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Où va l'université algérienne ?
Publié dans El Watan le 10 - 11 - 2007

Cela s'est aussi caractérisé par une baisse sensible du «niveau» pédagogique et scientifique des uns et des autres, un départ d'un nombre important d'enseignants-chercheurs sous d'autres cieux plus cléments, une gestion approximative basée juste sur l'achat de mobiliers et/ou la construction d'infrastructures immobilières, ainsi qu'un retard important dans la mise en place effective (et efficace) des moyens modernes de communication, en particulier, Internet.
Quant à la réorganisation des enseignements, dupliquée sur le système anglo-saxon, et intitulée LMD, elle patauge parce qu'elle est mise en place par mimétisme, sans convictions et sans tenir compte des spécificités de l'environnement et de la culture nationale, ni des pathologies de l'université algérienne.
Cette université, notre université, est aussi le point de rencontre d'enseignants et de scientifiques, d'intellectuels et de penseurs, de jeunes étudiants et de futurs cadres. Et nous l'aimons, malgré toutes les difficultés et vicissitudes pour s'y épanouir.
Malheureusement, force est de constater que la formation universitaire actuelle offre peu de possibilités aux jeunes de développer leur potentiel personnel et de se réaliser dans un environnement scientifique et culturel adéquat. Un grand nombre d'échecs, une formation qui ne paraît pas en harmonie avec le marché de l'emploi, l'absence de débouchés professionnels pour de nombreuses filières (souvent ouvertes sans réflexion globale préalable, ni stratégie ni définition claire d'objectifs) ainsi que la démobilisation de beaucoup d'enseignants, malgré un budget important, sont sources d'inquiétude. En plus de tous les problèmes vécus par la communauté universitaire, la promulgation de la nouvelle grille des salaires de la Fonction publique a confirmé tout le mépris des centres de décision nationaux vis-à-vis de ceux qui sont
censés former les citoyens et les cadres du pays.
Ainsi, avec le cœur gros comme ça, le moment est venu de résister et d'alerter, de dire qu'il est encore possible de construire une université à la mesure du talent d'une grande partie des enseignants et des chercheurs qui la peuplent, du sérieux de beaucoup d'étudiants qui la fréquentent, pour un rayonnement futur de l'Algérie. Si nous restons inertes, des bribes de solutions partielles apparaîtront toutefois dans les prochaines années de manière ponctuelle et anarchique, comme a été gérée la récente crise de la pomme de terre, avec une incompétence et une témérité sans égale(1).. Pour éviter cela, il nous semble qu'il vaut mieux avoir, dès aujourd'hui, une approche systémique, une démarche constructive et volontariste pour maîtriser et orienter les événements, plutôt qu'une attitude passive d'où l'on guetterait les solutions proposées par les autres (comme le LMD), qui ne donnerait pas forcément des résultats probants chez nous. L'approche systémique assemble, articule et produit une pensée qui donne à comprendre le fond des choses dans ses largesses et usages. Elle autorise en plus à entrer dans la globalité pour la voir et la décoder dans toute l'ampleur qu'elle offre. C'est une méthode qui détecte les liaisons, attaches, articulations, solidarités, implications, imbrications, interdépendances, complexités. Cette approche permettra de mieux comprendre les problèmes de l'université, insérée dans un système politique, dont les acteurs essentiels sont les enseignants et les étudiants.
En utilisant cette démarche globale, on découvre que la descente aux enfers a commencé vers la fin de la décennie 1970, lorsque le pouvoir politique a intensifié la répression de la pensée moderne et tolérante, intellectuelle et critique et encouragé les visions islamo-baâthistes, sur fond d'afflux massif des étudiants, pour assurer les équilibres qui lui permettraient de perdurer (comme l'a décrit Ali Bahmane dans la rubrique «Commentaire» de votre quotidien El Watan du jeudi 17 novembre 2005, où il y a résumé l'état de l'université algérienne). Cette montée en masse des étudiants a profondément modifié le mode de gestion de l'université algérienne et sa façon de concevoir ses enseignements et ses modes d'évaluation et progression pédagogique. A une demande composée de jeunes gens et de jeunes filles mal préparés, ne maîtrisant pas le code de communication usité dans les amphithéâtres (français pour les sciences et techniques), les autorités ont répondu par une offre de moindre qualité, en aménageant les exigences à la baisse et en recrutant des enseignants souvent peu qualifiés, et parfois même médiocres.
Il est aussi utile de rappeler que l'université, envisagée de manière canonique, est d'abord un lieu où sont enseignées des matières au niveau le plus élevé de la connaissance, qui sont produites pour l'essentiel dans les universités elles-mêmes(2). A la différence d'autres établissements de formation, l'université se caractérise par l'alliance, en un même endroit, de l'enseignement et de la recherche. Chez nous, malheureusement, la recherche n'est que «diplômante», n'irrigue pas les enseignements et ne prend pas en charge les problèmes concrets qu'exige le développement de notre pays. Comme d'autres acteurs et observateurs de la situation universitaire, je me demandais ces dernières années, quand l'Etat, fort de ses prérogatives, allait prendre les choses en main, pour mettre en place un système qui valorise le mérite et la compétence et permettre ainsi aux enseignants-chercheurs de s'épanouir dans leur milieu professionnel et de produire. Et pourquoi pas sortir l'université du marasme dans lequel elle végète. Depuis, un des actes de replâtrage les plus sensibles décidé et mis en place ces dernières années a été l'augmentation substantielle du budget de la recherche, effort consenti pour se rapprocher un tant soit peu des standards internationaux, liant ce budget au PIB. Mais à côté de cela, il n'y a eu aucune définition claire des objectifs à atteindre et aucun suivi effectif des résultats. Les évaluations ne sont que quantitatives et la qualité est absente de tout critère d'appréciation.En ce qui concerne les enseignements, les efforts doivent être conjugués pour relancer la formation et la recherche pédagogique et didactique. Vu la faiblesse criante de notre recherche scientifique(3), il faut une politique innovante pour aboutir à un enseignement de qualité qui doit, en plus de l'instruction qu'il transmet, de la rigueur qu'il doit véhiculer, apporter un état d'esprit, de la méthode et un socle complet de concepts de bases qui permettront aux diplômés de s'insérer le plus rapidement et le plus efficacement dans le monde professionnel et social en tant que citoyens conscients des grands enjeux actuels, avec une curiosité et un sens critique toujours en éveil(4). Si on veut des avancées notables, c'est à ce niveau-là (pédagogie et didactique) qu'il faut mettre le paquet.
Pour ce qui est de l'inadéquation entre le monde professionnel et l'université, le marché du travail a aussi sa part de responsabilité, une grande part de responsabilité. D'abord parce qu'il n'est pas conforme, n'ayons pas honte de le dire, aux règles et mécanismes classiques d'une économie de marché. Ensuite, parce que les besoins de nos entreprises ne sont jamais clairement définis et les aptitudes et compétences recherchées nullement identifiées. Il suffit pour cela de lire les annonces pour le recrutement dans nos sociétés, pour comprendre que la gestion des ressources humaines est une fonction défaillante des organisations. Le marché est ainsi incapable de prévoir les emplois de demain. De plus, il ne faut pas se voiler la face, mais il est triste de rappeler que les principaux critères de recrutement qui ont sévi à ce jour sont le copinage, le «clanisme» et le «tribalisme». En usant de cette approche systémique, j'ai essayé de comprendre pourquoi une démotivation criante emplit les effectifs enseignants. Comprendre pourquoi les premiers responsables n'ont jamais mis en place les conditions qui amèneront les enseignants-chercheurs à travailler avec acharnement et donner le meilleur d'eux-mêmes et qui soient contigus à des mécanismes de contrôle et de régulation. Pourquoi n'y-a-t-il pas une politique de motivation clairement affichée et formalisée ? Ainsi, la motivation implique nécessairement que les besoins individuels se montrent compatibles et cohérents avec les objectifs organisationnels.
Or dans la hiérarchie des besoins telle que définie par A. Maslow, l'enseignant universitaire algérien, avec une rémunération dérisoire (en rapport avec le coût de la vie et au statut professionnel), n'arrive même pas à satisfaire ses besoins primaires et physiologiques convenablement et décemment. Et les décideurs doivent comprendre que les besoins insatisfaits ou bloqués exercent une influence négative sur les attitudes et les comportements au travail.
Ainsi, l'enseignant se départira de son rôle d'intellectuel, rôle qui l'oblige à penser le monde pour le réformer, pour se draper des oripeaux de celui qui cherche à arrondir ses fins de mois pour une vie décente et meilleure.
Quand on sait que pour la même fonction, les autorités de notre pays s'apprêtent à payer les étrangers(5) qui seront (ou sont ?) recrutés, dix fois plus que les autochtones que nous sommes, oui dix fois plus, excusez du peu, alors on comprendra pourquoi même les motivations intrinsèques, existantes chez beaucoup d'enseignants algériens, s'altèreront et se désagrégeront aussi vite que se ramassent les feuilles mortes en cet automne. Et un sentiment d'iniquité et d'injustice planera dans les amphithéâtres….
De plus, il me semble que le mode de désignation des responsables des universités (recteurs et doyens) doit être plus transparent et plus démocratique. En effet, pourtant bardés de diplômes, ces derniers n'ont souvent ni la verve, ni le ton, ni le leadership pour convaincre de leurs capacités à manager les institutions universitaires. Ils sont juste la véritable continuité du système, un système qu'ils consolident par leur gestion. Les critères auxquels ils semblent avoir répondu pour être «placés» à ces postes, doivent reposer essentiellement sur le degré de docilité, d'allégeance et de complaisance auquel ils s'obligent d'être capables tout au long de la période pendant laquelle ils ont à charge «les affaires» de l'enseignement supérieur(6).
Ainsi, les diplômés universitaires, chômeurs ou non, compétents ou non, ne sont que le produit d'une situation globale (un système), économique et sociale dégradée, que les décideurs et hommes politiques algériens refusent de voir et où les secteurs de l'éducation et de l'enseignement supérieur, parents pauvres, ont sûrement leur part de responsabilité.
C'est à partir de tout ce que je viens de citer ci-dessus, en initiant le changement par la qualité dans notre contexte socioculturel, en innovant dans l'organisation et le fonctionnement des enseignements universitaires, en trouvant nos solutions à nos problèmes, en réinventant la pensée moderne et la tolérance en Algérie, en inculquant aux futurs diplômés la liberté de penser et l'esprit critique, qu'on aspirera au repos bien mérité, puisque la satisfaction du devoir accompli et la certitude d'avoir formé les scientifiques et citoyens de demain, qui s'insèreront sans difficulté dans le monde socioprofessionnel, nous conforterons dans les choix que nous aurons faits les voix nouvelles que nous aurons ouvertes ainsi que les convictions et les principes que nous aurons défendus avec motivation.
Notes de renvois
1) Oukazi Ghania, Un système politique et des contradictions,
Le Quotidien d'Oran du 25 octobre 2007, n°3910, Algérie.
2) Javeau Claude, Masse et impuissance, Editions Labor, Bruxelles, Belgique, 1998.
3) La proportion de publications scientifiques algériennes est de 0,36%. Traduit en visibilité (nombre de fois où un scientifique algérien est cité), ce taux est ramené à moins de 0,01% toutes disciplines confondues (Isi, 2001), in El Watan n°5157 du 25 octobre 2007.
4) En effet, juste pour montrer l'importance de l'esprit critique, je rappelle la phrase de K. Lippmann : «Quand tout le monde est du même avis, c'est que personne ne réfléchit !»
5) Pour éviter toute perception sélective de mes écrits, je voudrais dire que je n'ai rien contre l'arrivée d'enseignants étrangers, surtout si on arrive à drainer des compétences avérées qui maîtrisent la langue d'enseignement et qui se satisferont des mêmes rétributions…
6) Partie empruntée à G. Oukazi (article cité ci-dessus), concernant à l'origine les walis, qui me semble très bien s'appliquer aux responsables universitaires et même à tous les responsables nationaux.


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