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La crise gagne les cimetières
Livrés à l'oubli et aux herbes sauvages
Publié dans El Watan le 16 - 01 - 2005

Vue sur mer, exposition idéale, voisinage tranquille. Le cimetière musulman d'El Kettar, surplombant la baie d'Alger, fait face à la majestueuse carrière Jaubert. Languide, il étale au soleil sa disposition en étages et dégringole jusqu'au cœur de Bab El Oued, l'un des plus populeux quartiers d'Alger.
L'odeur poivrée de la menthe sauvage qui a poussé sur certaines tombes embaume l'air. Malgré cette atmosphère sereine, l'endroit est dégradé, mangé par les herbes sauvages. A côté des tombes ornées de carreaux de faïence colorés, des gravats, des parpaings et des détritus s'entassent, donnant au lieu un décor lugubre. Perché sur une superficie de 14 ha, El Kettar est l'un des plus anciens et des plus grands cimetières d'Alger. A l'heure actuelle, il est saturé, ou presque. « La crise du logement ne touche pas uniquement les vivants », ironise un citoyen rencontré sur les lieux. Les habitants de Bab El Oued et de Climat de France notamment sont directement touchés par sa saturation. « Il arrive que quatre ou cinq morts se disputent le même trou », affirme notre interlocuteur avec sa touche d'humour. On déterre les anciens et... place aux « nouveaux » ! La végétation est la reine des lieux. Elle fait parfois le bonheur des riverains. En cette belle matinée de janvier, un vieil homme accompagné de ses petits-enfants s'échine à amasser des touffes d'herbe fraîche qu'il fourre dans des sacs. Renseignement pris, il ne s'agit aucunement d'une quelconque opération de nettoyage : la récolte servira à nourrir le mouton de l'Aïd ! Alger, selon Ahmed Djekhnoun, directeur général de l'Etablissement des pompes funèbres et cimetières (EGPFC), compte 141 cimetières toutes confessions confondues : 106 musulmans, 34 chrétiens et un israélite. Un patrimoine historique et religieux très riche qui a tendance à tomber en ruine. « La plupart de nos cimetières sont dans un état de désolation, je vous l'accorde », reconnaît le directeur général de l'EGPFC. « Il y a eu négligence, notamment durant les années de terrorisme qui ont rendu difficile la gestion de ces endroits. Mais les choses ont changé. Ce sont des lieux sacrés que nous avons repris en main. Nous ne faisons aucune différence de traitement entre les confessions et suivons la même procédure pour l'ensemble des sites, avec, notamment, des opérations de désherbage régulières », a-t-il expliqué. Les cimetières chrétiens et israélites, témoins de la colonisation française, sont de véritables musées à ciel ouvert. On y remonte le temps au gré des épitaphes et des photographies qui ornent les sépultures. A Alger, ces lieux ont connu des fortunes diverses. Malmenés pendant la décennie noire, ils n'ont pas été épargnés par les catastrophes naturelles qui ont touché la capitale ces dernières années. « La plupart des dégradations sont causées par la nature. Quand un olivier sauvage pousse sur une tombe, cela provoque son éclatement », souligne pour sa part Alain Bourdon, trésorier de l'Association pour la sauvegarde des cimetières en Algérie (Asca), dont le siège est basé en France. Les vicissitudes de la nature n'ont pas été, toutefois, les seules à avoir détérioré ces lieux sacrés. `
Profanations
Pour notre interlocuteur, « les cimetières français ont également connu un certain nombre de profanations. Des profanations antichrétiennes et antifrançaises. Il y a aussi des profanations liées à un souci de récupération économique. Le marbre des stèles a été volé. Certains cherchaient aussi dans les tombes des bijoux ou des ossements destinés à la sorcellerie. Enfin, des cimetières ont fait l'objet d'un pur vandalisme. Tout le monde a une part de responsabilité : les autorités françaises n'ont rien fait pendant longtemps, les autorités algériennes ne s'occupaient pas des parties communes et les familles à qui incombe la tâche de l'entretien des sépultures. » Le témoignage d'Alain Bourdon est corroboré de façon claire par les réalités du terrain. Le modeste cimetière chrétien de Aïn Benian porte les stigmates du temps et des inondations du 10 novembre 2001. Bordées par des arbres fantômes, dénaturés par le vent, les tombes grignotées par l'air marin sont, dans la plupart des cas, en bon état. Mais certaines ont le ventre ouvert, le marbre craquelé laissant apparaître des fissures importantes. Les éléments décoratifs en fer forgé ont subi, au fil des ans, les assauts dévastateurs de la pluie. Contigu au cimetière musulman, le cimetière chrétien rassemble des tombeaux de familles aux noms qui fleurent bon le métissage. Casanova, Lancelot, Galiana, Llorca, di Meglio... Séparé de la mer par la route, il a quasiment les pieds dans l'eau, rappelant le cimetière marin chanté par Brassens.
Des vivants côtoient les morts !
Premier saisissement à l'entrée du cimetière : il n'y a pas que des morts ici. A gauche du portail, du linge sèche. La famille du gardien y a organisé sa vie. Un chien jaune garde l'entrée d'une chapelle mortuaire, transformée en « annexe » d'un poulailler. Une jeune fille prend le soleil sur un muret et s'enfuit en courant à la vue des visiteurs. Reste un drap qui flotte dans le silence. Et une étrange sensation : comment les vivants cohabitent-ils avec les morts ? Mais ce n'est rien encore... Au cimetière Sidi Yahia vivotent 34 familles. Une situation qui dure depuis des dizaines d'années. Seifdine, jeune homme de 32 ans au sourire doux et désabusé, sera notre guide. Il est né ici, au milieu des tombes. Alors que le cimetière semble assez bien entretenu, les familles s'entassent autour du mausolée du saint Sidi Yahia. Leur histoire personnelle se confond avec la grande Histoire : en 1949, après l'explosion d'une bombe dans La Casbah, des citoyens trouvent refuge ici, dans des habitations qui, alors, se trouvaient en dehors de l'enceinte du cimetière. Lorsque celui-ci est étendu, ils se retrouvent, du coup, à l'intérieur. Chassées par le terrorisme au début des années 1990, d'autres familles sont venues s'installer ici « à titre provisoire ». Mais le provisoire s'est installé dans la durée. Autour du mausolée, les habitations s'imbriquent. La présence de télévisions, de paraboles et de frigidaires crée une sorte de discordance avec la situation sanitaire déplorable. Les intérieurs soignés n'empêchent pas la misère de suinter. Les WC sont dans un piteux état et, après le tremblement de terre de mai 2003, un pan de leur mur s'est même effondré. Les habitations sont terriblement humides et les eaux pluviales dégoulinent à travers les plafonds en tôle ondulée. « Les élus viennent, regardent, font des promesses mais il ne se passe jamais rien. Mon grand-père est rongé par le froid », regrette Seifdine, désignant la peinture écaillée qui s'étale au-dessus du vieil homme alité. Mimoun, l'un des doyens du lieu, a la peau burinée, de petits yeux noirs et vifs et le rire facile. Il montre sa chambre de 16 m2, qu'il partage avec sa femme et 7 autres membres de sa famille. Deux lits sont faits. Le lieu contient une armoire, une commode, un frigo et une vieille cuisinière. C'est tout. Mimoun est arrivé ici en 1955 et n'a pas perdu espoir de déménager. Pour le moment, il montre du doigt les larges traces d'humidité qui rongent les murs et peste contre les insectes qui envahissent l'endroit, surtout l'été. Dehors, Seifdine se faufile entre les tombes pour nous montrer l'endroit où un égout déverse ses eaux usées à ciel ouvert, faisant courir aux habitants des risques de maladie. Pour autant, cet endroit oublié de tous n'en finit pas d'accueillir des nouveaux venus : une famille s'y est installée il y a 3 jours à peine... De nombreux enfants s'égaillent dans les tombes. Drôle d'endroit pour jouer à cache-cache ! « Ce n'est pas normal de grandir dans un cimetière. Beaucoup de gens, ici, ont des maladies mentales », explique Seifdine. La peur de la mort prend ici une résonance particulière et les habitants redoutent un prochain tremblement de terre. Car ils savent que personne ne viendra les aider. Cette situation n'est pas pourtant spécifique au cimetière de Sidi Yahia, 106 familles habitent à El Alia. A l'opposé de cette misère humaine, le cimetière chrétien d'El Madania (ex-Salembier) est ce qu'on pourrait appeler un cimetière... résidentiel. Situé sur les hauteurs d'Alger, il est clôturé par un haut mur d'enceinte immaculé. Un grand et lourd portail en fer s'ouvre sur un très bel endroit, au charme suranné. Le cimetière a gardé son lustre d'antan. De jolis bancs en pierre, de nombreuses fontaines aujourd'hui taries et sans doute l'une des plus belles vues sur Alger et sa baie. Une image de carte postale ! Les lieux semblent bien entretenus. Les pouvoir publics, faut-il le souligner, ont fait des efforts pour réhabiliter les nécropoles de la capitale à l'instar du cimetière de Saint Eugène, à Bologhine, visité par le président français Jacques Chirac en mars 2003. « Le haut du cimetière est en très mauvais état, mais j'ai fait le pari de le rénover », explique le premier responsable de l'EGPFC, dont les bureaux donnent directement sur le cimetière. « 80% du lieu sont en bon état. Même si l'entretien des tombes revient aux privés, nous en avons remis certaines en état, notamment celles qui avaient été profanées », dit-il en montrant des coulées de béton récentes. Les palmiers donnent un air de villégiature au plus grand cimetière chrétien d'Alger (18 ha). Ici, sont enterrés des hommes de lettres, des politiques, des consuls, des proviseurs... Les plus grandes familles sont enterrées dans la partie basse du cimetière et les militaires ont leur propre carré, remis à neuf. Les croix blanches et trapues parsèment une herbe veloutée. L'exception : une tombe, plus haute, plus large, entourée d'un grillage ouvragé. C'est celle de Mme Garcin, décédée le13 octobre 1894 et mariée en 1831 à Breuil, maître cordonnier des Zouaves. Il s'agirait du premier mariage d'une Française en Algérie. Une autre porte s'ouvre et c'est le cimetière israélite. Les inscriptions en hébreux côtoient l'alphabet latin. Des photographies laissent entrevoir une moustache passée de mode ou une mise en plis impeccable. Des sourires figés dans une jeunesse oubliée. Ce cimetière possède deux magnifiques monuments restaurés dans le style oriental, dont un abrite les restes de plusieurs grands rabbins revenus d'Espagne au XVè siècle. Les tombes sont plus souvent entourées de béton et non de terre battue, ce qui évite aux herbes sauvages de pousser dans tous les sens. Malgré tout, la nature se développe sous les dalles, craquelle le béton et certains tombeaux sont de guingois suite aux récentes secousses sismiques. Au-dessus de ces tombes juives, la basilique Notre-Dame d'Afrique veille, ses ocres se détachant sur le bleu du ciel. Soudain, l'appel à la prière résonne. La croix, l'étoile et le croissant sont réunis dans ce lieu paisible.


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