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Intelligentsia et intellectuels dans le Mouvement national
Publié dans El Watan le 24 - 02 - 2005

Il y a évidemment des écrits fort nombreux qui traitent de telle ou telle personnalité ou de telle et telle catégorie en connexion avec tel ou tel fait ou conjoncture, mais là demeurent le poids et l'effet global du groupe social sur le sens historique qu'a pris le Mouvement national et les conséquences présentes restent, me semble-t-il, à analyser.
La question centrale que l'on peut se poser à la lumière de l'évolution de la société algérienne au regard de l'histoire et qui est déterminante dans la compréhension du présent – le passé ne cessant de faire valoir ses effets – est celle de savoir ce qui a bloqué le processus d'autonomisation d'un intellectuel en Algérie, de saisir ce qui a pu phagocyter la constitution de capacités intellectuelles à produire et à dire du sens, à accomplir une fonction critique afin de peser sur les choix sociétaux ; capacités et actions très abdiquées en faveur de noyaux ruraux et plébéiens, enveloppés dans des manteaux et porteurs de sabres…
Force est de constater que s'est construite historiquement en Algérie, dans les conditions de la dynamique du Mouvement national, une logique anti-intellectuelle. Cette logique trouve ses fondements dans le sort et la place de dominés des intellectuels qu'a produits la colonisation et qu'a approfondis le mouvement social dans sa version nationaliste. Ces caractéristiques d'instrumentation des intellectuels et intelligentsia et le fait que ceux-ci ont été à la remorque du mouvement plébéien ne se retrouvent pas mutatis mutandis dans les autres mouvements nationaux, notamment ceux des pays voisins. Autant en Tunisie qu'au Maroc, les intellectuels ont eu une place sinon centrale du moins relativement importante dans l'histoire du Mouvement national. Cependant, on peut remarquer que là aussi celle-ci n'a pas produit de changements profonds pour ces sociétés même si on peut relever quelques avancées, comme en Tunisie, sur le statut des femmes.
On ne peut en effet rendre compte de ces processus de soumission, d'instrumentation et de marginalisation des intellectuels et intelligentsia algériens si on ne se refère pas à la situation coloniale : d'abord les Algériens ont été faiblement concernés par le système d'enseignement dans ses différents ordres. Jusqu'à la veille du second conflit mondial, les effectifs d'étudiants algériens ne dépasseront guère, même dans les années les plus favorables, une centaine ; ensuite les élites produites étaient instrumentées et scindées selon la langue et le rapport au pouvoir colonial à travers une logique de «démonstration» pour celles acculturées (montrer ce que le pouvoir colonial pouvait faire pour les plus conformes au modèle) et de différenciation pour celles qui avaient pour mission de contrôler la société «indigène» (faire exécuter au nom de la société coloniale mais dans le langage et les codes de la société dominée par les prérequis de la domination).
Un clivage assez net se marque durant cette période, celui qui sépare les intellectuels de formation française, les lettrés réformistes (A. Merad, 1967) des fractions traditionalistes. Nombre d'historiens s'accordent en effet à relever l'importance de cette opposition dont l'indépendance n'a pas été une transformation de nature, mais bien un approfondissement mené jusqu'à la rupture des contradictions qui ont travaillé la formation et le développement des différentes catégories de l'intelligentsia. De manière générale, c'est le primaire supérieur qui fournissait les cohortes les plus nombreuses. Alors que de 1930 aux années 1940, les effectifs du secondaire ne se sont multipliés que par 1,5, ceux du primaire supérieur l'ont été par 3. La plus grande partie de l'intelligentsia produite ne l'était pas par l'enseignement supérieur, mais par le certificat d'études et les cours complémentaires. Ce n'est pas simplement le faible poids numérique de ceux qui vont passer par le haut enseignement français qui handicape l'action des intellectuels algériens ni situation coloniale, ce sont aussi leurs ambiguïtés d'identification, les contradictions qui les ont traversés et séparés et les difficultés qu'ils ne cesseront de rencontrer dans leur affirmation qui affaiblissent leurs influences. Pris dan l'antagonisme société-Etat colonial, ceux-ci ne paraissent nullement porteurs de projets de transformation situés en dehors du rapport colonial. Tournés vers le politique, ils paraissent avoir «un faible impact sur la société». Proches de la société, ils en charrient les scories et les impasses. La réalité de la situation coloniale sera celle de l'intelligentsia du certificat d'études ou du primaire supérieur qui avec les catégories formées par l'enseignement traditionnel religieux, les écoles réformistes ou les universités arabes, confinées et marginalisées, vont former plus dans l'antagonisme que dans la synergie des intellectuels dominés.
Nous retrouvons ce caractère dominé et instrumenté dans les modes de jonction qui vont lier ces catégories de l'intelligentsia aux autres forces sociales, notamment avec la base ouvrière et population en émigration, mais aussi en milieu urbain et rural local. Les étudiants et intellectuels algériens ont, à l'opposé de leurs homologues marocains et tunisiens qui ont été au fondement de l'encadrement du mouvement nationaliste, de ce point de vue un retard sur le mouvement plébéien et populiste porté par l'Etoile nord-africaine (ENA) et puis par le PPA-MTLD. Les étudiants algériens ne se sont portés pour certains d'entre eux vers le radicalisme que vers les années 1950 bien que, dans la période d'entre-les-deux-guerres, ils aient été pour certains d'entre eux dans une logique d'effervescence et de contestation. Au moment de la fondation de l'ENA, on observe qu'il y a peu d'étudiants dans l'ENA.
Les Tunisiens Saleh El Chadli, Ahmed Ben Milad et l'Algérien Kessous avaient été dans le même temps les membres dirigeants de l'AMNAF. On ne peut s'empêcher ainsi de s'interroger sur la faible jonction de l'ENA avec le mouvement étudiant nord-africain, principalement sur l'absence de participation des étudiants algériens dans l'organisation.
Cette relative distanciation envers l'action politique, nous la retrouvons également chez les étudiants algériens qui se sont exilés dans les pays des Proche et Moyen-Orient. La migration intellectuelle algérienne a été là aussi précoce ; elle a oscillé en nombre selon les périodes et les vicissitudes des politiques coloniales. El Azhar recrutait en 1910 autant que toutes les médersas algériennes réunies à la même époque. Les estimations variant de quelques dizaines à quelques centaines d'étudiants selon les pays et la période. Ainsi, on dénombre quelque 1600 inscrits dans le monde arabe en 1960, un peu moins de la moitié résidant en Tunisie, un demi-millier au Maroc, et le reste se répartissant dans tous les autres pays. On observe là aussi que si la syndicalisation et l'associationnisme de ces étudiants ont été ici ou là précoces – encore faut-il observer que dans le monde arabe, ceux d'Egypte ainsi que ceux de Syrie n'organisèrent aucune structure de défense de leurs intérêts avant les années 1950 contrairement à ceux du Maghreb (Tunisie et Maroc) qui, dès les années 1930, fondèrent des associations et des amicales -, ils restèrent quelque peu en retrait par rapport aux idées indépendantistes. Ce n'est là aussi qu'à partir des années 1950 que la jonction se fait avec le Mouvement national dans un rapport de subordination. On relève ainsi dans le témoignage de Lemenouar Merrouche (Harbi, Meynier, 2004) que les étudiants mobilisés pour la formation militaire au Caire et entraînés par le militant marocain El Hachemi Tod se comptaient sur les doigts d'une seule main. Les étudiants au Caire ne formèrent une coordination des associations d'étudiants arabophones de la région pour une participation plus active à l'UGEMA qu'en 1956 et ne furent représentés au congrès de l'UGEMA de Tunis qu'en juillet 1960.
La prise en charge par le Mouvement national des ces catégories d'intelligentsia s'est faite dans l'approfondissement des divisions et d'une sujétion à la direction plébéienne. Ceux qui entrent dans le Mouvement national dans les années 1930 vont se radicaliser dans les années d'après-guerre avec la montée de la contestation et au début des années 1950. Les activistes apparaissaient comme globalement étant le produit des filières moyennes et du primaire supérieur ; les autres, qui se construisaient dans les luttes syndicales et politiques et qui ont constitué des fractions «réformistes», étaient généralement issus des filières de l'enseignement supérieur. Du point de vue des origines sociales, les premiers étaient plutôt d'origine populaire, notamment ceux entrés dans le mouvement dans les années 1930. Ceux qui accédaient après la Seconde Guerre se recrutaient plutôt dans la toute petite bourgeoisie : fonctionnariat colonial employé, petits commerçants, voire pour certains dans la grande bourgeoisie foncière.
L'immaturation du mouvement intellectuel algérien contemporain est bien à rechercher dans les conditions coloniales spécifiques. Quand le Mouvement national algérien plébéien prend en charge les élites algériennes, c'est avec tous leurs stigmates, toutes les insuffisances de leur formation autant intellectuelle que politique – autodidaxie versus populisme – avec toutes leurs contradictions (A. Djeghloul, 1988). Leurs représentations, pratiques et exigences démocratiques s'arrêtaient souvent au seuil de l'espace privé, domestique. Ces contradictions sur les ambiguïtés qui les caractérisent vont perdurer tout au long de la domination coloniale et vont surgir ici et là avec plus ou moins de violence durant la lutte de Libération nationale. Elles seront toutefois momentanément éludées par une nationalisation politique de l'intelligentsia opérée à la prussienne dans le années de guerre.
Ainsi le mouvement estudiantin qui s'était construit dans une dimension régionale intermaghrébine jusqu'à l'après-Seconde Guerre mondiale s'est-il, à l'image de ses composantes tunisienne et marocaine, recentré nationalement au début des années 1950 ; et l'épisode qui a opposé les étudiants de Paris et de Toulouse à l'aile majoritaire animée par B. Abdeslam et Taleb El Ibrahimi à propos de qualificatif de musulman pour la dénomination de l'Union des étudiants algériens témoigne de la nature et de la profondeur de la fracture. Il n'est pas peu paradoxal de remarquer dans cet épisode que ce sont plutôt les intellectuels francisants qui ont voté la confirmation de l'adjonction du «M» (Musulman) au sigle de l'Union des étudiants algériens au IVe congrès de l'UGEMA, alors que leurs compatriotes arabophones issus des universités arabes ont voté majoritairement pour la suppression du «M», affirmant sereinement leur identité algérienne qui n'avait pas besoin, selon eux, d'imposition d'identification fonctionnant sur le mode de l'«autopersuasion» ( Harbi – Meynier, 2004).
Force est de constater que l'entrée des étudiants dans la guerre s'est faite elle-même dans l'ambiguïté. Autant la décision politique qui avait décrété la grève de mai 1956 et celle qui y avait mis fin en octobre 1957 témoignaient, à travers l'absence de consultations préalables, d'une action volontariste impréparée que certains dirigeants trouvaient pour le moins prématurée et lourde de conséquences quant à l'avenir du pays dont l'indépendance leur paraissait inéluctable ; autant les étudiants furent-ils partagés entre ceux qui devancèrent l'appel – notamment les lycéens organisés dans l'AJEMA – et s'engagèrent avec enthousiasme dans la lutte et ceux qui s'inscrivaient dans une stratégie à long terme et pensaient aux besoins de leur société sortie de la domination coloniale. Ces ambiguïtés, où les engagements des uns et des autres n'étaient pas en question, mais où l'enjeu principal était la nature de ces derniers, les modalités dans lesquelles ceux-ci devaient se traduire ne furent pas sans effet sur les représentations que se faisaient les uns et les autres sur la place des intellectuels dans la Révolution et subséquemment sur les pratiques des uns – direction – et des autres, les catégories intellectuelles. La suspicion à l'égard de ce qui était porteur de savoir devenait quasiment une règle : elle se manifeste par un contrôle accru des étudiants en exil pour remettre en place l'«arrogance» de l'étudiant qui, une fois militant, «se croit investi de tous les pouvoirs» (rapport du comité exécutif à Belaïd Abdesslam, archives Harbi. cf. G. Meynier, 2002 ); elle s'égara dans l'élimination, certes suscitée par les interférences de la répression française, de nombreux jeunes diplômés dans les maquis du seul fait qu'ils étaient sortis des institutions d'enseignement colonial. De fait, l'encadrement de la Révolution confirmait bien la marginalisation des diplômés de l'enseignement supérieur et de l'intelligentsia du primaire supérieur.
Ainsi, les 87 membres des organismes directeurs (chiffres cumulés 1954/61) étaient illettrés à 2,7% et de niveau primaire à 45,3% (chiffres cités par Meynier, 2002). Ils étaient issus du milieu ouvrier à 15,9%, permanents du parti à 18,8%, professions libérales à 13%, petits commerçants à 11%, étudiants à 1,4%. Les chiffres sont encore plus parlants s'agissant du niveau scolaire des 29 chefs de wilaya et membres de l'EMG, ceux-ci étaient à 62,1% de niveau primaire (archives Harbi).
On observe ainsi que le milieu intellectuel, celui des diplômés de l'enseignement supérieur, a surtout fonctionné comme vivier où les dirigeants ont fonctionné selon des rapports clientélistes et instrumentalisés des intellectuels. L'encadrement bureaucratique, de ce point de vue-là ; et la colonisation n'ont cessé de faire valoir leurs effets. L'époque coloniale et celle inaugurée par l'indépendance politique se répondent ainsi cinquante années après l'indépendance comme en écho ; dans les deux cas de figure, les catégories intellectuelles n'ont de sens d'existence qu'en tant qu'elles sont instrumentalisées par le politique dans un procès de domination.
L'analyse historique pour le cas colonial et l'analyse sociologique pour le cas national montrent à ce titre que les deux systèmes d'enseignement ont fonctionné et fonctionnent en quelque sorte «à vide» ; dans le premier cas, les «Algériens musulmans» ont été faiblement concernés et les rares élus du système n'ont, à quelques individualités près, pas du tout été intégrés dans les cercles restreints du pouvoir. Il en est de même dans le système actuel, en dépit d'un développement massif de la scolarisation. Le système d'enseignement fonctionnant par l'échec a produit plutôt des diplômés qu'une élite, voire des intellectuels ; le système politique et social a pratiquement fonctionné depuis l'indépendance jusqu'à aujourd'hui avec une «vieille» élite politique qui doit sa place plus à une légitimité historique que scientifique même si l'on peut admettre que le système d'enseignement a produit une élite, on ne peut s'empêcher de remarquer, de la même façon que dans la situation coloniale, que l'élite autochtone n'a pas participé à l'exercice des pouvoirs politiques et économiques ; celle actuelle est restée pour une large part en dehors des sphères de décision, sinon à être technicienne ; ainsi, les deux cas de figure se caractérisent par une circulation bloquée des élites.
S'il en est ainsi, c'est parce qu'il y a de fait une extranéité de l'Etat par rapport à la société – non pas en dehors mais ailleurs, décalé, déconnecté par rapport aux demandes sociales – au système d'enseignement ; ce dernier en effet existe tant qu'il permet de contrôler la société et de la maintenir à distance par rapport au «bloc au pouvoir». Dans cet ordre d'idées, l'accès aux ressources politiques n'apparaît que comme le fait de pratiques de cooptation : l'Etat dans les deux situations historiques fonctionnant selon des critères subjectifs ou ponctuels dans le «vivier» des produits du système d'enseignement.
Cette mise à distance est redevable dans le cas colonial d'un dilemme : acculturer, c'est en même temps éveiller les consciences ; cela peut être référé, dans le cas national, au vieil atavisme soupçonneux d'un noyau rural du pouvoir à l'égard de ce qui est porteur de savoir qui plus est en langue étrangère ; caractéristique que les catégories dirigeantes encore largement issues de l'intelligentsia d'encadrement bureaucratique du Mouvement national reproduisent et approfondissent, confortés en cela par l'émergence d'intellectuels prolétaroïdes (au sens où Max Weber décrit ces «couches (…) munies d'éducation considérée le plus souvent comme inférieure (…) qui ne sont pas liées par les conventions sociales pour ce qui est du sens à attribuer au cosmos, et l'intense passion éthique et religieuse qui les anime n'est pas freinée par des considérations matérielles» (Max Weber, éd., 1971).
Bibliographie :
Mohammed Harbi, Gilbert Meynier, Le FLN, documents et histoire, 1954-1962, Paris, Fayard, 2004.
Amar Hellal, Le mouvement réformiste algérien, les hommes et l'histoire 1831-1957, Alger, OPU, 2002.
Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Paris, Fayard, 2002.
Guy Pervillé, Les Etudiants algériens de l'université française, Paris CNRS, 1984.
Djeghloul, A., La Formation des intellectuels algériens modernes, 1980-1930, in Carlier, O., Colonna, F. et al., Lettrés intellectuels et militants en Algérie 1980-1950, Alger, OPU, 1988.


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