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20 avril : l'espoir se conjugue au printemps
Publié dans El Watan le 26 - 04 - 2009

Le printemps est la saison du renouveau. La terre se réveille de sa longue torpeur hivernale. La flore bourgeonne à la faveur d'un réchauffement sensible de l'air et de la fonte des neiges qui lèvent la chape blanche de l'hiver sur la végétation endormie. Beaucoup d'animaux mettent bas en cette saison après une longue gestation. La vie reprend ses droits sur la mort, offrant mille facettes de sa beauté et de sa générosité à l'homme, un tant soit peu attentif.
Etre naturel, l'homme lui-même est touché par la grâce du printemps. C'est la saison des amours, de la joie de vivre, des promesses de bonheur comme autant de récompenses des durs labeurs des autres saisons. Au printemps, tout invite à l'insouciance des lendemains, tout porte à la rencontre de l'autre dans un irrésistible élan des corps et des esprits qui sont à la fête. Ce n'est pas un hasard si, chez de nombreux peuples de la planète, les fêtes traditionnelles – païennes – ont lieu au printemps, dans une sorte de communion de l'homme avec la nature. Et ces fêtes prennent encore parfois le dessus sur les fêtes religieuses, plus cérémonieuses, moins enclines à célébrer le renouveau de la nature, moins portées sur les réjouissances d'ici-bas de l'homme naturel.Sans doute l'homme est-il aussi un être social qui a inventé d'autres modes d'être que le mode d'être animal de ses origines, d'autres formes de réjouissances que celles de communier avec la nature. En société, il est d'autant plus éloigné, semble-t-il, de la nature que la cité est urbanisée, bitumée, que la vie est artificialisée. Alors ce ne sont pas seulement les rapports de l'homme à la nature qui changent de contenu : les relations des hommes entre eux changent aussi de contenu, de modes (et de symboles) de représentation, de formes d'expression.
Le printemps est comme vidé de sa force régénératrice que seuls les poètes semblent avoir encore le don de percevoir – et de chanter – par-delà l'amoncellement des artifices humains, par-delà la vanité des hommes. La vanité des hommes n'est pas dans leur soif de progrès, dans leur vouloir de tout comprendre, tout expliquer, elle est dans leur rage de vouloir tout se soumettre : les forces de la nature bien sûr, ses lois, mais aussi les autres hommes, leurs semblables, dont ils cherchent à réduire par tous les moyens la volonté, à casser la résistance, à mettre en cause jusqu'à l'existence. Tant de peuples ont souffert, dans l'histoire mouvementée de l'humanité, tant d'exactions, tant d'avanies qu'il faudrait des volumes entiers pour seulement en dresser le répertoire !Mais toujours l'espoir renaît, comme au printemps la vie elle-même. Comme si la nature avait mis dans chaque être vivant une force irrépressible de régénération. Ainsi les peuples se mettent-ils à secouer leur léthargie, les esprits à bourgeonner et les révoltes à naître.
Des révoltes il y en a eu tant et tant dans l'histoire depuis l'Antiquité ; peut-être autant que de printemps ! Certaines ont eu raison immédiatement de l'oppresseur du moment, d'autres ont échoué dans cette entreprise. Toutes auront contribué néanmoins à transformer l'ordre existant, les dernières nommées agissant parfois comme des bombes à retardement. Et quand ces révoltes-là ont lieu au printemps, c'est comme si la nature elle-même prêtait main-forte aux révoltés contre les gouvernants, comme si le besoin de renouveau se faisait aussi sentir dans la société. Alors le régime a beau réprimer, le germe de la contestation a déjà pris dans le sillon de la vie et l'épi est sur le point de se former. Il en a été ainsi de tout temps. Parfois la révolte se mue en révolution, débordant le cadre étroit d'une région, d'un pays, d'un continent même, quand l'exigence du progrès social l'emporte sur d'autres considérations et s'universalise. D'autres fois, elle reste localisée, désignant à la vindicte publique avec d'autant plus de vigueur le surcroît d'oppression qui s'abat sur la population de telle région. Les formes d'oppression sont légion : ethniques, linguistiques, culturelles, cultuelles, morales et psychologiques ; autant de dimensions de l'être collectif d'un peuple, de son identité. Souvent la négation d'autrui s'accompagne de la tentative de son assimilation, comme si d'être différent, il mettait en question non seulement l'ordre régnant, mais l'être collectif de ceux au profit de qui il est établi. Alors les moindres faits et gestes deviennent des actes répréhensibles aux yeux des gouvernants ; les paroles les plus anodines ont valeur à leurs oreilles de manifestes politiques. C'est que les régimes autoritaires, qui se sont arrogé le monopole des droits politiques, vivent dans la hantise d'en perdre un jour le bénéfice au profit des forces de changement, du renouveau.
Et c'est vers le passé qu'ils se tournent pour se légitimer, un passé évidemment mythifié, arrangé, travesti(1) au besoin pour couler dans le moule de l'histoire officielle. Mais l'histoire réelle, celle qu'alimentent révoltes et révolutions, suit son propre cours, enfouie au plus profond de la mémoire collective pour ne refaire surface qu'aux moments cruciaux du devenir social ; moments de grande tension où la vie de chacun semble ne plus avoir de sens – et de raison d'être – que ce que lui confère de sens – et de raison d'être – la survie de la collectivité, c'est-à-dire la défense des attributs de la culture et de l'identité qui forgent la personnalité dî'un peuple ou d'une cîommunauté. De là, le caractère souvent spontané des révoltes populaires parfois condamnées d'avance à l'échec tant le rapport des forces entre les gouvernants et les révoltés est disproportionné. N'empêche ! La révolte devient le symbole même de la dignité de l'être collectif de tout un chacun et la preuve de sa vitalité. Rejoignant les luttes passées, elle formera une nouvelle couche sédimentaire dans la mémoire et la conscience des générations qui ne sont pas encore nées. Révoltes et révolutions se heurtent fatalement à des jamais engoncés dans leurs bons droits et leurs certitudes. Et, fatalement, elles en viennent à bout. Le 20 avril est de ces dates qui comptent dans l'histoire non officielle de l'Algérie. Il a levé un pan entier de la chape de plomb qui couvrait le pays depuis l'indépendance. Il commémore des événements qui auraient pu ne pas se produire en 1980, tant le motif qui les a suscités pouvait paraître dérisoire aux yeux des sujets – citoyens sans droits politiques – que nous étions devenus au fil des années sous un régime omnipotent de gouvernement. Une simple conférence sur un sujet (la poésie kabyle ancienne) qui ne promettait d'intéresser qu'un public d'initiés n'était-ce la personnalité du conférencier (Mouloud Mammeri), avait été interdite par les autorités, donnant ainsi le coup d'envoi au cycle infernal des manifestations-répressions, dont on ne sait par quel miracle il n'a pas fini dans un bain de sang.
Mais ces événements devaient se produire de toute nécessité en réaction au déni d'identité que non seulement les Kabyles de Kabylie, mais tous les Algériens berbérophones portaient comme un fardeau sur leur conscience, dont seul le poids variait en fonction de leur niveau de pratique de la langue amazighe et de leur degré d'attachement à ce qu'elle véhiculait de leur personnalité. L'interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri s'inscrivait dans le prolongement de décisions de bien plus grande portée en vérité, tendant à arabiser au pas de charge le pays. Bien entendu, la Kabylie était la première visée. Le mot même de Kabylie (pourtant d'origine arabe avérée) était banni. La JSK en avait fait les frais et dans son sillage les autres clubs sportifs du pays qui avaient perdu du coup leur nom, leur autonomie et en fin de compte leur efficacité. L'école, déjà fortement ébranlée par le recul programmé de la rationalité, était maintenant livrée à de prétendus enseignants venus d'Egypte et des autres pays du Moyen-Orient qui y trouvaient la possibilité inespérée d'exercer leurs talents de prédicateurs… et de chantres de l'arabisme en l'Algérie. Plus tard, l'environnement social et le cadre de vie allaient aussi connaître l'arabisation forcée(2).
Aussi, la révolte du 20 avril 1980 couvait-elle en réalité depuis 1963 pour ne rien dire de la période antérieure à l'indépendance. Chacun portait en soi l'indéfinissable sentiment de rancœur collective de ne pouvoir, l'indépendance recouvrée, parler publiquement sa langue, célébrer les dates marquantes de son histoire, glorifier ses héros et martyrs, passés à la trappe de l'histoire officielle, et de devoir se renier pour se faire accepter. J'ai souvenance de ce sentiment, vécu à un degré paroxystique tant l'idéologie de l'arabisme(3) avait tout plombé, imprégnant la mentalité des petites gens et l'attitude des gouvernants - jusques et y compris du fonctionnaire le plus insignifiant. On était comme exilé dans son propre pays, sans même devoir traverser la mer ainsi que le poète l'avait chanté(4). Vingt ans après… à l'orée du troisième millénaire, les leçons du 20 avril paraissaient si lointaines que, de nouveau, la Kabylie souffrit dans sa chair, par la faute de ceux qui étaient censés représenter l'ordre et assurer la sécurité. Ironie de l'histoire, signe mystérieux de son insondable cours ou manigances de sérail des tenants d'un régime finissant mais toujours renaissant(5) ? De nouveaux événements ont eu lieu en Kabylie en 2001 à deux jours de la date anniversaire du 20 avril, au printemps, un printemps ensanglanté ! Mais le sang n'est-il pas, dans le rapport osmotique de l'homme à la terre, comme la rosée de printemps sur les tiges prometteuses du blé en herbe ? Puisse le printemps 2009 augurer d'une prise de conscience nationale du caractère salutaire de la diversité culturelle en Algérie et disqualifier tous les tenants de l'unicité de pensée et d'action.
Notes de renvoi
1- Le travestissement peut aller jusqu'au sadisme : en Algérie, les autorités politiques n'ont pas trouvé mieux que de faire coïncider l'inauguration de la manifestation Alger, capitale de la culture arabe, avec le jour de l'an berbère – le 12 janvier 2007 – qu'elles se refusent obstinément à ériger en jour férié.
2 - Qui ne se souvient de la décision d'arabiser les noms de lieux, singulièrement les noms de villes ? Skikda devenait ainsi Es-Soukaïkida. Le ridicule ne tue pas dit-on. En Algérie, il peut même élever dans la hiérarchie sociale ses partisans.
3 - La tentation de l'arabisme n'a pas désarmé. Durant le Ramadhan 2004, un téléfilm en trente épisodes sur Lalla Fathma N'soumeur a été coproduit par l'ENTV et je ne sais quelle autre chaîne de télévision arabe. Le tournage a eu lieu entièrement hors du pays (Syrie) et les personnages (dont Lalla Fathma N'soumeur) s'exprimaient dans un arabe châtié. Piètre consolation pour les Algériens berbérophones, même les généraux français parlaient la langue d'El Moutannabi.
4 - Lounis Aït Menguellet.
5 -Effet d'annonce électoraliste ou sincère confidence ? En campagne pour sa réélection, le président de la République a avoué, lors du meeting tenu à Tizi Ouzou vendredi 27 mars 2009, ne pas savoir aujourd'hui encore qui était derrière les événements de Kabylie. Bien étrange aveu de sa part, au moment où il sollicitait de nouveau les suffrages de la population de la région ! Un bien étrange sens des responsabilités aussi.
La première version de ce texte a été publiée en avril 2006 dans la revue Passerelles.
L'auteur est universitaire


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