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Erdogan et les Arabes : La religion au service du commerce et de l'OTAN
Publié dans El Watan le 25 - 12 - 2011

La popularité de Recep Tayyip Erdogan et du «modèle turc» semblent à leur apogée au Proche-Orient et en Afrique du Nord, deux régions qui connaissent depuis un an des bouleversements politiques d'une grande ampleur (1). L'accueil, qui a été réservé au Premier ministre turc en Egypte (2), en Tunisie et en Libye, lors de la visite qu'il a effectuée dans ces trois pays en septembre 2011, indique qu'une partie de leur opinion (3) voit en l'Etat turc «islamisé» un exemple à suivre, car conciliant «l'authenticité» et la modernité, d'un côté et, de l'autre, le «développement» économique et l'attachement à l'indépendance vis-à-vis des grandes puissances.
Telle qu'elle peut être déduite par d'innombrables articles publiés dans la presse, l'image de la Turquie pour l'opinion arabe pro-turque est celle d'une force montante, qui entend doubler son essor économique (17e meilleur PIB en 2010, selon le FMI) d'une indépendance politique accrue vis-à-vis de l'OTAN, de l'Union européenne (UE) et du si encombrant partenaire israélien. Le Premier ministre turc doit sa bonne fortune arabe à sa dénonciation régulière du blocus imposé par Israël à la bande de Ghaza. Il la doit aussi aux campagnes turcophiles d'élites issues, pour certaines, des Frères musulmans, qui rêvent d'une «turcisation» de pays comme l'Egypte qui, pour les besoins symboliques de la cause «néo-ottomane», présentent le «modèle turc» comme une réincarnation tardive du Califat disparu en 1924.
Ces élites sont d'autant plus engagées dans la défense de ce «modèle» que leur proximité, réelle ou feinte, avec les dirigeants de l'AKP, peut être fructifiée politiquement – et même électoralement. Il n'est pas inutile de relever, à ce propos, que tous les Frères musulmans ne voient pas d'un œil favorable les tentatives de la Turquie de rebâtir son leadership dans la région. Lors de la visite d'Erdogan en Egypte, un responsable égyptien de cette confrérie, Essam Al Aryane, a déclaré : «Nous voyons en lui un des dirigeants les plus en vue de la région, mais nous ne pensons pas que son pays, à lui seul, puisse la diriger ou planifier son avenir (4).»
Les succès turcs sont-ils des «succès islamistes» ?
Pour les élites arabes turcophiles (5), les positions anti-israéliennes d'Erdogan indiquent une mutation qualitative de la politique extérieure turque. C'est sans doute vrai, mais ces positions ont des antécédents qui datent, paradoxalement, de l'époque du «pouvoir laïque» radical. Quand la Turquie voulait renégocier ses relations avec son allié euro-américain (ou gagner à sa «cause chypriote» de nouveaux soutiens), elle se tournait souvent vers le Monde arabe. Ainsi, pendant la Guerre d'octobre 1973, elle a interdit à l'armée américaine d'utiliser ses bases situées en territoire turc pour aider Israël. Deux ans plus tard, en 1975, elle a reconnu l'OLP en tant que représentant légitime du peuple palestinien (6). En décembre 1980, en pleine tension avec la Communauté européenne, et afin de souligner sa proximité politique avec ses voisins arabes suite à l'annexion de Jérusalem-Est, elle a ramené ses relations avec Tel-Aviv au niveau de «représentation des intérêts», bien en deçà du niveau de «représentation consulaire» qui était le leur depuis 1949.
Les élites arabes pro-turques évoquent les succès économiques de la Turquie (un taux de croissance de 9% en 2010, selon le FMI, et un taux prévisionnel de 6,6% en 2011, en dépit des turbulences que traverse l'économie internationale) comme le fruit de la «bonne gouvernance» de ces deux partis et de l'efficacité industrieuse de la nouvelle bourgeoisie conservatrice qu'ils ont contribué à faire émerger.
Or, les politiques économiques du Refah-AKP s'inscrivent dans la continuité de celles appliquées dès la première moitié des années 1980 par le gouvernement de Torgut Özal et qui, elles aussi, visaient la construction d'une économie orientée vers l'export, plus attractive pour les capitaux étrangers (en pleine crise financière mondiale, le volume prévisionnel des IDE en 2011 est de 10 milliards de dollars !).
Les exportations turques, de 3 milliards de dollars en 1980, sont passées à 28 milliards en 2000, à 46 milliards en 2003 et à 113 milliards en 2010. Leur croissance reflète une formidable extension du tissu industriel turc. Surtout, elle impose à la Turquie de rechercher, dans son environnement immédiat (Proche-Orient) et plus ou moins éloigné (Afrique du Nord), de nouveaux débouchés pour sa production industrielle (94% du total de ses exportations en 2008). Cette recherche est d'autant plus impérative que paraît s'éloigner, pour l'instant, la perspective de l'adhésion à l'UE à laquelle l'AKP n'a pas renoncé, tout attaché qu'il soit à l'«identité musulmane».
Un débouché miraculeux pour l'industrie turque
Il est légitime de s'interroger si les islamistes ne sont pas les meilleurs exécutants du projet de conquête des marchés des pays arabes par les hommes d'affaires turcs de toute obédience, et ce, grâce à l'exploitation des liens culturels et religieux entre la Turquie et ces pays. Il n'est pas exclu que la coïncidence entre la «panne» de l'intégration à l'UE (l'évocation par l'ancien responsable de l'Elargissement de l'UE, Olli Rehn, en mars 2007, de l'éventualité de l'arrêt des «négociations d'adhésion») et la confirmation de la popularité de l'AKP (la victoire aux législatives anticipées de juillet 2007) ait achevé de persuader de nouveaux secteurs de la bourgeoisie turque que ce parti défend leurs intérêts au-delà de leurs espérances.
Vue sous cet angle, celui des intérêts du capitalisme turc – et bien qu'elle s'accompagne d'une crise réelle des relations avec Israël –, l'expansion turque dans la région arabe est principalement économique. Elle pourrait être considérée comme une concrétisation partielle du rêve du MSP (Parti du salut national), fondé en 1973 par le père de l'islamisme turc Necmetin Erbakan qui, comme le rappelle le politologue français Jean Marcou, «(préconisait) la construction d'un marché commun musulman, où la Turquie pourrait écouler ses produits» (7).
Pour Erdogan «les relations turco-arabes dépassent les intérêts économiques vers des horizons plus larges, qui concernent les visions stratégiques et les préoccupations communes, au premier plan desquelles figure la question palestinienne» (le quotidien égyptien Al Shourouk, 12 et 13 septembre 2011). Il n'empêche que lors de sa visite en Egypte, en Tunisie et en Libye, il était accompagné de dizaines de chefs d'entreprise. Contrairement à ce que pourrait le laisser croire le soutien d'Erdogan au sit-in de la place Al Tahrir au Caire, en février 2011, les islamistes turcs se sont toujours peu souciés de ce que pouvaient penser les peuples du Monde arabe des régimes qui les gouvernent.
Bien avant le Printemps arabe, la présence des firmes turques en Egypte et en Libye (8) se renforçait et la promesse d'une conquête commerciale d'autres pays arabes se dessinait, surtout après la proclamation, en janvier 2011 (soit quelques semaines avant l'intifadha égyptienne), de la constitution d'une zone de libre-échange entre la Turquie, la Jordanie, la Syrie et le Liban. Dans le cas de la Libye, cette politique a eu pour éloquent symbole l'acceptation par Erdogan du «Prix Kadhafi des droits de l'homme» le 1er décembre 2010, deux mois et demi seulement avant les premières manifestations contre le pouvoir du despote libyen.
Difficile autonomie vis-à-vis de l'OTAN
Si l'on met de côté les discours sentimentalistes qui voient en la Turquie l'embryon d'un nouvel Empire ottoman, son émancipation des entraves de l'alliance stratégique avec l'UE et les Etats-Unis paraît d'autant plus difficile qu'elle est contrariée par ce pacte tacite entre l'AKP et le capitalisme turc, qui n'a pas encore fait son deuil de l'intégration à l'UE (46% des exportations turques en 2008). Et quand bien même une radicalisation «anti-occidentale» de l'AKP serait possible, beaucoup de temps serait nécessaire à celui-ci pour édifier un bloc turco-arabe solide dans un contexte régional des plus troubles. Jusqu'à présent, la détermination de la Turquie à améliorer ses relations avec le Monde arabe n'est pas entrée en contradiction avec sa loyauté envers ses «amis» européen et américain.
Pour le chercheur à l'IRIS Didier Billion, il n'y a nul «risque de basculement d'alliance de (cet Etat), qui sait très bien qu'(il) peut avoir un rôle important dans la région parce que, justement, (il) continue à faire partie de l'OTAN et qu'(il) a des relations de négociations, certes très compliquées, avec l'Union européenne (9)». Le régime d'Erdogan a fourni deux récentes preuves de sa subordination stratégique à l'OTAN. La première a été la décision prise le 1er septembre 2011 (la veille de l'annonce du gel de la coopération militaire avec Israël), d'autoriser le déploiement, sur le sol turc, d'un système de radars expressément destiné à parer le danger d'attaques iraniennes contre l'Europe.
La seconde preuve a été son attitude changeante vis-à-vis du conflit en Libye : après s'être opposé à l'intervention militaire internationale dans ce pays, il s'est résigné à participer à la surveillance des côtes libyennes, tout en œuvrant à faire passer cette contribution à l'effort de guerre atlantiste pour une «mission humanitaire» (soigner les blessés à bord des navires de guerre turcs). L'étroitesse des liens de la Turquie à ses vieux alliés explique également que ni les Etats-Unis ni l'UE ne montrent de signes de peur de l'exportation du «modèle turc» en Tunisie ou en Egypte. Que ces pays soient gouvernés par des islamistes ne les effraie pas tant qu'ils ne contestent pas l'hégémonie euro-américaine au Proche-Orient et en Afrique du Nord, à défaut d'accepter la présence des forces de l'OTAN sur leur territoire.

Notes :
(1) Cet article a paru dans le numéro 32 de la revue Afkar-Idées
(http://www.afkar-ideas.com) et est publié ici avec son aimable autorisation.
(2) Un des slogans qui ont accueilli Recep Tayyip Erdogan lors de sa visite en Egypte, en septembre 2011 est «Nous voulons l'Erdogan arabe» («Pourquoi il n'y a pas d'Erdogan arabe», Wahid Abdelmadjid, le quotidien panarabe Al Hayat, 25 septembre 2011).
(3) Selon une enquête menée par un think tank turc (août et septembre 2010), 66% des 3000 ressortissants de sept Etats du Proche-Orient interrogés jugent que «la Turquie peut être un exemple» en ce qu'elle serait «une synthèse entre islam et démocratie». La Turquie et les révolutions arabes, Didier Boillon (chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques, IRIS, France), Le Monde, 5 mai 2011.
(4) Al Jazeera Net, 15 septembre 2011.
(5) L'éditorialiste islamiste égyptien, Fahmi Howeidi, est, en Egypte, un des représentants de ces élites turcophiles.
(6) Nous devons ces rappels de l'histoire des tensions entre la Turquie et Israël à l'article de Jean Marcou, professeur à l'Institut d'études politiques de Grenoble, intitulé Turcs et Arabes : vers la réconciliation ? (Qantara, n°78, janvier 2011, dossier : «Turcs et Arabes : une histoire mouvementée»).
(7) Voir la note n°6.
(8) Quelque 200 entreprises turques opèrent en Egypte et 75 en Libye. En Tunisie, c'est une entreprise turque qui gère l'aéroport international d'Enfidha-Hammamet après l'avoir construit pour 550 millions d'euros. (Cf. «La Turquie recherche une influence politique et surtout économique dans les pays du Printemps arabe», le site de Radio France internationale, 16 septembre 2011).
(9) Cité dans l'article de Monique Mas, «La diplomatie turque à l'heure des révolutions arabes», (www.rfi.fr, 12 septembre 2011).


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