume décoré d'épinglettes, de son keffieh minutieusement placé et plié pour qu'il tombe en forme de carte de l'Etat palestinien. Je me souviens surtout de ce tremblement de la lèvre qu'il ne pouvait réprimer et qui traduisait déjà un certain état de faiblesse physique. Saurait-il répondre à nos questions ? Le pouvait-il ? Arafat m'étonna. Il prenait le temps d'élaborer de longues réponses et d'énumérer sans notes toutes les résolutions de l'ONU consacrées à son pays en prenant bien soin de me faire comprendre chacun des points qu'il développait. Ses proches collaborateurs auraient bien aimé qu'il écourte un peu la conversation. Ils craignaient qu'il ne se fatigue inutilement. Le soleil déclinait lentement à l'horizon.
Mais il enchaînait sur le récit des humiliations que son peuple subissait aux mains de l'armée israélienne. Il était redevenu un jeune homme dont le visage montrait des signes de bonheur et de victoire. Il appela même son photographe qui accourut alors qu'il prenait quelques minutes pour «s'ajuster». Il disait qu'il en avait vu d'autres. «Lorsque j'ai quitté Beyrouth, avait-il dit à la fin, on m'a dit : Abou Amar, où vas-tu ?” J'ai dit : “En Palestine”. Maintenant que je suis en Palestine, on me demande encore où je vais. Je dis : A Jérusalem». Ses espoirs auront été déçus. A moins qu'il n'ait entretenu le rêve secret qu'un jour sa dépouille soit déposée à Jérusalem, dans une Jérusalem qui serait enracinée
dans la paix.


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