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Les gargotes de la mort
Publié dans El Watan le 23 - 07 - 2010

10h. L'heure où le millefeuille exposé au soleil commence à couler derrière sa vitrine. Rue Belouizdad, il fait déjà 34°C. Aujourd'hui au menu : la brigade chargée d'intervenir dans cette zone a pour priorité les pizzerias, les cafés, les restos et les pâtisseries. Je me joins à eux. Pour ne pas être accusé de mise en scène pour les besoins du reportage, je serai présenté comme un inspecteur. Nous entrons dans une première pâtisserie. Présentation des papiers. Fatma*, l'inspectrice qualité, se dirige directement vers les congélateurs pour contrôler l'état et le conditionnement des produits. Les surprises ne tardent pas : le congélateur où sont conservés les croissants non cuits est habité par… des cafards morts. Elle demande le chef cuisinier. «Ca vous arrive de nettoyer un peu ?», s'enquiert-elle sans prendre de gants. Visiblement embarrassé, le chef cuisinier ne trouve pas de réponse à part un hésitant «nous n'avons pas encore nettoyé».
L'inspectrice contrôle ensuite la température. Elle est en dessous de la norme. La sanction ne se fait pas attendre : dans des sachets poubelles, elle commence alors à jeter les pâtes et d'autres produits douteux comme la levure. Le propriétaire arrive, médusé, alors que Farid, le deuxième inspecteur, monte au premier étage, dans le laboratoire où sont préparées les pâtisseries. Deuxième contravention pour le commerçant : le sol est glissant, non-respect des mesures de sécurité. Un vrai danger pour les travailleurs. Idem pour l'extincteur déposé… au fond, derrière le four. Les infractions s'enchaînent. L'inspecteur donne des consignes aux travailleurs qui se mettent à les exécuter sans tarder.
10h30. Avant de partir, la brigade dresse une dernière contravention pour exercice d'une activité étrangère au registre du commerce. La pâtisserie propose également des produits salés, non prévus dans son activité initiale. L'inspecteur en chef dresse son PV devant les justifications «non fondées» du propriétaire, pris de panique. «Vous comprenez… Les travailleurs de nos jours ne respectent pas les normes… Je rentre de Tizi Ouzou…
Ma mère est très malade…», tente vainement d'expliquer le pâtissier. Il est convoqué le lendemain à l'inspection générale. «Les PV constituent le début de procédure de poursuite judiciaire, explique l'inspecteur en chef, avec une proposition de fermeture du commerce.» Soit un accord est trouvé, en général en contrepartie d'une forte amende en plus du maintien de la fermeture, soit le dossier est transféré chez le juge qui, lui, confirme de toute manière la sanction, plus sévère que l'arrangement établi.
10h40. 100 mètres plus loin. Une pizzeria attire l'attention des inspecteurs, qui n'hésitent pas à entrer dans la gargote. Farid interpelle un jeune à l'intérieur de la cuisine. «Vous travaillez ici ?» Réponse négative. Mauvaise réponse. L'inspecteur lui demande de quitter les lieux immédiatement. Motif invoqué : présence d'une personne étrangère. Le reste semble parfait : il y a de l'eau chaude (si ce n'était pas le cas, la fermeture serait immédiate), les ustensiles sont propres, le carrelage et la faïence au mur bien entretenus. Un PV est tout de même dressé et le propriétaire est prié de venir le lendemain à l'inspection générale. Dans ce cas, la sanction qui l'attend est d'au moins 200 000 DA.
10h50. Nous entrons dans un café voisin et demandons innocemment au propriétaire s'il est possible d'utiliser les toilettes. «Car souvent, les propriétaires de café en Algérie refusent aux clients d'utiliser les sanitaires, ce qui constitue en soi une infraction pour "refus de service''», nous précise-t-on. Sans hésitation, sa réponse est positive et les sanitaires sont d'une propreté irréprochable.
11h. Les inspecteurs entrent dans une friperie. Fatma demande les certificats de conformité, phytosanitaires, les factures. Tout est dans l'ordre, mais notre inspecteur vérifie avant de quitter les lieux et interroge le propriétaire. «Vous vendez des sous-vêtements ?» (une activité interdite quand on tient une friperie). Sans hésitation, le propriétaire répond : «C'est interdit par la loi.» Tout le monde repart satisfait.
11h15. La cible cette fois-ci : une boulangerie dans l'artère principale. Les inspecteurs présentent leur identité et demandent qu'on ouvre le passage pour pénétrer dans l'arrière-boutique. Tout est passé au peigne fin et rien n'échappe aux inspecteurs. Le lieu est vétuste, l'entretien difficile : il est demandé au propriétaire de repeindre son local, d'acheter de nouvelles tables et de jeter quelques corbeilles pour les remplacer par des modèles en plastique… Le boulanger n'aura pas de PV, mais les inspecteurs repasseront dans une semaine. Si rien n'est fait, ils fermeront le commerce. «Il faut parfois se montrer indulgent, sensibiliser les gens, reconnaît l'inspecteur en sortant, car sinon, on fermerait tous les commerces d'Alger !» Mais ce n'est pas évident. Fatma en sait quelque chose. «Ils ne me prennent pas au sérieux, avoue-t-elle. Certains me menacent, refusent parfois carrément que je les contrôle. Alors que je n'ai pas à avoir leur autorisation pour passer dans l'arrière-boutique…»
11h50. Le parcours se poursuit dans une pizzeria-fast-food. En ouvrant le frigidaire, les inspecteurs sont interpellés par le cheddar, un fromage industriel interdit dans les commerces. Envoi direct à la poubelle et, pour que le propriétaire ne retourne pas le chercher, les contrôleurs l'aspergent d'eau de Javel. Sur les tables : des pots de mayonnaise. «Depuis quand sont-ils sur la table ?», lui demande-t-on. «Depuis 10h ce matin», répond le jeune propriétaire en toute innocence. Les inspecteurs ont beau lui expliquer que cette mayonnaise devrait être au frais, surtout en cette période de chaleur, l'accusé ne comprend pas vraiment. Et la mayonnaise de suivre le cheddar dans la poubelle. A chaque nouvelle infraction : 50 000 DA minimum s'ajoutent. Le meilleur est à venir dans la cuisine. Là, le cuisinier, assis sur une cuvette de WC, prépare des frites. La faïence du mur est crasseuse, le carrelage du sol est cassé, mouillé, et un balai, appuyé contre le mur attend qu'on l'utilise un jour. Sûr de lui, le cuistot ne bronche pas. Même les inspecteurs ne comprennent pas le spectacle. D'autant que la salle est impeccable. Les pommes de terre suivent la mayonnaise et le cheddar dans la poubelle. Dans ce fast-food, personne n'est en tenue de travail. Le propriétaire tente de se défendre : «Je les ai achetées, mais je ne les pas encore données aux employés.» Bien sûr, les employés n'ont pas non plus de dossier médical. Etonné, le commerçant ne sait même pas de quoi il s'agit. Trois jours lui sont accordés pour constituer les dossiers médicaux du personnel et le sien. Convocation pour le lendemain. Six mois de fermeture seront recommandés avec une forte amende.
13h15. Nouvelle cible : les fast-food de Ruisseau. Le problème : ces commerçants qui vendent aujourd'hui des sandwichs sont quasiment tous les anciens vulcanisateurs du quartier. Après la construction du rond-point et de la trémie, ils se sont recyclés dans la restauration rapide, faute de place pour stocker les pneus. La mode à Ruisseau aujourd'hui, c'est d'aménager une salle climatisée avec baies vitrées, mention salle familiale. Problème : ils n'ont pas le droit d'installer de tables puisque leur activité initiale mentionne «restauration rapide». Tous sont en infraction pour exercice d'une activité étrangère au registre du commerce. Autre souci : ils ne possèdent pas de toilettes ni de boîte de pharmacie. Verbalisation générale. A l'intérieur des cuisines, c'est un festival de surprises. On y trouve de tout : du pain servi la veille entreposé en vrac dans un placard en compagnie des cafards, un foie sans origine caché depuis plus d'une semaine au fond d'un frigo, des cailles «déposées par un voisin», un restaurateur en plein travaux qui sert toujours ses clients, des vitres cassées, un four installé à l'extérieur au mépris des règles élémentaires de sécurité.
Les présentoirs réfrigérés, qui devraient être équipés d'un éclairage spécial, l'ont été d'un éclairage teinté. Les aliments paraissant ainsi plus frais. Pour les inspecteurs, il y a «tromperie», pénalisée de
100 000 DA. Un des commerçants, qui a repris l'enseigne de Hami Hami, est dans le collimateur des inspecteurs. «On peut considérer que cette appellation est vulgaire, ce qui est interdit par la loi», souligne l'un d'entre eux. Un motif qui justifierait à lui seul la fermeture du restaurant.
15h. La brigade rentre au siège. Leur journée n'est pas finie : les inspecteurs vont retranscrire tous leurs procès- verbaux dans un registre et préparer les auditions du lendemain. Cette journée s'est déroulée sans incident. «C'est aléatoire, reconnaît un contrôleur. Nous sommes parfois agressés trois fois de suite et puis pendant un mois, rien ne nous arrive.» Dans certains quartiers sensibles, c'est sous escorte policière qu'ils doivent travailler.
* Les prénoms ont été changés pour protéger l'identité des inspecteurs.
|Emeutes après le passage des contrôleurs à Bordj Bou Arréridj
Le 27 juin dernier, des commerçants de la ville de Ras El Oued, dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj, ont caillassé des inspecteurs de la direction de la répression des fraudes en mission de contrôle routinier. Ce qui a soulevé la colère des commerçants de cette localité, trouvant que «ces contrôles presque quotidiens ne sont pas justifiés». Ils parlent d'«acharnement».
Quinze jours durant, les commerçants ont fermé boutique aux heures de contrôle. L'intervention des agents de l'ordre pour protéger les inspecteurs n'a fait qu'empirer la situation, puisque commerçants et habitants ont poursuivi les contrôleurs et endommagé les véhicules de police. Les commerçants se sont refusé à tout commentaire.|
Mohamed Boulayoune. Membre de l'Union générale des commerçants et des artisans algériens : L'anarchie est devenue la règle
– Lors d'une tournée dans les commerces d'Alger, les inspecteurs relèvent énormément d'infractions, notamment en ce qui concerne l'hygiène…
Dans ce pays, personne n'est à sa place : des gens qui se disent commerçants imposent leur diktat et bafouent toutes les règles reconnues en matière d'exercice du métier. Un commerçant est d'abord un consommateur, donc il ne peut pas accepter de tels agissements. Le respect de l'hygiène est la règle élémentaire qu'un commerçant doit satisfaire. L'anarchie est devenue la règle, chacun fait ce qu'il veut. Il n'y a plus de professionnels.
– A qui en incombe la responsabilité ?
La responsabilité incombe malheureusement à tout le monde, citoyens, commerçants, producteurs… mais en premier lieu à l'Etat qui, il faut le dire, a failli à sa mission de contrôle. Ce qui donne aujourd'hui toutes ces infractions aux règles régissant notre métier. Jusqu'à maintenant, il n'a pas manifesté sa volonté de mettre fin à cette anarchie.
Des détenteurs de fonds ont investi dans tous les domaines liés au commerce ; ces gens-là ne veulent pas que les choses changent. J'ai moi-même fermé ma boulangerie car j'ai souffert d'une concurrence déloyale, spécialement des «boulangeries garages». Il faut le savoir : 50% du pain qui se vend à même le trottoir provient de ces commerces illégaux.
– A l'Union générale des commerçants et des artisans algériens, menez-vous des campagnes de sensibilisation auprès des commerçants ?
Tout est à l'arrêt, rien ne marche. Vous ne pouvez pas mener des campagnes de sensibilisation à l'encontre de ces détenteurs de fonds qui n'ont hélas rien à voir avec le métier que nous défendons. Il n'y a pas possibilité de dialogue.


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