Où aller en vacances ? Question centrale des derniers jours, avec peut-être celle-ci : à quelle heure va-t-on changer de régime ? C'est probablement à cause de ces interrogations que la saison de la harga a commencé, avec une soixantaine de départs par semaine enregistrés. Avec un taux très faible de réussite, pas très loin du taux de réussite des réformes gouvernementales. Mais quand on est jeune et intrépide, ce sont quand même des vacances. Que faire l'été où tout est moite et sec, mou et dur en même temps ? Aller à la mer, trouver un passeur, le payer et vivre une grande aventure avec, comme pour une loterie, la chance de gagner gros. Les moins chanceux se font arrêter et traduire en justice ou meurent en mer, récupérés parfois par les garde-côtes espagnols ou italiens, en attendant que l'Etat algérien, pas très pressé, vienne récupérer les corps. Mais le harrag n'est pas vu de la même manière. Pour les gouvernements européens, le harrag est un nouveau genre de boat-people, une anomalie aquatique, un désespéré clandestin à rames, un migrant à problèmes qui renvoie à la malvie du pays duquel il est parti. Pour le gouvernement algérien, un harrag est surtout un traître qui fait honte, un déserteur en temps de paix ayant fui son pays parce qu'il a refusé de vivre comme tout le monde, c'est-à-dire mal, avec l'obligation d'accepter les incompétences des ministres, walis et présidents d'APC, et de courir en pleine chaleur pour obtenir un extrait de naissance 12 s. Mais pour les poissons, principaux concernés par ces migrations marines, qu'est-ce qu'un harrag ? C'est une nouvelle espèce aquatique qui se déplace en bancs, qui fait du bruit mais est comestible. Car les poissons mangent les harraga morts en mer. La chaîne alimentaire est ainsi bouclée ; tous les soirs, le ministre algérien de la Pêche mange du poisson qui a mangé du harrag. Le président peut être fier de lui.