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«Les Libyens sont les victimes consentantes d'un régime usé»
Publié dans El Watan le 01 - 09 - 2009


Entretien réalisé
– La Libye et El Gueddafi fêtent aujourd'hui leur 40e anniversaire commun. On a l'impression que l'histoire de ce pays se confond désormais avec son guide…
– Effectivement, il y a une confusion entre l'homme du 1er septembre 1969 et l'histoire récente de son pays. Plus de la moitié de la population actuelle de la Libye est née sous le règne de El Gueddafi, d'où une confusion certaine entre l'homme et le pays. A 69 ans, El Gueddafi présente un règne qui aura été rarement dépassé dans l'histoire. Je pense qu'il n'a qu'un seul aîné dans les pays autoritaires, Castro, à Cuba. En revanche, il doit être le plus ancien des chefs d'Etat africains, après la mort de Bongo. Depuis l'indépendance, les Libyens n'ont connu que deux hommes, le roi El Sanoussi et El Gueddafi, dont le règne est interminable.
– Quel regard posez-vous sur le parcour de la Jamahiriya depuis 1969 ?
– Dans sa forme constitutionnelle, la Jamahiriya n'a pas de précédent dans l'histoire récente. Son guide, qui décide de tout, n'est ni responsable ni coupable. Il a pu faire le tout et son contraire sans devoir rendre compte à son peuple. Il a financé des mouvements de libération nationale comme des mouvements terroristes. Il a pratiqué le terrorisme avant de se repentir. Il s'est aligné sur l'Union soviétique avant d'intégrer l'Alliance occidentale. Il a été un champion de l'arabisme avant de rompre avec le monde arabe et de se tourner vers le continent noir, dont il se veut être l'illustre champion. Une seule chose n'a pas changé : El Gueddafi a hermétiquement verrouillé sa position de guide incontesté de la Jamahiriya.
– Quels sont, d'après-vous, les secrets de cette longévité d'El Gueddafi à la tête de la Libye ?
– On se demande si la majorité du peuple libyen est très exigeante, car comment ne pas contester un règne aussi long avec un bilan aussi maigre pour le pays, tout en étant très lucratif pour le guide, sa dynastie et son clan ? Ce règne est sans doute dû à un savoir-faire inégalé dans la gestion des ressources humaines, des finances ; un système qui ne permet pas la moindre instauration de baronnies. El Gueddafi veille sur tout, il a instauré un pouvoir vertical dans lequel les «barons» ne peuvent rester longtemps à leur poste, ni s'allier ni communiquer entre eux, mais doivent se référer systématiquement à lui. A cela s'ajoute une capacité de s'adapter au rapport de forces international, sans oublier que derrière l'apparence de «clown» que cherche toujours à donner de lui le guide libyen, il y a une intelligence supérieure, destinée à semer les étrangers, l'opposition intérieure et son peuple. Pour s'imposer, El Gueddafi a réprimé ses opposants, notamment, grâce aux comités révolutionnaires, véritable Etat dans l'Etat, qui ont les coudées franches et qui ne reculent devant rien.
– El Gueddafi a réussi à immuniser son pays contre la «contagion» démocratique. La société libyenne est-elle à ce point soumise pour ne manifester aucune volonté de changement ?
– J'ai du mal à voir par où la contagion démocratique pourrait toucher la Libye, puisque ses voisins qui organisent les rendez-vous électoraux ont réussi à les rendre creux, car dépourvus de toute possibilité d'alternance par les urnes. Et la démocratie européenne est loin de franchir la Méditerranée, du nord vers le sud. Pourtant, El Gueddafi prétend que son régime constitue la seule véritable démocratie qui existe au monde. Sans doute serait-il le seul à devoir y croire. D'ailleurs, comment parler de démocratie dans un pays qui accuse de «haute trahison» toute personne qui s'attellerait à créer un parti politique !
– D'un Etat «terroriste», la Libye est passée au statut de pays «fréquentable», voire recommandable. Il faut reconnaître que El Gueddafi a fait tourner la tête à tous les dirigeants occidentaux. Comment expliquer ce changement de ton spectaculaire ?
– Trois raisons expliquent ce revirement. La première, c'est l'effondrement de l'URSS, qui a rendu caduque l'alliance jadis constituée autour de Moscou. El Gueddafi a compris qu'il était allé trop loin et que pour survivre, il devait passer par le «purgatoire» et les sanctions de l'ONU, qui ont beaucoup nuit au peuple libyen. Vient ensuite l'invasion de l'Irak, sanctionnée par un échec. Bush ne pouvait plus administrer à El Gueddafi la leçon infligée à Saddam. Mais le guide s'est avisé à temps pour faire son mea-culpa et abandonner le programme d'armes de destruction massive au bon moment. Sous l'égide de Tony Blair, il a entamé sa reconversion et sa réhabilitation internationale, qui a été officialisée en décembre 2003. Avec cette troisième phase, la réhabilitation de la nouvelle Libye était lancée, avec la promesse d'un eldorado relevant de l'eldorado irakien, lequel n'avait pas tenu ses promesses. C'est alors que El Gueddafi a commencé à prendre sa revanche. Et de paria, il est passé maître dans le choix de ses amis, alors que ceux qui le courtisent sont légion. Il les a obligés à avaler les couleuvres qu'il leur présentait pour entrer sur le marché libyen. El Gueddafi a réussi à transformer les points noirs en valeur ajoutée, à l'image de l'affaire des infirmières bulgares. Il a monnayé la libération de ses «otages» en s'achetant une virginité avec la France. D'où le séjour d'une semaine à Paris en décembre 2007 et sa tente légendaire plantée en face de l'Elysée. Tony Blair a joué un rôle essentiel dans ce parcours de réhabilitation et de parrainage de la relation américano-libyenne. Sa place de parrain d'El Gueddafi a été remise en cause par Berlusconi, lequel fait désormais plus de déplacements sous la tente du guide que Tony Blair. Ces deux pays ont touché les dividendes de leur politique.
– Il est quasiment certain que Seif El Islam El Gueddafi va hériter du trône de son père. Faut-il faire le deuil d'une démocratisation de la Libye ?
– Le système El Gueddafi a fait de Seif le chef de l'opposition de sa majesté son père. C'est le visage moderniste de la Libye à l'étranger. Il remplit cette fonction d'ambassadeur extraordinaire de Tripoli auprès des démocraties occidentales. Ses propos peuvent plaire en Occident, mais n'ont que très peu de portée sur la scène libyenne, car Seif se heurte aux intérêts bien ancrés des comités révolutionnaires et de l'ancienne garde, qui profitent du régime. L'autre candidat à la succession est son frère, Motassem Billah, qui est en charge de la sécurité et coordonne la lutte antiterroriste à l'échelle internationale. El Gueddafi n'a jamais désigné son successeur, car il n'est pas pressé de s'en aller. Mais il a préparé deux successeurs : l'un pour le cas où l'environnement international exigerait un homme d'ouverture et de détente du régime, et l'autre pour le cas où la situation interne serait tendue et exigerait que le pays soit tenu d'une main de fer, en coordination avec les redoutables comités révolutionnaires. Cela dit, la Libye n'a pas de Constitution, et on ne sait pas comment se déroulera la succession le jour venu. Théoriquement, le clan tribal se réunit sous l'égide de son aîné. Actuellement, c'est le général Sayyéd Kadhafeddam, le cousin du guide, qui est le doyen de la famille. C'est alors que le clan désignera le successeur du guide et lui prêtera allégeance. Y aura-t-il un consensus sur le nom d'un de ses fils ? Ou bien opteront-ils pour une gestion collégiale qui paralysera le pouvoir ? Ou encore se déchireront-ils sur la captation de l'héritage ? Personne ne peut le savoir.
– Ne pensez-vous pas que le pétrole et le gaz libyens font saliver d'envie les dirigeants occidentaux au point de fermer les yeux sur la nature du régime d'El Gueddafi ?
– Les premiers concernés par l'avenir du régime sont les Libyens eux-mêmes, qui sont les victimes plus ou moins consentantes d'un régime usé, mais qui se perpétue. Les Occidentaux ont tenté, par divers moyens, d'évincer El Gueddafi : des bombardements de l'aviation américaine sous Reagan, en 1986, aux actions subversives montées par les Britanniques dans la décennie suivante, sans oublier la confrontation franco-libyenne relative à la bande d'Ouzou, au Tchad, ainsi que l'embargo décrété par le Conseil de sécurité de l'ONU… Toutes ces actions n'ont pas fait tomber El Gueddafi. Après le 11 septembre, et surtout l'échec de l'expérience irakienne, c'est-à-dire le renversement d'un dictateur et l'instauration d'une démocratie dans les pays arabes, une nouvelle doctrine est apparue, celle de privilégier la stabilité des régimes autoritaires pour ne pas avoir à gérer les conséquences de leur chute. Cela correspond aussi à une envie généralisée de courtiser El Gueddafi pour bénéficier de contrats juteux, que ce soit dans les hydrocarbures, les infrastructures ou la modernisation d'un pays qui a beaucoup souffert de l'embargo.
– Pourriez-vous esquisser le profil psychologique d'un personnage aussi spectaculaire qu'El Gueddafi ?
– El Gueddafi s'avère être un personnage narcissique et mégalomane, mais qui garde les pieds sur terre et sait organiser sa propre communication. C'est un homme tatillon, qui intervient dans tous les détails du quotidien : de la nomination des sous-officiers, comme du transfert du budget mensuel de chaque ministère… Il veille au grain, parce qu'il est d'une nature extrêmement méfiante. Il doit considérer que son personnage dépasse par son importance – et de loin – la Libye et veut se tailler une stature à l'échelle de l'Afrique, après avoir échoué à succéder à Nasser, son premier idéal, au sein du monde arabe. Mais il ne doit pas être le seul chef d'Etat arabe à penser que son peuple ne le mérite pas…


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